Diagnostiquées avec une amyotrophie spinale, Marley et Mylane ont bénéficié d’un traitement précoce grâce à un dépistage néonatal efficace en Charente-Maritime, soulignant l’importance de l’inclusion des maladies comme la SMA dans les programmes de santé publique. Pendant ce temps, plusieurs pays ont pris de l’avance sur la France en matière de dépistage néonatal.
Chaque année, le Téléthon met en lumière des parcours de vie marqués par la lutte contre les maladies rares. Les plus jeunes visages de l’édition 2024 du Téléthon sont Marley et Mylane, deux petites filles touchées par une maladie neuromusculaire. Pour leur famille, l’histoire aurait pu être bien différente si un dépistage néonatal n’avait pas permis d’intervenir dès les premiers jours dans la région de la Charente-Maritime.
Les deux jumelles, surnommées les demoiselles de Rochefort par le parrain du Téléthon 2024 Mika, ont été diagnostiquées avec une amyotrophie spinale de type 1, une maladie neuromusculaire rare et grave qui affecte leurs mouvements et leur respiration. Le 19 octobre 2023, à peine 17 jours après leur naissance, Marley et Mylane ont reçu, à quelques minutes d’intervalle, le médicament de thérapie génique développé grâce aux recherches pionnières du laboratoire Généthon. Aujourd’hui, les jumelles se portent bien et continuent de progresser chaque jour.
“200 km ont fait la différence pour Marley et Mylane.” - AFM Téléthon
Si les deux petites filles étaient nées dans une autre région, si leurs parents n’avaient pas décidé de déménager avant leur naissance, elles n’auraient pas reçu de diagnostic et auraient pu perdre la vie à cause de la maladie avant l’âge de deux ans.
Qu’est-ce que l’amyotrophie spinale, maladie génétique ?
L’amyotrophie spinale (SMA) est une maladie neuromusculaire rare, avec une incidence d’environ 1 cas sur 6.000 naissances, ce qui équivaut à environ 124 nouveaux cas par an en France. Cette maladie est caractérisée par une dégénérescence progressive et irréversible des neurones moteurs, responsables de la commande des muscles. Les nourrissons touchés sont généralement asymptomatiques à la naissance, mais les premiers signes de la maladie apparaissent habituellement dans les semaines qui suivent. Ces symptômes incluent des difficultés à s’alimenter, des faiblesses musculaires, et des problèmes respiratoires, qui peuvent s’aggraver avec le temps.
La SMA a été décrite pour la première fois par le neurologue américain Warren Tay en 1886. Cependant, c’est un autre médecin, le neurologue français Jean-Martin Charcot, qui a approfondi la compréhension de la maladie au cours des années 1860.
"Entre 2017 et 2021, plusieurs thérapies médicamenteuses spécifiques ont émergé, bouleversant la prise en charge de la maladie" mais, "pour optimiser leur efficacité, ces traitements doivent être administrés chez les nourrissons le plus précocement possible", a noté la HAS, Haute autorité de santé, dans un communiqué.
Pour Serge Braun, Directeur scientifique de l’AFM-Téléthon, cet écart entre la découverte d’un traitement et la mise en place d’un dépistage systématique est source de beaucoup de frustration et de peine. Dans ses formes les plus graves et sans traitement, comme le type 1 dont ont été atteintes les deux jumelles, la SMA peut être fatale avant deux ans.
Qu’en est-il du dépistage de la SMA dans le monde ?
Quatre pays européens ont inclus le dépistage de la SMA dans leurs panels de dépistage néonatal : l’Allemagne, le premier pays à l’intégrer systématiquement dans son programme national en 2021, suivi de la Belgique, puis des Pays-Bas et de la Pologne en 2022.
D’autres pays comme l’Espagne et l’Italie ont initié des programmes régionaux dans certaines régions (Catalogne pour l’Espagne et Lombardie pour l’Italie). Mais, tout comme la France, il ne s’agit pas encore d’une couverture nationale. D’autres régions pourraient bientôt suivre pour l’Italie, et une expansion nationale est envisagée pour l’Espagne.
À l’internationale, les États-Unis ont un programme très avancé, couvrant environ 99 % des naissances grâce à un programme intégré dans presque tous les États, suivant une recommandation en 2019. L’Australie, quant à elle, effectue le dépistage dans certaines régions telles que la Nouvelle-Galles du Sud et le Territoire de la capitale australienne. Au Canada, environ 72 % des naissances sont couvertes, surtout dans les provinces d’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de l’Ontario et de la Saskatchewan, ainsi que dans certaines zones nordiques. Le Qatar et Taïwan incluent également des programmes de dépistage national, ce dernier ayant été parmi les premiers en Asie à intégrer ce dépistage de manière permanente après des projets pilotes réussis.
Dans les prochaines années, l’élargissement des programmes pourrait atteindre jusqu’à 24 % de la population mondiale dans les pays où un traitement est disponible, et d’autres initiatives pilotes sont en cours pour faciliter l’extension du dépistage à davantage de pays.
Le dépistage néonatal en France en 2024
La France possède un programme national de dépistage néonatal (DNN). Le dépistage néonatal n’est pas automatique, mais est fortement recommandé aux parents, qui doivent donner leur accord écrit. Il est proposé gratuitement dans les deux ou trois jours suivant la naissance de l’enfant et a pour objectif de détecter 13 maladies, sept d’entre elles ayant été rajoutées 1ᵉʳ janvier 2023.
Ce qui change pour les parents expatriés en 2023
Le test, nommé test de Guthrie, est réalisé à partir de quelques gouttes de sang prélevées sur le talon du nourrisson et recueillies sur un buvard. L’enjeu est d’identifier des pathologies rares et graves, généralement d’origine génétique, pour intervenir précocement et limiter leurs effets avant même l’apparition des premiers signes.
Voir la liste des 13 maladies dépistées
À la différence de pays comme la Belgique ou l'Allemagne, la France s'est longtemps opposée au dépistage "génétique" dès la naissance, certains élus craignant un risque d'"eugénisme". La loi de bioéthique de 2021 a cependant modifié cette position.
Le SMA n’apparaît malheureusement pas dans la liste de ces 13 maladies. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande d’élargir le dépistage néonatal pour inclure l’amyotrophie spinale, estimant qu'un diagnostic précoce permettrait d'améliorer les capacités motrices, respiratoires et nutritionnelles. Depuis janvier 2023, un programme pilote de dépistage génétique de l’amyotrophie spinale a été mis en place dans deux régions : la région Grand Est et la Nouvelle-Aquitaine. Des associations comme l'AFM-Téléthon ainsi que des spécialistes plaident pour une généralisation à toute la France. L'étude dans les deux régions "a montré la faisabilité du dépistage avec une réduction du délai médian diagnostique à sept jours", contre trois à cinq mois environ, et "la mise en place d'un traitement avant l'âge d'un mois (donc avant l'apparition des premiers symptômes) chez plusieurs nouveau-nés, optimisant ainsi les chances de survie des enfants et améliorant leur qualité de vie", pointe la HAS.
Le parcours de Marley et Mylane incarne les espoirs de nombreuses familles pour un dépistage élargi en France. Pour des maladies comme le SMA, pour lesquelles des traitements existent, mais doivent être administrés précocement, c’est un enjeu de taille. Le Téléthon n’est pas seulement un événement de solidarité ; il est le moteur d’une recherche de pointe, visant à offrir aux enfants comme Marley et Mylane la possibilité d’une vie meilleure. Grâce aux dons et aux actions menées par l’AFM-Téléthon, les frontières du dépistage néonatal s’étendent peu à peu, en France comme dans d’autres pays.
Depuis son lancement en janvier 2023 dans les deux régions pilotes, DÉPISMA a permis le dépistage de près de 85.000 bébés, parmi lesquels cinq ont bénéficié d’une thérapie génique en moyenne 23 jours après le diagnostic. Cette avancée est significative, mais il est impératif que la mise en œuvre se fasse rapidement. D’après le Centre National de Coordination du Dépistage Néonatal, la mise en place du dépistage de l’Amyotrophie Spinale devrait être généralisé à la France entière en 2025.
Comment faire un don au Téléthon ?
Les particuliers et les entreprises peuvent faire un don à l’association AFM-Téléthon qui finance le laboratoire Généthon. Pour faire un don unique ou régulier, cliquez ici.