Face à une rentrée politique et budgétaire tendue, le sénateur Jean-Luc Ruelle détaille ses priorités et son action pour soutenir les Français à l’étranger, défendre leurs droits et renforcer leur rôle à l’international « Redresser le pays avant toute posture politique »


« La diplomatie parlementaire ouvre des dialogues là où la diplomatie officielle est contrainte. »
Quelles sont vos priorités pour cette rentrée 2025 ?
Cette rentrée politique a bouleversé tout ce qui pouvait être prioritaire. La chute d’un deuxième gouvernement en moins d’un an et l’ombre d’une crise de régime nous imposent une responsabilité collective.
Responsables politiques, leaders syndicaux et patronaux ne devraient avoir qu’un seul cap : laisser de côté les postures politiques pour se consacrer à 100% au redressement du pays. Cela semble un truisme mais je crois qu’aujourd’hui, beaucoup voient leur intérêt à diviser et à tout conflictualiser, et ce au détriment de nos compatriotes. Malgré une vie parlementaire entravée, mon action se poursuit, notamment à travers la diplomatie parlementaire, souvent méconnue mais essentielle.
Elle joue un rôle important en complément de la diplomatie « traditionnelle » menée par l’exécutif et permet d’aborder certains sujets de façon plus souple, moins formelle que les diplomates. Parfois, elle ouvre des canaux de dialogue là où la diplomatie officielle est contrainte. J’ai ainsi participé récemment, aux côtés du président Larcher, à plusieurs rencontres avec des responsables africains comme le président Sassoun Nguesso ou des présidents de chambre de pays africains dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.
Résidant depuis longtemps en Afrique, je suis sensible aux enjeux de financement du continent. Au début du mois de septembre, j’ai échangé avec Rémy Rioux, directeur général de l’AFD sur la nécessité de traiter à court terme le surendettement et, à long terme, de renforcer les marchés financiers africains pour soutenir un développement porté par l’épargne locale. Désormais membre du conseil d’administration d’Expertise France, je défends une coopération internationale qui associe davantage le secteur privé pour passer de l’aide ponctuelle à un véritable co-investissement dans l’avenir et croiser expertise opérationnelle et recherche stratégique.
Je reste bien évidemment attentif aux problématiques de nos ressortissants à l’étranger : situation de l’AEFE, réforme de la CFE et bien entendu soutien de nos entrepreneurs français à l’étranger, les EFE. J’ai la grande chance d’être également un élu local puisque je suis encore conseiller des Français de l’étranger pour la Côte d’Ivoire et le Libéria et conseiller à l’AFE. Cela me permet de garder un ancrage très fort et une perception pragmatiques des problématiques.
Avez-vous prévu des déplacements dans les prochains mois pour rencontrer les Français de l’étranger ?
Je partirai au mois de novembre en Israël avec mes collègues Evelyne Renaud-Garabedian et Sophie Briante Guillemont. C’est la première fois que je me rendrai dans ce pays, je suis très heureux de rencontrer une des plus grandes communautés françaises à l’étranger. Les 5 conseillers des Français de l’étranger de la circonscription de Jérusalem, les 6 de celle Tel-Aviv/Haïfa ainsi que les 3 délégués consulaires de cette dernière ont fourni un travail extraordinaire durant cette période de guerre.
Certains de nos compatriotes ont tout perdu, d’autres ont dû évacuer leur maison sans pouvoir y revenir et ce depuis presque deux ans : ils ont à chaque fois répondu présents. Je devais partir au Nigéria en septembre avec le groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest, malheureusement ce voyage a été annulé en raison de la situation politique de notre pays. J’espère que nous pourrons vite le reprogrammer, le Nigéria est un partenaire commercial de premier plan en Afrique subsaharienne.
« Comme une grande partie des Français, je suis très inquiet de l’état de nos finances. »
Quelle est votre perception de la situation budgétaire française ?
Comme une grande partie des Français, je suis très inquiet de l’état de nos finances. Quatre grandes pistes s’offrent à nous : La première, accepter l’augmentation du déficit de la dette publique. Cette option entraînerait une hausse insoutenable de la dette publique, et renchérirait considérablement le coût auquel la France emprunte sur les marchés jusqu’au point de plus pouvoir emprunter ou de plus avoir personne à qui emprunter.
La deuxième et troisième - la réduction des dépenses et la hausse des impôts permettraient certes de réduire le déficit, mais au prix d’un ralentissement de la croissance et d’effets négatifs sur les dépenses d’avenir ou la compétitivité.
La quatrième option - modifier la structure des dépenses publiques - est selon moi à privilégier : réorienter progressivement les dépenses en renforçant celles tournées vers l’avenir (R&D, transition énergétique, éducation, réindustrialisation) et en réduisant le poids de la protection sociale. Cette approche stimulerait la croissance, réduirait le déficit par l’augmentation de l’activité économique plutôt que par l’austérité, et améliorerait l’équité entre générations.
Je suis aussi persuadé qu’on ne pourra combler la dette sans résorber d'abord le déficit commercial…C’est pourquoi je suis très engagé auprès de tous nos dispositifs de stimulation de l’export : Business France, Bpifrance, les chambres de commerce à l’international, les conseillers du commerce extérieur et aussi les EFE.
En el marco de la visita a Lima de la Comisión de Relaciones Exteriores y Defensa del Senado 🇫🇷, el senador J-L Ruelle, el senador M. Vallet y el consejero M. Parcelier visitaron la @AFLima_Oficial, promotor clave de la lengua y de la cultura francesa en el Perú 🇫🇷🤝🇵🇪 pic.twitter.com/BgUkHHOjuY
— La France au Pérou🇨🇵🇪🇺 (@FrancePerou) June 20, 2025
Comment pensez-vous pouvoir défendre les dispositifs et services dédiés aux Français à l’étranger ?
Depuis mon élection au Sénat, je suis persuadé qu’il faut mener un travail critique sur l’ensemble des institutions et structures qui concernent les Français de l’étranger pour en mesurer l’utilité et l’efficacité et la pertinence des modèles. C’est chose faite avec la CFE. L’Inspection générale des finances (IGS) et l’inspection générale des affaires sociales ont évalué son modèle économique et ont proposé des scénarios de réorientation stratégique.
En juillet dernier, à la suite de mon interpellation sur les orientations budgétaires de l’AEFE, j’ai appris qu’à partir de ce mois de septembre, un groupe de travail réunissant les administrations de plusieurs ministères sous la conduite des inspections générales concernées réfléchira au développement d'un modèle économique soutenable et durable de l’Agence avec un resserrement sur les missions centrales de l’Agence. Je suivrai ses travaux avec vigilance car il s'agit non pas seulement de décider d'options budgétaires et financières, mais d'opérer un choix politique déterminant pour l'avenir de notre réseau, de l'éducation de nos enfants à l'étranger et de la diffusion de nos valeurs à l’international.
Je suis également convaincu que pour défendre aux mieux les services propres aux Français de l’étranger; il faut sensibiliser le grand public mais également les députés et sénateurs du territoire national sur ce que sont vraiment - ceux qu’on appelle de façon réductrice - les « expatriés », leur réalité quotidienne mais également leur contribution immense pour notre pays. C’est ce que je m’efforce à faire lorsque je pars avec une délégation sénatoriale dans le cadre d’un groupe d’amitié ou de la commission des affaires étrangères, comme en juillet dernier au Pérou et au Brésil.
J’essaie toujours d’ajouter à notre programme, des rencontres avec les services consulaires, avec les élus des Français de l’étranger, des visites d’établissements d’enseignement français, des alliances et instituts français. Beaucoup de mes collègues me disent alors qu’ils ne connaissaient pas la richesse de nos communautés à l’étranger, je sais que leur regard en est changé.
« Les Français à l’étranger ne sont pas de simples expatriés : ils incarnent chaque jour une image vivante de notre pays. »
Quel message souhaitez-vous adresser aux Français de l’étranger en cette rentrée ?
J’évoquais la diplomatie parlementaire comme un précieux complément à la diplomatie traditionnelle mais je suis également convaincu que les Français établis hors de nos frontières sont, eux aussi, de véritables acteurs de la diplomatie. Par leur présence dans les milieux économiques, culturels, associatifs ou académiques des pays où ils vivent, ils portent haut les couleurs de la France. Ils contribuent à son rayonnement, à la construction de ponts entre les sociétés et à l’affirmation de notre influence dans le monde.
Leur rôle dépasse très largement celui d’expatriés : ils incarnent chaque jour une image vivante et concrète de notre pays. Ils favorisent les échanges humains et professionnels, ils stimulent les coopérations locales, ils renforcent la compréhension mutuelle entre les peuples. À l’occasion de cette rentrée, je tiens à adresser un message particulier à tous nos compatriotes de l’étranger. Cette période marque souvent un nouveau départ : reprise de l’école pour les enfants, relance des projets professionnels, engagements associatifs renouvelés. C’est aussi un moment où l’on ressent parfois plus vivement l’éloignement. Je veux leur dire que, partout où ils se trouvent, ils ne sont pas seuls. La République est à leurs côtés, et leurs représentants sont pleinement mobilisés pour défendre leurs droits, faciliter leur quotidien et valoriser leur action.
« Le vote internet doit devenir un droit pour tous les Français, où qu’ils soient. »
Vous portez des questions sur le vote électronique, quelles avancées attendons-nous dans les semaines ou mois à venir pour faciliter la vie des Français établis hors de France ?
Dans la perspective des élections consulaires de 2026 et des prochaines échéances, un premier test grandeur nature se tiendra du vendredi 7 novembre au lundi 10 novembre. De scrutins en scrutins, les difficultés techniques se résorbent même s’il reste toujours des anomalies, qui sont généralement bien prises en charge par le dispositif d'assistance en ligne.
De façon plus générale, je plaide pour que le vote internet soit étendu au-delà des élections consulaires et législatives aux scrutins présidentiel et européen, ce qui était également envisagé par Laurent Saint-Martin et qui j’espère sera poursuivi par son successeur.
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