Le discours du 18 novembre 2025 du général Mandon résonne. Il ne ressemble pas à un simple message militaire, mais à une proposition stratégique et morale. Il pose la question du prix à payer, non seulement en termes économiques, mais en vies humaines, pour préserver ce que la France “est”. Pour les Français et Françaises de l’étranger, ce discours est un appel à rester attentifs. La résilience nationale ne concerne pas que ceux qui vivent en France. Si la perspective d’une confrontation à long terme devient réalité, leur rôle de citoyen, de réserviste potentiel, ou de relais de la France pourrait être plus que symbolique. C’est aussi le sens des propos de la sénatrice Hélène Conway-Mouret, qui rappelle l’importance d’associer pleinement les expatriés à la réflexion et aux dispositifs de défense.


Lors du 107ᵉ Congrès des Maires de France, le 18 novembre 2025, le général Fabien Mandon, chef d’état-major des armées (CEMA), a délivré un message à la fois sombre et mobilisateur. Face à des élus qui ne s’attendaient pas à un discours purement géopolitique, il a alerté : la France doit se préparer à des sacrifices majeurs. Un appel au “sursaut national” qui a de quoi résonner particulièrement pour les Français établis à l’étranger. Pour Hélène Conway-Mouret, sénatrice représentant les Français de l’étranger, « il est important que la population française soit informée sur les menaces réelles qui pèsent sur elle et soit en capacité d'y répondre ». Elle estime toutefois que « cette communication aurait dû être faite par le président de la République ou la ministre des Armées et non par le chef d'état-major des armées qui s'est exprimé en tant que militaire alors que le message était éminemment politique, d'où les polémiques qui ont suivi. »
Selon le général Mandon, la Russie ne serait pas simplement un rival diplomatique, mais un adversaire prêt à une confrontation militaire sur le long terme. Il évoque un horizon 2030 où Moscou pourrait poser une menace “concrète”. « Nous avons tout pour dissuader Moscou. Ce qu’il nous manque, c’est la force d’âme », affirme-t-il. Ce constat stratégique, porté devant des maires, change radicalement la tonalité du congrès. Il ne s’agit plus seulement de dotations municipales ou de développement territorial, mais de préparer la population à un scénario de résilience.
Le prix du sacrifice, « accepter de perdre nos enfants »
Dans une des phrases les plus marquantes, le général Mandon n’hésite pas à évoquer le sacrifice, « Il faut accepter de perdre nos enfants, de souffrir économiquement. Si nous ne sommes pas prêts à cela, alors nous sommes en risque. »
Pour lui, cette “force d’âme” collective est indispensable. Sans elle, la capacité de dissuasion de la France s’effrite. Il invite les maires à en parler dans leurs communes pour préparer mentalement les Français à la possibilité d’un conflit. Ce discours bouscule profondément l’idée d’une France pacifique. Il ramène la guerre au cœur du débat politique et social, et cela passe par la mobilisation de tous, élus et citoyens.
Et il ne se limite pas à une mise en garde. Il propose une vision et plaide pour une défense européenne plus autonome, capable de faire face sans dépendance totale vis-à-vis des États-Unis. Mais aussi pour une résilience économique. Pendant son discours, il explique que la production nationale doit être orientée vers la défense si nécessaire. Il finit par souligner le besoin d’élargir les rangs, y compris au-delà des effectifs actuels en parlant de renforcement de la réserve opérationnelle.
Selon le ministère des Armées, près de 30.000 militaires français sont aujourd’hui engagés hors du territoire métropolitain. Environ 9.000 d’entre eux assurent la souveraineté des territoires ultramarins, présents en permanence aux Antilles, en Guyane, à Mayotte-Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Le reste des effectifs est déployé en opérations extérieures ou prépositionné dans des zones stratégiques comme Djibouti, les Émirats arabes unis ou l’Afrique de l’Ouest.
Le contexte géopolitique avec un retrait américain vers l’Asie ?
Un autre message clé du général Mandon porte sur le basculement stratégique des États-Unis. Selon lui, Washington concentre désormais son attention sur l’Asie, ce qui se traduit par un réengagement moindre en Europe. Pour le chef d’état-major des armées, cette évolution signifie que la France et l’Europe ne peuvent plus s’en remettre indéfiniment au “parapluie” américain et doivent prendre pleinement leurs responsabilités en matière de défense.
L’Europe de la défense en ordre de marche ? : “Le diable se cache dans les détails”
Ce discours s’inscrit dans un contexte géopolitique plus large, marqué par la montée des tensions avec la Russie, un réarmement potentiel à l’horizon 2030, et la nécessité pour l’Europe de construire une défense crédible et autonome, capable de protéger ses intérêts et ses citoyens.
Et pour les Français de l’étranger, quelles implications ?
Le discours du général Mandon dépasse largement les frontières de l’Hexagone et interpelle aussi la communauté française installée à l’étranger. Hélène Conway-Mouret rappelle à ce sujet que « les Français de l'étranger sont informés en temps réel à la fois par le poste diplomatique de leur pays de résidence mais également par leurs conseillères et conseillers des Français de l'étranger qui les représentent localement et sont leurs relais directs avec l'administration. Cette information est fiable et a pour objectif d'assurer leur protection de manière optimale. Ils sont aussi informés grâce aux chaînes et stations de France Médias Monde et TV5 Monde qui jouent un rôle important d'information en flux continu partout dans le monde. »
Pour les expatriés, ce discours soulève plusieurs enjeux. D’abord sur le plan mental, en rappelant que la préparation au conflit n’est pas seulement une question nationale, mais un appel à la responsabilité citoyenne, même loin de l’Hexagone. Ensuite, sur le plan de l’engagement, le renforcement de la réserve pourrait offrir de nouvelles opportunités pour ceux qui souhaitent contribuer à la défense de la France depuis l’étranger.

L’insistance du général sur une Europe de la défense autonome peut aussi trouver un écho particulier chez les expatriés, souvent sensibles aux enjeux géopolitiques et à la souveraineté européenne. Et les institutions françaises à l’étranger, ambassades, élus consulaires et collectivités locales, pourraient jouer un rôle clé dans la diffusion de cette prise de conscience et dans l’accompagnement des citoyens face à ces enjeux stratégiques.
Vers l'instauration d'un service militaire volontaire en France
En cas de crise majeure, la France pourrait activer plusieurs niveaux de mobilisation. Plus de 151.000 militaires, hommes et femmes, constitueraient le premier échelon susceptible d’être engagés. Ils seraient immédiatement appuyés par la réserve opérationnelle, forte en 2025 d’environ 33.700 réservistes. Si ces effectifs ne suffisaient pas et que des circonstances exceptionnelles l’exigeaient, une mobilisation générale ou partielle devrait être décidée par décret en Conseil des ministres, signé par le président de la République. Bien qu’elle n’ait plus été déclenchée depuis 85 ans, la mobilisation générale reste prévue par le Code de la défense et comprend aussi les Français établis hors de France. Elle permet de mettre en œuvre l’ensemble des mesures de défense préparées en amont et d’affecter tout citoyen non exempté à un poste à fins militaires, sauf objection de conscience.
La sénatrice souligne que l’inclusion des expatriés dans les dispositifs de défense n’est pas nouvelle. « Depuis des années, je me bats au Parlement pour que la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) soit accessible aux Français établis hors de France. Nous nous assurerons que toutes celles et tous ceux qui souhaitent rejoindre un "service militaire volontaire" puissent être en capacité de le faire s'ils le souhaitent. N'oublions jamais que nos compatriotes vivant hors de France sont des Français à part entière. »
Dans la lignée du discours du général Mandon, la France envisage la mise en place d’un service militaire volontaire pour les jeunes, visant à renforcer la cohésion nationale et la réserve mobilisable en cas de crise. Entre 10.000 et 50.000 volontaires pourraient être concernés chaque année. Pour les Français de l’étranger, ce dispositif pourrait présenter une nouvelle possibilité d’engagement, leur permettant de participer à la défense et à la résilience nationale, même depuis l’étranger.
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