Les Jeux Paralympiques ont certainement marqué les esprits et montré que l’individu est autrement capable. Sportifs ou non, certains vivent un handicap physique à l’étranger, en expatriation. A l’occasion de la journée internationale des personnes handicapées le 3 décembre, lepetitjournal.com met en lumière ceux qui, un jour, ont décidé que leur condition physique ne serait jamais une barrière à leur choix de vie d’ailleurs.
Valentin Bertrand, athlète aux Jeux Paralympiques 2024 et expatrié aux Pays-Bas “comme si j’étais valide”
Originaire de Neuilly-sur-Seine, Valentin est hémiplégique de naissance (paralysé à 50 % de la jambe et du bras droits) mais cela ne l'empêche pas de pratiquer du sport : tennis, football… “Comme je suis né avec ce handicap, ce n'est pas un problème pour moi. C'est comme si j'étais valide”, raconte-t-il. Valentin découvre le para athlétisme vers l'âge de 15 ans. Très vite, ses performances le font sortir du lot : “Puis j’ai découvert le saut en longueur petit à petit, et j’ai beaucoup aimé.” Dans sa quête d'accomplir ses objectifs personnels, Valentin Bertrand s’est expatrié il y a quelques années aux Pays-Bas, plus précisément à Amsterdam où il s'entraîne dans des conditions optimales avec la team Para Athletics.
Valentin Bertrand, athlète paralympique : “Tout le monde peut faire du sport”
Un changement d’air tout en restant dans un pays où le handicap est loin d'être mal vu : “Les Pays-Bas sont un peu comme la France au niveau de la prise en charge du handicap. Ils sont assez ouverts et ils voient le handicap normalement.” Une différence lui a quand même sauté aux yeux concernant la médiatisation de l'handisport : ”Les athlètes hollandais sont un peu plus mis en avant dans les émissions… Mais il n’y a pas non plus une énorme différence avec la France. Il y a aussi une meilleure connaissance du handisport en Hollande.”. Le 3 septembre 2024, Valentin Bertrand décroche la 9ème place au saut en longueur T37 et est bien décidé à continuer sur sa lancée.
Mais Matthias défie chaque jour sa maladie dans ses recherches comme dans la vie quotidienne : “J’ai toujours voulu être maître de ma propre vie”
Matthias Lambert, chercheur à Boston et atteint de myopathie : “je défie ma propre maladie”
En 2016, Matthias Lambert, jeune chercheur français atteint de myopathie, est bien décidé à s’expatrier dans un pays anglophone. Il décroche finalement un poste à Harvard. Pendant sept ans, il y mène des recherches sur les myopathies neuromusculaires, dont la sienne, tout en adaptant son quotidien face à l’évolution de sa maladie : “J’ai une faiblesse sur l'entièreté de mes muscles. Concrètement, je suis très fatigué au point de ne pas pouvoir marcher sur une longue distance, parler me demande un gros effort, et même manger ou respirer. Chaque nuit, j’ai une assistance respiratoire pour me tenir en vie." Mais Matthias défie chaque jour sa maladie dans ses recherches comme dans la vie quotidienne : “J’ai toujours voulu être maître de ma propre vie, ce n’est pas ma maladie qui décide à ma place.”
En termes de législation, les Etats-Unis ont au moins 15 ans d’avance, la loi sur le handicap date de 1990 ; en France elle date de 2005
Matthias Lambert, chercheur à Boston et atteint de myopathie: “je défie ma maladie”
Aux Etats-Unis, le chercheur vit sereinement son handicap : “À Boston, il n’y a pas de regard soutenu sur vous, les passants ne se retournent pas pour vous observer ou vous regarder. Les lignes de métro sont toutes accessibles aux handicapés en fauteuil, ce n’est pas du tout le cas à Paris par exemple” souligne le chercheur. Comment expliquer cette tolérance et accessibilité ? Mathias Lambert explique : “En termes de législation, les Etats-Unis ont au moins 15 ans d’avance, la loi sur le handicap date de 1990 ; en France elle date de 2005… Je pense que ces avancées sont liées à la prise en considération des vétérans américains de retour de guerre, comme celle du Vietnam.”
Anatole a un triple handicap, son bras gauche n’est plus utilisé, il marche difficilement et sa vision est très mauvaise.
Anatole, survivre d’un cancer pédiatrique en Suède : “tout est possible, c’est qu’une question d’organisation”
Anne est expatriée en Suède depuis 2009 avec son mari et leurs deux enfants. En 2018, la maman remarque qu’Anatole, son fils de 8 ans, n’arrive pas à saisir un objet de la main droite et tremble. Des analyses en urgence et le diagnostic tombe : “Anatole a un gliome diffus de la ligne médiane, une tumeur incurable et inopérable. Il n’a plus que 12 à 18 mois devant lui.” Déterminés, Anne fait des recherches et découvre un traitement prometteur aux Etats-Unis : “En l'espace de 6 mois, elle est passée de la taille d'un petit citron à celle d'un grain de raisin. Elle est aujourd'hui stable et déclarée inactive. Anatole est un miraculé….”. Mais la tumeur laisse au jeune garçon son empreinte. Un autre défi attend le jeune garçon et sa famille, vivre avec un handicap au quotidien en expatriation. “Anatole a un triple handicap, son bras gauche n’est plus utilisé, il marche difficilement et sa vision est très mauvaise. Son quotidien requiert des aménagements sur ces 3 plans."
En tant que maman, Anne met du temps à accepter le monde du handicap. “quelle claque ! J'ai découvert un univers que j'ignorais totalement, celui des gens hors normes. Handicap physique, psychologique, trouble du comportement, handicap invisible mais bien réel... Je ne croise que des gens admirables. Où sont-elles, toutes ces personnes en situation de handicap dans la vraie vie ? Quelle place est-ce que notre société leur fait ?”. Anne et son mari saluent l’équipe pédagogique et l’assistance AESH de l’école d’Anatole - Lycée français Saint Louis de Stockholm - et adaptent constamment leur quotidien. “Je dis toujours à mon fils que tout est possible, ce n'est qu'une question d'organisation” même loin de chez soi.
Le handicap est un facteur isolant pour un adolescent de 14 ans.
En 2025, la famille envisage une orientation sur un établissement adapté dans lequel Anatole ne serait pas le seul handicapé physique. “Le handicap est un facteur isolant pour un adolescent de 14 ans. Se faire des copains qui connaissent les mêmes difficultés nous paraît une clef indispensable à son épanouissement”. Un retour en France est envisagé car, si de tels établissements existent en Suède, la langue reste problématique, Anatole ne pratiquant pas du tout le suédois. Pour sensibiliser aux cancers pédiatriques et leurs conséquences,, Anne a créé une page Tous pour Anatole et écrit un livre un été exceptionnel , aux éditions Denoël.
Vivre le cancer d’un enfant en expatriation, l'histoire d’une cause universelle
Interrogée par lepetitjournal.com, la Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFEA) explique qu’ un système d'aide sociale existe pour les Français de l’étranger sur le principe de solidarité nationale, mis en œuvre par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE). Il se concrétise par l'attribution d'allocations, notamment : l'allocation « adulte handicapé » (AAH), attribuée aux personnes en situation de handicap et l'allocation « enfant handicapé » (AEH), accordée aux personnes (ou éventuellement à l'organisme) qui assument la charge effective d'un enfant ou d'un adolescent handicapé. En 2024, près de 1.800 personnes établies hors de France percevaient des allocations au titre du handicap (1.032 allocataires adultes et 773 enfants). Le montant de l'allocation n'est pas uniforme mais est fixé par pays pour tenir compte, dans la mesure du possible, du niveau de vie. Le MEAE délègue également une enveloppe à l’AEFE pour verser une aide à l'accompagnement des élèves (boursiers ou non) en situation de handicap scolarisés dans ses établissements.
Les Allemands sont sensibilisés aux handicaps (physique) ; c'était agréable de ne pas avoir à demander une place assise dans les transports."
Frédérique : Être conjointe d’expatrié et suivre en situation d’handicap “La question de repartir ne s’est pas vraiment posée”
Expatriée en Allemagne entre 2017 et 2021 dans le cadre du travail de son mari, Frédérique est alors atteinte d'une maladie chronique qui lui occasionne des problèmes musculaires et articulaires entrainant parfois des difficultés de locomotion. Elle se souvient d'une atmosphère bienveillante "les Allemands sont sensibilisés aux handicaps (physique) ; c'était agréable de ne pas avoir à demander une place assise dans les transports." De retour en France, se déclare un rhumatisme inflammatoire chronique. "Et là les gros problèmes ont commencé. J'avais des douleurs immenses, des soucis de sommeil, une fatigue chronique. Je paye cash lorsque j'en fais trop." Enseignante, Frédérique ne peut plus travailler : "il y a des matins où je ne peux pas me lever à cause de la fatigue ou des douleurs." Elle obtient une reconnaissance de handicap. En août 2024, Frédérique part vivre sa seconde expatriation avec son mari, à Vienne et sans ses grands enfants. "La question de repartir ne s'est pas vraiment posée. Nous avions envie de recommencer l'expérience. Nous avons toutefois tenu compte de ma santé dans le choix de la destination : je suis "météo dépendante" et j'ai un suivi de spécialiste en France." A Vienne, Frédérique observe : Dès les premiers jours, elle voit que des ascenseurs sont disponibles dans les transports en commun, un grand soulagement "c'est vital pour moi !". Frédérique constate aussi une sensibilité similaire à l'Allemagne, ses premières impressions sont bonnes.
Ma reconversion va surtout diminuer mon stress qui n'est pas compatible du tout avec mes deux maladies chroniques.
Frédérique se lance dans une formation pour se reconvertir : "Je suis en réflexion de création d'entreprise. Ma reconversion va surtout diminuer mon stress qui n'est pas compatible du tout avec mes deux maladies chroniques. J'ai toujours été d'un tempérament très actif et créatif. Je vais pouvoir travailler à mon rythme selon mon état de santé et sans pénaliser personne. En étant moins fatiguée, les week-ends nous permettront, avec mon mari, de visiter et rencontrer du monde" ; un point important pour Frédérique qui considère qu'une expatriation réussie est une expérience où l'on rencontre et participe à la culture locale. "Pour cela, il ne faut pas être fatigué car s'exprimer dans une autre langue que la sienne est déjà fatigant !" Aujourd'hui Frédérique participe aussi à distance à l'application collaborative Very Important Parking qui géolocalise les stationnements et aménagements PMR et à un groupe Facebook DYScussions Parents-Professeurs, où elle vient en aide aux parents d'enfants ayant des Troubles NeuroDéveloppementaux. Pour elle, "Partir en expatriation avec un handicap est possible, il faut avoir confiance en soi, apprendre à bien connaître sa pathologie et être conscient de ses capacités. Mieux vaut des remords que des regrets non ?"