Atteint d’une myopathie rare qui le fatigue au point de ne pas pouvoir respirer seul la nuit, Matthias Lambert, chercheur, découvre à 25 ans la cause de sa maladie génétique et décide d’y consacrer - en partie - ses recherches, à Harvard, aux Etats-Unis. “ J’ai toujours voulu être maître de ma propre vie, ce n’est pas ma maladie qui décide à ma place” . Portrait d’un homme qui est bien décidé à prendre son destin en main.
“J’ai une faiblesse sur l'entièreté de mes muscles. Chaque nuit, j’ai une assistance respiratoire pour me tenir en vie.”
Matthias Lambert vient de Saint-Omer, dans le nord de la France. Après des études à l’université de Lille, le jeune homme se lance dans un doctorat en sciences. Il a 25 ans lorsqu’il rencontre Vincent Tiffreau, clinicien au centre de référence des maladies neuromusculaires de Lille, qui lui propose de trouver la cause génétique de sa maladie. Car Matthias Lambert est atteint d’une pathologie très rare, diagnostiquée dès la naissance, mais qui, pendant 25 ans, ne porte pas de nom : “J’ai une faiblesse sur l'entièreté de mes muscles. Concrètement, je suis très fatigué au point de ne pas pouvoir marcher sur une longue distance, parler me demande un gros effort, et même manger ou respirer. Chaque nuit, j’ai une assistance respiratoire pour me tenir en vie.”
A 25 ans donc, Matthias se lance dans des recherches et propose d’étudier trois gènes en particulier : “Trois mois plus tard, Vincent Tiffreau - qui est aujourd’hui mon collègue - me confirme que la mutation de l’un de ces gènes est la cause de ma maladie.” Une grande victoire pour le doctorant qui vient de participer à la découverte de sa propre pathologie.
Il est difficile de partir seul dans un pays que l’on ne connaît pas. J’ai essayé de trouver des personnes atteintes de myopathie qui s’expatrient, je n’en ai pas trouvé !”
S’expatrier au culot et continuer ses recherches sur sa propre myopathie
En 2016, doctorat en poche, le jeune chercheur décide de s’expatrier dans un pays anglophone. Il envoie, au culot, une vingtaine de candidatures libres dans des laboratoires dans le monde entier : “j’ai envoyé en Australie, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis. Sur les 8 réponses reçues, j’ai eu 3 propositions d’embauches, toutes aux Etats-Unis.” raconte le chercheur français. Avec plus d’affinités avec Harvard, “et parce qu’une telle opportunité n’arrive qu’une fois dans une vie”, Matthias accepte un poste de chercheur à l'université de Harvard et à l'hôpital de Boston Children Hospital. Il se souvient : “Il est difficile de partir seul dans un pays que l’on ne connaît pas. J’ai essayé de trouver des personnes atteintes de myopathie qui s’expatrient, je n’en ai pas trouvé !”
“la particularité de mon quotidien de chercheur est que je travaille sur ma propre myopathie”
Pendant sept ans, Matthias travaille sur les maladies neuromusculaires - la myopathie Duchenne et les myopathies congénitales - et tente de développer des traitements plus efficaces : “la particularité de mon quotidien de chercheur est que je travaille sur ma propre myopathie” explique Matthias Lambert. Une maladie qui évolue lentement et impacte progressivement sa vie quotidienne : “Il devient compliqué pour moi de faire de longues marches maintenant, je suis en fauteuil roulant. Au fil des années, je cherche de nouvelles astuces pour mon quotidien. Le meilleur exemple est la parole, aujourd’hui je vous parle mais demain je resterai muet, aucun son ne sortira de ma bouche je pense, mes muscles ne pourront pas suivre.”
À Boston, il n’y a pas de regard soutenu sur vous, les passants ne se retournent pas pour vous observer ou vous regarder.
Vivre en situation de handicap en expatriation, aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, Mathias Lambert vit sereinement son handicap physique dûe à sa myopathie : “À Boston, il n’y a pas de regard soutenu sur vous, les passants ne se retournent pas pour vous observer ou vous regarder. Les lignes de métro sont toutes accessibles aux handicapés en fauteuil, ce n’est pas du tout le cas à Paris par exemple” souligne le chercheur, mettant en parallèle la ville de Los Angeles où la différence est tout aussi acceptée selon lui “je ne dirai pas forcément la même chose au coeur des Etats-Unis, c’est peut être différent,” nuance-t-il. Comment expliquer cette tolérance et accessibilité ? Mathias Lambert explique : “En termes de législation, les Etats-Unis ont au moins 15 ans d’avance, la loi sur le handicap date de 1990 ; en France elle date de 2005… Je pense que ces avancées sont liées à la prise en considération des vétérans américains de retour de guerre, comme celle du Vietnam.”
J’ai toujours voulu être maître de ma propre vie, ce n’est pas ma maladie qui décide à ma place.”
Mathias Lambert, plus qu’un “hard worker : “un smart worker”
L’objectif de Mathias Lambert a longtemps été de lancer son propre laboratoire : “On dit souvent aux Etats-Unis qu’il faut être un hard worker. Je me dirai plutôt smart worker. Je suis réaliste, je suis atteint d’une myopathie et physiquement, je ne me sentais pas capable de me lancer dans un tel défi.” Aujourd’hui, Mathias Lambert a 34 ans et va aller de l’avant différemment : il vient d’être recruté par Vertex, une entreprise qui développe des thérapies pour les maladies neuromusculaires, dont la sienne : “être à la fois un patient et un scientifique est atypique, cela leur a plu. Je défie ma propre maladie.” A la question de conseils à donner à ceux qui voudraient s’expatrier comme lui, il clame “il ne faut se donner aucune limite ! Nous n’avons qu’une vie. Avec un handicap, une maladie qui progresse, nous savons que demain peut être plus terrible qu’aujourd’hui. J’ai toujours voulu être maître de ma propre vie, ce n’est pas ma maladie qui décide à ma place.”
Se souvenant de son parcours, le scientifique constate que qu’il n’a jamais été à l’origine des barrières dans sa vie, celles-ci venaient des autres : “ne fais pas d’études scientifiques, c’est trop fatigant…” “ne pars pas à l’autre bout du monde avec un handicap…”. Aujourd’hui Mathias Lambert réalise ses rêves, nous confie-t-il, ému.
Le Téléthon 2024 se passe aussi à Boston
En 2023, Mathias Lambert organise, avec le Consulat français de Boston et des écoles françaises, des événements autour du Téléthon comme des ventes de pop cornou encore une marche ; 3620 euros ont été récoltés. Cette année, le chercheur français souhaite lancer la seconde édition du Téléthon des Français de l’étranger à Boston : “Nous voulons en faire une initiative pérenne et j’en appelle au bénévolat pour lancer une nouvelle activité. Tout le monde est bienvenu ! ”
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