Édition internationale

Deyrolle, entre éducation et écologie : un engagement séculaire

Véritable temple du savoir naturaliste niché au cœur de Paris, Deyrolle accompagne des générations d’écoliers grâce à ses célèbres planches pédagogiques, et fascine les amateurs de curiosités avec ses collections de taxidermie et d’entomologie. Engagée dans la préservation de la biodiversité et la transmission du savoir, la maison est aujourd’hui une force dans l’éducation à l’environnement.

Vitrine dans la boutique-musée Deyrolle, entre taxidermies et curiositésVitrine dans la boutique-musée Deyrolle, entre taxidermies et curiosités
Vitrine de la boutique-musée Deyrolle, entre taxidermies et curiosités © Liz Fredon
Écrit par Liz Fredon
Publié le 14 mars 2025, mis à jour le 7 avril 2025

 

Depuis près de deux siècles, Deyrolle, le cabinet de curiosités le plus connu de la capitale, est également une institution engagée dans la transmission du savoir et la préservation de la nature. De l’éducation visuelle du 19ᵉ siècle aux défis écologiques contemporains, la maison a su évoluer en restant fidèle à sa vocation première : émerveiller, enseigner et sensibiliser.

 

Deyrolle et les grands explorateurs, un héritage d’expatriation scientifique

 

 

Un savoir-faire unique entre taxidermie et entomologie

Deyrolle ne serait pas Deyrolle sans ses collections de taxidermie et d’entomologie, qui font sa renommée. La taxidermie, cet art ancestral de préserver les animaux après leur mort, permet de conserver une trace tangible du vivant et de le présenter au public sous une forme réaliste. Par exemple, la taxidermie a joué un rôle important à l’Institut national des aveugles, où de nombreuses pièces sont exposées. « Les enfants aveugles de naissance n’ont aucune notion de la nature qui les entoure. Pouvoir toucher des singes, des lions, des oiseaux, des chouettes, des lamas ou encore des lapins leur permet d’imaginer ces animaux et de mieux comprendre le monde vivant. », raconte la PDG du groupe depuis 2015, Francine Campa.

 

 

 

Quelques animaux naturalisés
Quelques animaux naturalisés © Deyrolle sur Instagram

 

 

 

Loin d’être un simple procédé technique et souvent victime de nombreux préjugés, c’est un travail de précision réalisé par des artisans passionnés. « Nos spécimens ne sont jamais prélevés dans la nature : ils proviennent d’élevages, de parcs animaliers ou sont des dons de muséums. Nous leur offrons une seconde vie, où ils deviennent ambassadeurs de la biodiversité », explique Francine Campa.

 

« Chaque spécimen est une fenêtre ouverte sur l’incroyable diversité du vivant »

 

L’entomologie, quant à elle, consiste à étudier les insectes, un domaine qui a été au cœur de la création de l’institution en 1831. Jean-Baptiste Deyrolle, passionné par ces créatures fascinantes aux mille couleurs et millions de variations, a développé des collections exceptionnelles qui continuent d’attirer les chercheurs et les collectionneurs. « Nos insectes sont classés par continent, par famille, et chaque spécimen est une fenêtre ouverte sur l’incroyable diversité du vivant », ajoute-t-elle.

 

 

 

Une planche pédagogique sur le thème des mammifères marins
Une planche pédagogique sur le thème des mammifères marins © Deyrolle

 

 

 

L’héritage visionnaire de l’éducation par l’image

Dès la fin du 19ᵉ siècle, sous l’impulsion d’Émile Deyrolle, la maison devient un acteur phare de la pédagogie scientifique. En collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale, elle développe des planches pédagogiques destinées aux écoles, aux universités et aux grandes institutions. Ces affiches colorées et minutieusement illustrées abordent une multitude de sujets : anatomie, botanique, zoologie, physique, mais aussi industrie naissante et hygiène publique.

« Un dessin vaut mieux qu’un long discours pourvu qu’il soit rigoureusement exact », affirmait Émile Deyrolle. Cette philosophie traverse les époques et fait de Deyrolle un pionnier de l’apprentissage par l’image.

Aujourd’hui encore, ces planches restent une référence et continuent d’être éditées, traduites et diffusées dans de nombreux pays. « Nous avons vendu près d’un million d’ouvrages, traduits en chinois, en danois, en polonais, en anglais, et bien d’autres langues », précise la PDG. L’héritage pédagogique se perpétue également à travers les collaborations avec des institutions telles que l’Institut Pasteur ou l’Université Pierre et Marie Curie.

 

 

 

Au château de la Bourdesière se trouve le Conservatoire national de la Tomate
Au château de la Bourdesière se trouve le Conservatoire national de la Tomate © Deyrolle


 

 

 

Un engagement concret pour l’écologie

Si Deyrolle a toujours été un observateur attentif du monde vivant, son rôle dans la sensibilisation aux enjeux écologiques s’est renforcé au fil des décennies. En 2015, la maison devient partenaire officiel de la COP21 dans le domaine de l’éducation, affirmant ainsi son engagement pour la biodiversité et la préservation des écosystèmes.

Cet engagement se traduit aussi par des actions concrètes. Le château de la Bourdaisière, qui appartient à Louis-Albert de Broglie, propriétaire de Deyrolle depuis 2001, abrite aujourd’hui un conservatoire de 800 variétés de tomates et une ferme expérimentale inspirée de la permaculture. « Ce projet a donné naissance à un réseau de près de 1 000 fermes alternatives en France », explique Francine Campa.

L’action de Deyrolle ne s’arrête pas aux terres agricoles, l’entreprise accompagne également les collectivités et les entreprises dans la mise en place de stratégies favorisant la biodiversité. « Nous avons créé le jardin nourricier de l’UNESCO, conçu en forme d’ADN pour symboliser le vivant, avec des plantes nourricières venant du monde entier », détaille-t-elle. Ce projet pédagogique est visité par des milliers d’écoliers et des chefs d’État du monde entier.

 

 

 

Le jardin nourricier de l’Unesco
Le jardin nourricier de l’Unesco © Deyrolle

 

 

 

De la transmission du savoir à l’action concrète

En plus de sensibiliser par l’image, l’institution inspire aussi des actions concrètes. La maison multiplie les expositions, les partenariats, les collaborations avec des écoles et des institutions scientifiques pour diffuser ses messages de protection du vivant. « Nous avons organisé une exposition sur l’écologie positive avec Le Petit Prince, où l’écologie était expliquée aux parents par les enfants », raconte Francine Campa.

Deyrolle collabore également avec des artistes et des marques pour allier esthétique et pédagogie. « Nous avons récemment entamé une collaboration avec Johnny Depp, qui a dessiné un éléphant pour Deyrolle, car cet animal est son totem personnel », confie-t-elle.

 

 

 


 

 

L’exposition « Leçon d’Anatomie », réalisée en 2024 en collaboration avec le docteur Gérald Kierzek, prouve une volonté d’éduquer autrement. « Ce projet est né du fait que le docteur Kierzek a étudié sur les planches Deyrolle et les a toujours conservées dans son bureau. Aujourd’hui, nous avons décidé de leur donner une nouvelle vie », ajoute-t-elle.

 

Deyrolle continue d’évoluer avec son temps, en conciliant tradition et innovation. Son impulsion est de participer au changement et d’être un témoin précieux de l’interaction entre l’homme et la nature. « Notre mission est de donner aux gens les clés pour comprendre la nature et mieux la protéger », conclut Francine Campa. À l’heure où les défis écologiques (et numériques !) sont plus pressants que jamais, son rôle n’a jamais été aussi essentiel.