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Voyager sans torturer : comment éviter la maltraitance animale en voyage ?

Le 3 janvier 2025, une jeune touriste espagnole perd la vie lors d’une excursion en Thaïlande, après un accident avec un éléphant dans un “sanctuaire” touristique. 39 incidents similaires ont eu lieu en 2024, révélant l’impact néfaste du tourisme animalier. Anissa Putois, porte-parole de PETA France, nous guide pour repérer et éviter les pratiques cruelles en 5 points essentiels.

Éléphant dans l'eau face à une femmeÉléphant dans l'eau face à une femme
Écrit par Liz Fredon
Publié le 16 janvier 2025, mis à jour le 23 janvier 2025

 

Blanca Ojanguren García, 22 ans, meurt le vendredi 3 janvier 2025. En voyage en Thaïlande, elle décide de passer un moment dans un “sanctuaire” pour éléphant qui propose aux touristes de leur donner des bains, lorsque l’un d’eux lui donne un coup de trompe fatal. Le centre indique pourtant sur son site  « offrir des interactions responsables et éthiques avec les éléphants ». 39 drames similaires ont été recensés en 2024. Cette activité, pourtant très prisée, révèle que la majorité des touristes ignorent souvent leurs véritables impacts sur les animaux :  les experts pointent le stress qu’ils subissent à cause de la proximité et du nombre de touristes présents pour des photos.

Voyager permet d’aller à la rencontre d’espèces inconnues, de se créer des expériences uniques, mais le tourisme animalier dissimule souvent des réalités troublantes. L’association américaine de défense des droits des animaux PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) est fondée en mars 1980 par deux employés de refuges pour animaux abandonnés. Anissa Putois, porte-parole de l'association PETA France, nous aide à y voir plus clair pour repérer et éviter ces pratiques en 5 points clés :

 

 

 

“Un éléphant paniqué tue un touriste dans un faux « sanctuaire ». Les lieux qui permettent aux touristes de baigner ou toucher des éléphants ne sont pas des sanctuaires - ce sont des entreprises exploitantes. Les éléphants subissent un stress quotidien, et des tragédies comme celle-ci sont inévitables.”

 

 

Repérer les activités de maltraitance animale à l’étranger 

“Dès lors que des animaux sont utilisés à des fins commerciales, on peut affirmer avec quasi-certitude qu'ils sont exploités”, explique Anissa Putois. Selon elle, les activités telles que la nage avec les dauphins, la prise de photos avec des animaux sauvages ou les balades à dos d'éléphant sont des exemples parlant de ce phénomène, documenté par l’association depuis de nombreuses années. Ces animaux, souvent capturés ou élevés dans ce but, subissent des traitements cruels. Leur volonté est souvent brisée pour accepter la présence de l’homme, ou de la drogue leur est administrée pour les rendre dociles. “Souvent, les tigres sont drogués pour qu'ils soient beaucoup plus calmes. Ils sont ensuite tripotés par n'importe qui.”

Les exemples de maltraitance abondent dans le monde. En Asie du Sud-Est, les éléphants, souvent malades et vieillissants, sont contraints de transporter des touristes. “PETA Inde a notamment révélé qu'il y avait un temple, un site touristique près de Jaipur où des éléphants étaient utilisés. Ils étaient tous atteints de tuberculose. Certains étaient aveugles. Ils souffraient de problèmes aux articulations, avaient beaucoup de difficultés à marcher et étaient quand même forcés de transporter des touristes.”

 

Lakshmi, l’éléphante de Pondichéry, s’est éteinte mercredi 

 

À Santorin, les ânes gravissent des pentes escarpées sous une chaleur écrasante, souvent sans eau ni repos, touristes émerveillés sur le dos. Mais la torture ne se cantonne pas à la journée : “Ce que les touristes ne voient pas, c'est que la nuit, ils sont ensuite utilisés pour transporter de lourdes charges pour des commerces ou des besoins privés.” En Scandinavie, des chiens de traîneau passent leurs vies enfermés dans des cages en extérieur après avoir diverti les touristes.

Selon PETA, en Afrique du Sud et d'autres pays du continent, certaines activités de safari posent également problème. Certaines sont très légitimes, tandis que d’autres proposent de la chasse au trophée, pendant laquelle des personnes viennent tirer sur des animaux qui ont été domestiqués. “Lorsque les lionceaux sont petits, les gens prennent des photos avec. Ils ont été habitués à être avec des humains. Une fois qu'ils grandissent, ils ne sont plus mignons, ils ne sont plus exploitables. D'autres personnes payent pour leur tirer dessus. C'est un business à deux facettes pour ces animaux.”

Dans un article, PETA partage cinq safaris dits “Animal Friendly”.

La situation n'est pas vraiment meilleure en France. “Les zoos et les cirques, bien que moins nombreux, perpétuent la captivité d'animaux sauvages. Même les balades à cheval ou à dos de chameau peuvent cacher des conditions de détention cruelles”, déplore Anissa. Un autre exemple précédemment cité est l’activité de nage avec les dauphins. “La cruauté n'est peut-être pas très visible. Mais ces animaux-là n'ont rien à faire là. Ils devraient être libres de leur mouvement dans la nature et ne pas être forcés d'interagir avec des humains.”

 

 

 

 

Les causes profondes de la maltraitance : profit et traditions

“La raison principale, c'est le profit, l'argent, la tradition aussi.”, affirme la porte-parole de PETA. Certaines pratiques, ancrées dans des traditions ancestrales pratiquées depuis plusieurs générations, subsistent faute d'alternatives. C’est le cas par exemple de l’utilisation d’ânes, de chevaux, de chameaux pour porter les touristes ainsi que de lourdes charges. Toutefois, des initiatives voient le jour pour changer la donne. PETA Inde et PETA Asie portent des projets visant à remplacer les animaux par des véhicules électriques. “Ils travaillent beaucoup pour trouver des alternatives, pour remplacer les ânes et les chevaux utilisés pour le tourisme en Inde, (ceux qui tirent des calèches, etc.) et les remplacer par d'autres véhicules. Ils avaient essayé de travailler avec le gouvernement égyptien qui avait annoncé qu'ils allaient remplacer les chevaux et dromadaires près des pyramides de Gizeh et dans d'autres sites touristiques avec des petites voiturettes électriques.” Bien que ces changements soient longs à se mettre en place, ils représentent un espoir pour la cause animale.

 

 

 

 

Sensibilisation et réglementations : des efforts à renforcer

L'information est l'outil principal de PETA pour sensibiliser les touristes. “Beaucoup regrettent d'avoir participé à des activités cruelles une fois informés”, souligne Anissa. PETA collabore également avec des agences de voyage pour éliminer la promotion d'activités cruelles, comme les parcs marins.

Malheureusement, les réglementations internationales sont rares et souvent inapplicables. “Dans les pays où le bien-être animal n'est pas protégé par la loi, les abus sont encore plus prégnants.” La pression sur les gouvernements reste cruciale pour interdire ces pratiques et encourager des alternatives éthiques. 

À Santorin, le gouvernement grec avait tenté d’imposer des restrictions sur le poids des touristes montant sur les ânes, une mesure difficile à réguler et quelque peu absurde. En réalité, cela ne résout en rien le problème de fond. Les enquêteurs de PETA Asie, de retour sur l'île, ont constaté que cette réglementation n’avait pas été appliquée, les autorités étant davantage préoccupées par les profits touristiques que par le bien-être des animaux, qui continuaient de porter des charges excessives.

À Petra, PETA a établi une clinique pour soigner les chevaux et les ânes exploités sur place. L'objectif principal est bien sûr de soigner ces animaux, mais cette initiative permet également de sensibiliser les propriétaires. En les incitant à amener leurs animaux à la clinique, PETA touche des individus potentiellement plus ouverts à l’idée qu'il existe des alternatives professionnelles permettant de gagner de l'argent sans exploiter les animaux.

 

 

 

 

Le rôle des touristes : des choix individuels qui comptent

Les touristes peuvent jouer un rôle clé en évitant toute activité impliquant des animaux. “Documenter la maltraitance, écrire aux agences de voyage et boycotter les entreprises cruelles sont des actions simples mais efficaces”, conseille Anissa. Elle rappelle qu'une heure de plaisir pour un touriste peut représenter une vie de souffrance pour un animal.

“Il s'agirait de faire remarquer aux agences de voyage ou aux hôtels que des balades à dos d'éléphant ou des visites de temples pour des selfies dits "éthiques" relèvent de la maltraitance animale. Un boycott des entreprises responsables, accompagné d'une explication claire, pourrait aussi être envisagé, en leur faisant savoir qu'on ne soutiendra plus leurs offres si elles continuent de promouvoir de telles activités cruelles.”

 

 

Touristes à dos d'éléphant en balade
Photo de Devaiah Mallangada Kalaiah  sur Unsplash

 

 

Une vigilance accrue envers les “sanctuaires éthiques”

Certains lieux se revendiquent éthiques tout en exploitant les animaux. “Si des interactions forcées avec des animaux sauvages sont proposées, ce n'est pas éthique”, prévient Anissa. Les sanctuaires véritablement responsables laissent les animaux libres de leurs mouvements et ne cherchent pas à les exposer de force au public. PETA USA a d’ailleurs publié un article en anglais proposant des astuces pour reconnaître les sanctuaires à éviter.

Pour éviter ce genre de lieu, il existe maintenant une certification pour les sanctuaires. “S'ils sont accrédités par un certain programme, les touristes peuvent y aller avec la certitude que les animaux sont vraiment bien traités et que le but est de les sauver, de les protéger plutôt que de les utiliser pour en tirer profit.” La base de donnée Global Federation of Animal Sanctuaries permet de retrouver tous les sanctuaires accrédités.

“Les personnes qui voyagent doivent se souvenir que s'ils choisissent de faire une activité avec des animaux, c'est peut-être une heure de plaisir pour eux, mais pour ces animaux, c'est toute une vie à être exploité, confiné, à être forcé d'interagir avec des gens. Ça ne vaut pas le coup.”

 


 

Orque saute dans un bassin dans un parc aquatique
Photo de Merci L sur Unsplash

 

 

En agissant à leur niveau, les voyageurs peuvent aider les animaux partout où ils se rendent. En France, les mentalités sur le bien-être animal évoluent doucement et permettent de mettre fin à des pratiques éprouvantes pour les bêtes. Les cirques font de moins en moins de spectacles avec des animaux sauvages (l’interdiction prévue par la loi française entrera en vigueur en 2028), et les spectacles de cétacés dans les parcs disparaissent progressivement grâce à la loi du 30 novembre 2021. Tandis que les dauphins du parc Astérix ont tiré leur révérence en 2021, le Marineland d'Antibes a définitivement fermé ses portes dimanche 5 janvier 2025.