Le sport est passé d’un simple divertissement à un levier d’influence. Sa pratique est même devenue « un langage universel rapprochant les peuples et ouvrant des portes diplomatiques » selon Samuel Ducroquet, ambassadeur pour le sport au ministère des Affaires étrangères. Utilisé comme un outil de cohésion sociale et de soft-power à l’international, la France mise de plus en plus sur sa force sportive pour asseoir son influence sur la scène mondiale. Autant par l’organisation d’évènements internationaux que par des partenariats, l’Hexagone multiplie ses projets sportifs. Décryptage d’un soft power en pleine expansion…


Le sport, souvent perçu comme un simple divertissement, s’affirme de plus en plus comme un levier de diplomatie, de soft-power et de coopération internationale. À l’occasion de la Journée internationale du sport au service du développement et de la paix, le 6 avril, et d’une table ronde organisée au Sénat, le 17 mars 2025, élus, diplomates et acteurs du monde sportif ont débattu du rôle des collectivités territoriales au sein de la diplomatie sportive. Une manière pour la France d’étendre son influence tout en favorisant le développement local à l’étranger alors que « Le sport devient un langage universel qui transcende les frontières et les clivages politiques », explique Samuel Ducroquet, ambassadeur pour le sport au ministère des Affaires étrangères.
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Le sport, un outil d’émancipation sociale
À travers des appels à projets comme “Sport et Coopération décentralisée”, la France investit notamment dans le développement de relations sportives à l’étranger, en particulier en Afrique et en Asie. Des initiatives qui contribuent non seulement à améliorer l’image du pays, mais qui favorisent également l’implantation d’acteurs économiques français dans des secteurs stratégiques.
C’est grâce à cet appel à projet que le village de Treffendel, en Ille-et-Vilaine, a pu nouer un partenariat avec la ville de Djougou, au Bénin, afin de promouvoir la place des femmes dans le volley-ball. Une initiative née d’un constat partagé par Françoise Kerguelen, maire de Treffendel, et les acteurs locaux du sport. « Nous avons été frappés par le manque de visibilité des filles dans les sports collectifs, alors même qu’elles ont un potentiel incroyable », explique-t-elle, convaincue que le sport peut aussi être un moteur d’émancipation sociale.
Promouvoir l'échange interculturel par le sport
Porté en collaboration avec le club local du Brocéliande Volley, le projet s’est concrétisé par l’accueil en France d’une délégation de jeunes joueuses béninoises venues suivre un stage intensif. Pendant trois semaines, les jeunes femmes ont bénéficié d’un entraînement encadré, mais aussi d’un échange culturel riche leur permettant aussi de promouvoir le Bénin auprès des Français. « Certaines arrivaient avec une immense timidité, peu habituées à être mises en avant sur un terrain. Mais au fil des jours, elles ont pris confiance en elles, osé s’affirmer, et montré une combativité impressionnante », explique Sandrine Le Goff, coach du Brocéliande Volley.

Et le projet ne s’est pas arrêté là. En retour, plusieurs joueuses françaises ont fait le voyage à Djougou pour encadrer des ateliers de formation à destination des jeunes et des entraîneurs locaux. « Nos joueuses ont découvert une autre façon de vivre le sport, avec des infrastructures souvent rudimentaires mais une motivation incroyable. Elles sont revenues transformées, avec une nouvelle vision de leur engagement », poursuit l’entraîneuse de l’équipe bretonne.
Au-delà du développement sportif, l’objectif est aussi de créer un réseau de coopération durable entre les deux villes. « Nous travaillons déjà sur une nouvelle phase du projet qui inclurait la mise en place d’un programme d’échange pour les éducateurs et la fourniture de matériel pour les clubs béninois », dévoile Françoise Kerguelen qui explique que « le sport n’est pas seulement un jeu, mais aussi un formidable outil de changement ».

Le sport, un levier d’influence internationale et de soft power
Mais le sport est aussi « un formidable outil de dialogue, qui ouvre des portes là où la politique échoue », souligne Loïc Hervé, sénateur de la Haute-Savoie, insistant sur le rôle de la France dans la structuration du sport en Afrique et en Asie. Organiser des événements sportifs, former des cadres ou soutenir des fédérations émergentes favorise donc des relations durables, y compris dans des zones où la diplomatie classique peine à s’imposer.
L’exemple des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 illustre parfaitement la dynamique que souhaite imposer la France. En rassemblant des délégations du monde entier, l’événement offre une occasion unique de renforcer ses alliances et son rayonnement culturel. « Accueillir des athlètes et des fédérations étrangères est bien plus qu’un enjeu sportif, c’est un moyen de tisser des liens de confiance et de coopération sur le long terme », avait notamment déclaré Amélie Oudéa-Castéra, alors ministre des Sports.
Mis à part son rôle diplomatique, le sport est aussi un véritable moteur économique. L’accueil de compétitions internationales permet, entre autres, au milieu sportif de générer près de 71 milliard d’euros de chiffres d’affaires annuel en France. Un constat applicable à l’étranger où « les entreprises françaises sont très sollicitées pour accompagner le développement du sport dans de nombreux pays », souligne Loïc Hervé, sénateur de la Haute-Savoie, expliquant que « la diplomatie sportive permet aussi d’ouvrir des marchés et de renforcer notre compétitivité à l’international. »

Un outil de coopération dans les crises internationales
Le sport joue aussi un rôle essentiel dans les contextes de crise, en offrant des nouvelles perspectives aux populations vulnérables. « Nous avons accueilli 200 jeunes sportifs ukrainiens dans nos infrastructures. Leur permettre de continuer à s’entraîner, c’est leur redonner une part de normalité et d’espoir malgré la guerre », explique Antoine Silani, vice-président chargé des sports dans la région des Hauts-de-France.
En accueillant de jeunes Ukrainiens pour leur permettre de poursuivre leur pratique sportive en exil ou en soutenant des programmes de réinsertion par le sport dans des zones en conflit, la France met à profit ses propres infrastructures et son savoir-faire pour répondre à des enjeux humanitaires d’urgence. Pour Frédéric Vallier, délégué général de l’Association internationale des maires francophones, « nous avons une responsabilité en tant que puissance sportive et éducative. En aidant les jeunes du monde entier à accéder au sport, nous favorisons leur épanouissement et contribuons à bâtir des sociétés plus inclusives et pacifiques. »
L’avenir de la diplomatie par le sport
Si le sport français brille sur les podiums, c’est aussi en dehors des compétitions que se joue une autre rencontre capitale : celle de l’influence économique. Avec la multiplication des partenariats internationaux, la France transforme chaque terrain de sport en une scène diplomatique. Reste à voir si, au-delà des médailles, l’Hexagone saura faire du sport un pilier de sa politique à l’étranger.
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