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Luc Ebbo, chasseur de fossiles :“Ma pièce maîtresse est le petit dinosaure théropode"

Dès l'âge de 6 ans, Luc Ebbo, chasseur de fossiles, s’est passionné pour la paléontologie. Ayant grandi dans le Sud-est de la France, une zone abondante en fossiles, sa passion n’a eu de cesse de s’accentuer. Après une maîtrise en géologie et quelques années en tant que professeur des écoles, il décide de se consacrer pleinement à sa passion. Aujourd'hui, il possède son propre musée et a notamment découvert un squelette unique au monde : “C’est la découverte d’une vie ! Forcément, l’émotion est présente.”

Luc Ebbo, chasseur de fossilesLuc Ebbo, chasseur de fossiles
Écrit par Paul Le Quément
Publié le 3 octobre 2024, mis à jour le 8 décembre 2024

 

D'où vient votre passion pour la paléontologie ?

Il y a des moments marquants tout au long du parcours selon les rencontres avec d'autres collectionneurs mais aussi avec des scientifiques. Il y a un lien important rattachant les personnes aux fossiles. Ce sont des objets curieux et extraordinaires que la nature transmet. Ils sont nés dans la nature et sont soumis à la destruction, à l'érosion. Cela donne envie de les sauver. La connaissance scientifique, mais aussi celle sur la matière et les formes, permet de progresser. Il y a une logique dans la façon dont les couches géologiques se présentent. Nous arrivons à nous diriger vers des pièces de plus en plus belles, importantes, mais aussi difficiles à repérer et à préparer. Nous allons développer des techniques de préparation plus élaborées pour révéler des fossiles le plus finement possible. Nous commençons avec un marteau et un burin, puis avec des petits marteaux piqués en miniature, des sableuses... Tout cela permet de mieux comprendre la logique de la paléontologie : la succession des faunes, son évolution… Une expérience de terrain permet de mieux voir et de mieux comprendre. 

Nous pouvons marcher dessus sans arriver à les observer jusqu'à ce qu’il y ait un déclic

 

Quel est le processus entre la découverte d'un squelette et sa mise en exposition dans votre collection ?

Tout dépend du fossile, de sa taille et de sa complexité. Avec un squelette de plusieurs mètres de long, abîmé par l’action de l'érosion, le processus peut prendre 5 à 6 ans en étant seul. Ma pièce la plus longue m'a pris plus de 7 ans de boulot, donc à peu près 6.000 heures de travail. Mais la méthode est assez simple. D'abord, il y a la prospection pour arriver à découvrir le fossile. Cette étape se base sur des connaissances scientifiques : comprendre la logique du terrain - à quelle époque les roches se sont formées, dans quel environnement en reconstituant le contexte temporel et le contexte géographique - . Nous essayons de réduire au maximum la part du hasard, qui correspond à la dernière partie permettant la découverte. Pour se donner toutes les chances, nous allons un peu partout. Si vous cherchez des dinosaures, vous allez plutôt chercher dans des dépôts terrestres que marins. 

 

Ankylosaure en cours d'étude
Luc Ebbo (à gauche de l'image) observe le squelette d'un Ankylosaure en cours d'étude

 

Il y a des outils pour nous aider comme les cartes géologiques, où sont recensés les différents terrains géologiques, leur époque, leurs techniques de formation… Comme je cherche dans une région où j’ai grandi, je me suis fait mes propres repères au cours de mes années d'expériences. J’arrive pratiquement à voir les roches de manière plus fine que la plupart des descriptions géologiques qui sont assez globales. Ensuite, il faut arriver à voir le fossile. Il y en a qui sont très abondants comme les ammonites. Ils peuvent aussi servir de repères pour dater de manière plus fine les couches. Mais il y a des fossiles qui prennent des années pour simplement arriver à les voir. Nous pouvons marcher dessus sans arriver à les observer jusqu'à ce qu’il y ait un déclic. 

La plupart du temps, une fois une zone de roche argileuse repérée, je zigzague à intervalles réguliers pour essayer de voir des micro-fragments. Ils sont les indices de la présence d'un squelette. À partir du moment où j'en trouve un, j'essaye d'en repérer d'autres jusqu’à trouver l’endroit de la carcasse dans la roche. Parfois, il s’agit d’un fragment ou d’une partie de carcasse, mais le plus gros a déjà été emporté par l'érosion, donc il reste quelques os. Quand nous avons plus de chance, il y a une bonne partie de l'animal avec, idéalement, le crâne. 

 

Est-ce que le terme de “chasseur de fossiles” est celui qui définit le mieux ce que vous faîtes au quotidien ? 

Le terme de chasseur de fossiles me plaît car, au-delà de l'étude des pièces, ce qui m'intéresse est de travailler sur la matière. Ce terme peut convenir, dans le sens où il s’agit d’un lien avec son environnement pour découvrir les pièces, et non d’une compétence académique. Il faut apprendre à les extraire. En Provence, il y a très peu de fossiles. Une fois trouvé, il faut commencer par le deviner. Cela veut dire que l’érosion a déjà joué son rôle. Il s’agit d’une étape assez complexe nécessitant plusieurs années d'apprentissage. Ensuite, la préparation est l'étape la plus longue. 

La préparation peut prendre jusqu'à 4-5 ans en atelier

Une fois la pièce dans l'atelier, il faut consolider l’ensemble et reconstituer le puzzle. Nous ramenons le fossile en plusieurs dizaines, centaines de morceaux. La préparation à l’aide, entre autres, de petits percuteurs pneumatiques, de sableuses, est l’étape la plus longue. Il faut parfois totalement extraire l’os de la roche si nous souhaitons faire un remontage en 3D. Sinon il faut le laisser sur sa matrice d’origine. Pour vous donner un ordre d'idée, l'extraction d'un squelette prend en général quelques jours et la préparation peut prendre jusqu'à 4-5 ans en atelier.

 

Bébé Tyrannosaure
Ernest”, le cousin du T.rex - Valanginien (130 millions d'années), pièce maîtresse de Luc Ebbo, en cours d'étude

 

Quelle est la pièce maîtresse de votre collection ? 

Il y a beaucoup de pièces qui me tiennent à cœur, mais ma pièce maîtresse est le petit dinosaure théropode que j'ai présenté cette année. Cette pièce est vraiment rarissime. Le fait de l’avoir trouvé dans la région et en particulier dans des dépôts marins, où il n'avait rien à y faire, est miraculeux. Il est en cours d’étude. Au début, nous pensions qu’il était un représentant de la famille des Tyrannosauridae, donc proche du fameux T.Rex. Mais apparemment, il est plus éloigné. Actuellement, nous sommes plus sur l'idée d'un Sinraptoridae, de la famille des allosaures. Il s’agit quand même de la grande famille des théropodes qui constitue les fossiles les plus rares et les plus emblématiques de la planète. Ils n'ont quasiment jamais été trouvés en France et en Europe. C’est la découverte d’une vie ! Forcément, l’émotion est présente. En revanche, cela rajoute un stress supplémentaire sur toute la préparation pour sortir le maximum tout en faisant attention à ne pas endommager la pièce. Le squelette à l’origine était complètement fracturé, rempli de racines… Je n’avais pas le droit à l’erreur. 
 

 

Pouvez-vous expliquer les défis que rencontrent les collections privées avec les scientifiques voulant publier des rapports officiels sur des squelettes ?

Les scientifiques étudient les pièces qui les intéressent. Ils envoient cette étude à un journal scientifique. Mais depuis pas mal de temps, il y a une volonté des journaux qui consiste à seulement publier et donc étudier des pièces appartenant à des collections publiques. Pour eux, il s’agit d’un garant que ces pièces puissent perdurer dans le temps. Sous-entendu qu’il peut arriver n'importe quoi à une pièce d'une collection privée. Si le collectionneur disparaît, les héritiers peuvent vendre la collection, il y a peut-être moins de normes de sécurité… Mais, la plupart des pièces dans les musées nationaux ont été trouvées par des amateurs. La découverte des squelettes est vraiment une compétence de terrain, d'expérience. Elle s'acquiert au bout de plusieurs années. J'ai mis plus de 20 ans pour voir les squelettes. Nous avons toujours eu besoin des amateurs et de leur expérience sur le terrain pour découvrir les fossiles. Il y a un lien affectif très fort lors de la découverte d'une pièce pour laquelle nous y avons consacré toute une vie. Il est difficile d'en être totalement dépossédé. Si elle rentre dans le cadre institutionnel, vous n'avez plus aucun droit de regard dessus. 

La question n’est pas vraiment publique ou privée, mais elle porte sur l'accessibilité des pièces

En revanche, nous pourrions trouver un système de partenariat prenant en compte les inquiétudes des institutions tout en respectant le lien du collectionneur avec ses fossiles. J’essaie de mettre en place cela en montant un petit musée où toutes les pièces sont répertoriées, en garantissant un accès à la communauté scientifique et en essayant de faire perdurer la collection… La question n’est pas vraiment publique ou privée, mais elle porte sur l'accessibilité des pièces. De nombreux amateurs seraient d'accord pour signer des petits contrats dans le but de rendre leurs collections accessibles, en particulier aux scientifiques.

 

Luc Ebbo, paléontologue amateur

 

Est-ce que vous êtes déjà allé dans un autre pays pour trouver des fossiles ? 

En tant que passionné de fouille, j'essaye d'organiser mes vacances autour des fossiles. Il m’est arrivé d’aller dans des endroits où l’idée est de rechercher mais aussi de découvrir des paysages originaux car j’aime beaucoup la nature. Je suis allé au Spitzberg, une île proche du pôle Nord, plus pour la découverte géologique que pour la fouille réelle. J’ai aussi fait pas mal de pays européens, notamment au Royaume-Uni, sur des sites historiques. Depuis quelques années, je travaille aux États-Unis avec quelques amis. Ce sont des partenariats avec des personnes qui possèdent des ranchs dans lesquels il y a beaucoup de squelettes de dinosaures…

 

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