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COACHING - Devenir riche, oui et alors ?

Écrit par Nicolas Serres-Cousiné
Publié le 26 septembre 2016, mis à jour le 26 septembre 2016

Jean, fils d'ouvriers de la banlieue parisienne, prend l'avion demain pour la ville de Mexico, un départ qu'il espère définitif, « la France ce n'est pas pour moi, cela ne l'a jamais été ».

Enfant, il se sentait déjà à part. Alors que ses copains jouaient aux cowboys et aux Indiens sur les terrains vagues de Châtillon-sous-Bagneux, il s'imaginait découvrir la caverne d'Ali Baba et s'envoler alors vers un monde meilleur, « devenir riche et sortir de cette misère au plus vite, tel est mon but », avait-il même souligné au crayon rouge sur son cahier d'écolier. Pas étonnant donc qu'avec un tel objectif, il se soit lancé dans la vie active dès la sortie de lycée, remonté à bloc, « un jour je serais célèbre et respecté ». Hélas, la façon de penser des Français, ses amis, sa famille, ses collègues de travail, tous d'une manière ou d'une autre ont contribué à l'empêcher de rêver. Eh oui, parce que Jean a osé être différent en avouant son amour pour le succès et l'argent, pour se rassurer, se venger ou le faire rentrer dans le rang, ils lui ont épinglé au dos l'étiquette du mec sympa et rigolo qui en veut mais qui restera toujours un prolo,« pas question d'être prisonnier de cette image de loser toute mon existence ! » Voilà pourquoi Jean s'enfuit demain de la France, les poches percées, mais la rage au ventre.

À peine débarqué au Mexique, un pays qu'il a choisi au hasard, Jean rencontre Dennis, un millionnaire Américain à la retraite. Ce dernier, charmé par l'exotisme Titi Parisien de son nouvel ami, lui fait découvrir un milieu composé d'aristocrates, de diplomates, d'entrepreneurs et de banquiers internationaux. Réalisant la chance qu'il a, « ces richards s'ouvrent peu à ceux qui ne sont pas comme eux », Jean donne son maximum pour les séduire, se servant sans honte de son joli minois et de son fort accent français.

Notre héros passe ainsi ses premiers mois d'immigré illégal à faire le beau dans les soirées privées des Martinez del Rio, de Warren Buffet Junior ou encore d'Hamed Al Khalifa, le prince de Bahreïn. À ceux qui lui demandent ce qu'il est venu faire à Mexico, il répond avec fierté que son but est de faire fortune à tout prix. Émus de découvrir en Jean un enthousiasme d'enfant qu'ils n'ont jamais eu, ces privilégiés au coeur d'artichaut l'adoptent dans la foulée. En particulier ce fameux Dennis qui lui procure des papiers en règle et l'engage comme personal assistant de toute sa famille, « 10 US dollars de l'heure pour débuter ». Bien que vexé par ce salaire minable, Jean ne proteste pas. Au contraire, il dit merci et se met à bosser. Chauffeur, confident, cuisinier, nounou, femme de ménage, prof de tennis, j'en passe et des meilleurs, il travaille 365 jours sur 365 la première année. Et presque autant l'année suivante.

Malgré un caractère optimiste, Jean, bien loin de ses objectifs initiaux, commence à s'impatienter et questionne sa présence au Mexique jusqu'au jour où il tombe amoureux de Juliette, héritière d'un restaurant français sur le déclin, Au Bon Coin. Avec la bénédiction de Dennis, Jean quitte son job d'esclave chic et se met aux commandes de l'entreprise de celle qui devient vite son épouse. Enfin à la barre de son propre navire, et profitant du réseau de ses riches relations, il ne lui faut qu'une saison pour faire de son restaurant l'endroit numéro un fréquenté par les nantis de Mexico. Il trime jour et nuit, s'enrichit, mais toujours insatisfait et revanchard, il triche sur ses impôts, use de moyens douteux pour discréditer ses concurrents, exploite ses employés et passe ses nerfs sur Juliette sa femme et leurs trois enfants.

Cela fait maintenant vingt-cinq ans que Jean vit au Mexique. De la France, il n'a que quelques lointains souvenirs. Il n'a jamais voulu y retourner, même pour aller rendre visite aux différents membres de sa famille. Ce sont eux qui, à la place, sont venus le voir. Assez souvent au début et très peu ensuite. « Jean, on ne te reconnaît plus avec tout ton fric. Tu es devenu dur, réac, insensible, hargneux, radin, toujours sur le qui-vive. Où est passé l'homme simple, doux, rêveur et drôle que l'on aimait tant ? » C'est ce que son frère Olivier lui a dit la dernière fois qu'ils se sont vus. C'était il y a trois ans, peut-être quatre. Il ne sait plus. Bedonnant, des cercles mauves sous les yeux, Jean, assis à son bureau, se sert un chivas et caresse Snoopy. Son chien est tout ce qui lui reste de vivant. Sa femme et ses enfants sont partis. Ses amis influents, écoeurés par son manque de moralité, lui ont claqué la porte au nez. La communauté française qu'il n'a cessé de mépriser ne s'est pas gênée pour lui tourner le dos. La ville qui était son oxygène, dorénavant l'étouffe. Malgré son argent, sa réussite et son pouvoir, il se sent seul, comme un naufragé perdu la nuit au milieu de l'océan. À trop vouloir devenir riche, il a trahi ses valeurs. À trop vouloir dominer le monde, il a oublié de dominer son sujet. À trop se forcer à détester ses racines, il ne sait plus qui il est. Conscient de ses erreurs passées, désenchanté mais à la recherche d'un second souffle, notre héros se ressert un chivas et entre deux gorgées, se demande si le chemin de la rédemption n'est pas celui qui commence par la redécouverte de lui...

Nicolas Serres Cousiné, le life coach des expats français à travers le monde (www.lepetitjournal.com) mardi 27 septembre 2016

En savoir plus: le site de Nicolas Serres-Cousiné:  www.monlifecoach.com

Avertissement: Les chroniques de Nicolas Serres-Cousiné sur lepetitjournal.com s'inspirent de sa pratique professionnelle. Chaque chronique est un mélange romancé de plusieurs témoignages sur le même thème. Ils ont été modifiés de manière à préserver l'anonymat de leurs auteurs.

 

Nicolas Serres-Cousiné
Publié le 26 septembre 2016, mis à jour le 26 septembre 2016