Dans ce billet, Pascal Médeville nous parle des Devadāsī, épouses des Dieux hindous et de leur proximité avec les apsaras d'Angkor.
Dans l’hindouisme, en Inde du Sud, les Devadāsī étaient « des femmes consacrées au temple dès leur plus jeune âge, considérées comme des épouses de la divinité. Surnommées « femmes à jamais favorables », elles jouissaient de libertés sexuelles auxquelles les femmes mariées à un « mortel » n’avaient pas accès. Leur statut est celui, avant tout, d’être artistes cultivées (lettrées, danseuses, chanteuses, peintres, etc.) » (voir Wikipedia)
Ces femmes étaient également présentes au Cambodge. Appelées « de-vak tea-sei » (ទេវទាសី ou ទេវៈទាសី), littéralement « femmes esclaves de la divinité », elles officiaient dans les temples hindouistes. Les hommes qui servaient dans les temples étaient appelés « te-vak teas » (ទេវទាស).
Les devadāsī sont citées dans des inscriptions lapidaires (comme l’inscription K.826, en sanskrit, stèle de fondation du Bakong). Ces femmes étaient offertes aux temples et étaient des danseuses, des musiciennes… Elles étaient aussi parfois appelées « prostituées sacrées », car elles étaient livrées aux prêtres.
George Groslier pense que les « asparas » ou « danseuses » représentées sur les murs d’Angkor Vat étaient des devadāsī. Voici ce qu’il dit dans son ouvrage Danseuses cambodgiennes anciennes et modernes, publié à Paris en 1913 (p.178) :
Lorsqu’ils allaient brûler les baguettes liturgiques aux pieds des nouveaux dieux, les Khmers voyaient probablement ces divines danseuses, en foule, belles comme la lune, orner les autels, faire la toilette des idoles, préparer et entretenir les ustensiles sacrés, tresser des guirlandes, couver les flammes divines et faire leurs ablutions rituelles dans les grands bassins de pierre où les tours se reflétaient…
C’étaient les « devadasi ». Offertes au temple toutes jeunes (De Bellouène), elles étaient considérées comme les épouses de la divinité. A leur nubilité, on leur crevait l’hymen sur un phallus de marbre — phallus du dieu à qui elles étaient consacrées. Après cette douloureuse cérémonie, elles restaient dans le temple qu’elles entretenaient (encore de nos jours). Elles dansaient et chantaient pour plaire aux dieux, calmer leurs fureurs, satisfaire à leurs désirs, et leur dire l’adoration des peuples et des foules.
Elles se livraient aux prêtres, incarnation des divinités. De ces fornications rituelles, les enfants mâles qui venaient au monde étaient destinés au sacerdoce, et les enfants femelles à l’état de « devadasi ».
Etaient-elles sacrées et intangibles réellement ? Tout autorise à le croire. On ne peut se faire à l’idée du peuple d’alors trouvant des courtisanes dans ses temples. La ferveur religieuse était à son paroxysme. Les voleurs sacrilèges des donations faites aux temples, étaient menacés des plus épouvantables châtiments futurs. Les actes des donations se terminaient toujours par cet avertissement. Les vieilles législations indoues disent : « Partout où les femmes sont honorées, les divinités sont satisfaites ; mais lorsqu’elles ne le sont pas, les actes pieux sont stériles. » Quel est le timide Khmer esclave, la misérable poussière qui, terrifié déjà par les puissances illimitées et latentes des divinités nouvelles, se serait glissé dans la couche d’une « devadasi » ?