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Vocabulaire khmer : les couleurs "ailes de perruche" et "urine de vache"

dim-hou-deux perruches s'embrassantdim-hou-deux perruches s'embrassant
Dim Hou
Écrit par Pascal Médeville
Publié le 18 février 2023, mis à jour le 18 février 2023

Dans cet article, Pascal Médeville décortique pour nous les spécificités du vocabulaire khmer autour des couleurs.

 

Un vocabulaire haut en couleur 

Le vocabulaire des couleurs en khmer est très riche. Il y a bien sûr les couleurs les plus courantes : ខ្មៅ [khmav] noir ; ស [sâ] blanc ; លឿង [lœueng] jaune ; ក្រហម  [krâ-hâm] rouge.

Cela se complique un peu pour le bleu et le vert, car, comme en chinois, un seul mot était traditionnellement utilisé pour les couleurs de la portion de l’échelle chromatique qui s’étend du bleu au vert : ខៀវ [khiav], qui, selon les cas, peut donc se traduire par bleu ou vert (en chinois, c’est aussi le cas pour le mot 青 [qīng]). Certes, aujourd’hui, on a tendance à penser que le mot ខៀវ désigne la couleur bleue, mais pour bien faire la différence entre le bleu et le vert, les Khmers ont emprunté aux Siamois le mot បៃតង [baï-tang] pour désigner la couleur verte, et ont inventé le mot ពណ៍ទឹកប៊ិច [poa teuk-bich] (littéralement : couleur d’encre de stylo Bic) pour désigner la couleur bleue.

 

Il existe aussi des noms de couleur inspirés par l’observation de l’environnement ; par exemple, l’orange est la couleur du jus d’orange (ពណ៍ទឹកក្រូច [poa teuk kroch]), le gris est celle de la cendre (ពណ៍ប្រផេះ [poa prâ-phèh]), le bleu marine celle du bleu de la mer (ខៀវ​សមុទ្រ [khiev samot]), l’azur celle du ciel (ពណ៍​ផ្ទៃ​មេឃ [poa phteï-mék), etc...

 

Des descriptions étonnantes

Dans le roman "Orange Blossom" de Bunchan Sokserei, on peut lire deux noms de couleurs dont l’existence est parfois inconnue.

Le premier se trouve page 204 et sert à décrire la couleur des rizières dans lesquelles passe un cortège funéraire : ស្រែខ្លះមានពណ៍​ខៀវ​ស្រងាត់ ស្រែ​ខ្លាះ​មាន​ពណ៍​ស្លាប​សេក ស្រែ​ខ្លះ​មាន​ពណ៍​លឿង​ខ្ចី : Certaines rizières avaient une couleur vert foncé (ខៀវ​ស្រងាត់ [khiev srâ-gat], remarquez ici l’utilisation du mot ខៀវ pour désigner le vert), d’autres la couleur des ailes de perruche (ស្លាបសេក [slab sek]), d’autres encore avaient une couleur jaune clair (លឿង​ខ្ចី [loeueng-khchei]).

Le vert foncé et le jaune sont faciles à comprendre, la couleur « ailes de perruche », en revanche, l’est moins. Il s’agit d’une couleur proche de celle des ailes des perruches ci-dessous, peut-être un peu plus claire :

Perruches
Photo : Karthik Easvur, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

 

A la page 220 de ce même ouvrage, la romancière décrit la couleur du sucre de palme en fin de cuisson :
ទឹក​ត្នោត​បាន​ប្រែ​ពីរាវ​និង​ពណ៍​ស​ភ្លាវ​ មក​ជា​ខាប់​ពណ៍​រាងក្រហម​ប្រឿងៗ (ដែលអ្នកស្រុក​គេ​ហៅ​ថា​ពណ៍​ទឹក​នោម​គោ) : La sève du palmier à sucre, de liquide et de couleur blanchâtre (ស​ភ្លាវ [sâ phliev]), avait pris une consistance épaisse et une couleur rouge clair (ក្រហម​ប្រឿងៗ [krâ-hâm proeueng-proeueng]) (que certains villageois appellent couleur d’urine de bovin – ពណ៍​ទឹក​នោម​គោ [poa teuk nôm kô]).
La couleur de l’urine des bovins est variable selon l’animal, mais l’urine illustrée ci-dessous a une couleur proche de celle du sucre de palme en fin de cuisson :

cow-urine
Photo: madan gopal das blog

On peut alors penser que le vocabulaire khmer est sûrement empli d’autres descriptions aussi « exotiques » des couleurs.

 

Pascal Médeville

 

Cet article a été publié précédemment sur Khmerologie que nous vous invitons à consulter. Il regorge d'informations croustillantes sur le Cambodge.

 

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