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Vocabulaire khmer : attention à la paume de Tathāgata !

Après nous avoir parlé des « mains de céphalopodes », Pascal Médeville nous fait découvrir la paume de Tathāgata, inspirée par le bouddhisme… et les films de Kung-Fu.

Image tirée du film Crazy Kung Fu (2004)Image tirée du film Crazy Kung Fu (2004)
Image tirée du film Crazy Kung Fu (2004)
Écrit par Pascal Médeville
Publié le 14 novembre 2024

Nous avions parlé il y a quelque temps déjà des « mains de céphalopodes » (ដៃមឹក dai meuk), ces mains baladeuses dont se plaignent les jeunes filles courtement vêtues qui attirent les clients avinés dans les bars parfois mal famés de Phnom Penh et d’ailleurs. Il existe encore au Cambodge un autre type de mains dont il convient de se méfier : les mains, ou plus exactement les paumes, de Tathāgata.

Tathāgata (en khmer តថាគា), qui signifie « ainsi venu », est l’un des épithètes de Bouddha dans le canon pâli, l’ensemble des textes sacrés du bouddhisme Theravada. Il est connu en chinois sous le nom de Rulai (如来 rúlái). Et Quand il est question des paumes de cette divinité, les Khmers utilisent son nom chinois : ព្រះយូឡាយ préah you-lai.

Les paumes de Tathāgata (បាតដៃព្រះយូឡាយ bat dai préah you-lai) sont réputées pour leur puissance peu commune. Voir par exemple, dans le film hongkongais Crazy Kung Fu de Stephen Chow, sorti en 2004, la technique d’arts martiaux la plus redoutable du personnage principal Sing qui n’est autre que la « paume divine de Tathāgata » (en chinois 如来神掌 rúlái shénzhǎng). Cette technique est évoquée dans de très nombreux films, séries et romans d’arts martiaux chinois depuis les années 1960. Les Khmers étant friands du genre, la technique de la « paume de Tathāgata » ne leur est pas inconnue ! Ils évoquent cette technique lorsqu’ils veulent, en plaisantant, menacer quelqu’un d’un coup imparable. Dans la photo de couverture, tirée du film Crazy Kung Fu, un mendiant tient le manuel secret permettant de maîtriser cette technique martiale.

Le sens de l’expression cambodgienne a glissé pour se rapprocher de celui des mains de céphalopodes, mais dans un sens plutôt positif, pour s’appliquer à quelqu’un qui a de multiples cordes à son arc. La Khmère qui m’a expliqué le sens de l’expression a évoqué les mains multiples que possèdent parfois certaines statues de bouddha.

Il semble cependant que ce glissement de sens soit le résultat d’une confusion : la divinité bouddhique qui possède mille mains n’est pas Tathāgata, mais le bodhisattva Avalokiteshvara (en khmer អវលោកិតេស្វរ), le célèbre Guanyin (观音 guānyīn) des Chinois (les Khmers utilisent aussi, parfois, le nom chinois ព្រះក្វាន់យីន préah kvan-yin) ! L’Avalokiteshvara aux mille bras est appelé en chinois 千手观音 qiānshǒu guānyīn.

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