À Phnom Penh, certains travailleurs âgés sacrifient les retrouvailles familiales du Nouvel An pour assurer leur survie, entre gardiennage, collecte d’ordures et moto-taxi déserté.


Le Nouvel An khmer est, pour beaucoup, synonyme de retrouvailles et de réjouissances. Pourtant, dans les rues de Phnom Penh, certains travailleurs continuent leur labeur, loin de leurs familles et des traditions, poussés par la nécessité économique.
Un premier Nouvel An loin de sa famille depuis 37 ans
Mey Mon, 60 ans, n’avait jamais manqué un retour à Prey Veng pour célébrer le Nouvel An. Ancien chauffeur de bus, il a dû abandonner la conduite à cause de troubles de la vue. Désormais agent de sécurité dans un supermarché de la capitale, il a choisi de travailler pendant les fêtes pour gagner un complément de cinq dollars par jour.
« Je n’ai jamais manqué un Nouvel An au village, mais cette année j’ai dit à ma femme que je voulais gagner un peu plus », confie-t-il. Son service de nuit s’étend de 18h à 6h.
Travailler la nuit, pour subvenir aux besoins des enfants
Toek Sokhom, 66 ans, travaille depuis 26 ans comme éboueur à Phnom Penh. Pour le Nouvel An, il n’a pu passer qu’une demi-journée avec ses proches à Kandal, et a dû renoncer à voir la famille de sa femme à Pursat. Son emploi de nuit dans un condominium du quartier de Toul Kork ne lui laisse guère de répit.
Malgré la fatigue, il garde la tête haute : « Mon travail est dur, mais mes enfants sont bons élèves. Je vis pauvrement, mais avec dignité. »
Une course en moto-taxi devenue incertaine
Voeurn Ngim, 63 ans, chauffeur de moto-taxi depuis plus de vingt ans, n’a pas non plus pu rentrer dans son village natal de Prey Chhor, dans la province de Kampong Cham. Stationné devant le Musée national, il raconte une activité en déclin, encore aggravée depuis la pandémie.
« Aujourd’hui, plus personne ne veut prendre de moto-dop », dit-il, résigné. Il survit grâce à quelques dons ou repas offerts par des passants compatissants. « Je suis trop vieux pour changer de métier, même si je voulais devenir gardien, qui embaucherait un vieux comme moi ? »
Sacrifices discrets pour un avenir incertain
Loin des danses et des éclats de rire des rues animées de Phnom Penh, des hommes comme Mey Mon, Toek Sokhom et Voeurn Ngim incarnent un autre visage du Nouvel An khmer : celui de la résilience silencieuse. Pour eux, les jours fériés ne sont qu’un prolongement du quotidien, guidé par une seule certitude : celle de devoir continuer, pour eux-mêmes et pour ceux qu’ils aiment.
Sao Phal Niseiy, Teng Yalirozy
Avec l'aimable autorisation de Cambodianess, qui a permis la traduction de cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.
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