Hier, 15 février, le gouvernement cambodgien a annoncé qu'il retarderait temporairement le déploiement prévu pour aujourd’hui, de la passerelle Internet nationale, qui devait acheminer l'ensemble du trafic Internet du Cambodge via un système gouvernemental centralisé.
La mise en place de cette passerelle avait fortement inquiété les défenseurs des droits de l’Homme, mais aussi les professionnels d’internet malgré les déclarations de bonnes intentions du gouvernement.
Les experts des droits de l'homme et les défenseurs des médias craignent que cette passerelle ne soit une étape vers une censure « à la chinoise » d’internet, bien que certains s'interrogent sur la capacité technique actuelle des systèmes cambodgiens et affirment que le processus manque de transparence.
Les critiques des ONG
Phil Robertson, directeur adjoint de Human Rights Watch pour l’Asie cité par Theguardian a déclaré :
« Après avoir étouffé la dissidence ailleurs, le gouvernement cherche maintenant à étendre son contrôle sur la sphère en ligne »
"Ils veulent disposer d'un environnement politique hermétiquement contrôlé où ils seront les seigneurs et les maîtres, et où tout ce qu'ils disent passe, et où quiconque s'y oppose est envoyé en prison"
Naly Pilorge, directrice de la Ligue cambodgienne pour la promotion et la défense des droits de l'homme, a déclaré que l'application de cette passerelle serait dévastatrice, et qu'elle violait la Constitution, ainsi que plusieurs conventions/ traités dont le Cambodge est signataire.
Elle a déclaré :
"Elle fermerait complètement la capacité des citoyens à s'exprimer et à partager des informations. Cela entraînerait une fermeture encore plus grande de la société civile, et de l'activisme sur les questions qui touchent les Cambodgiens ».
Les réticences des professionnels d’internet
Les professionnels de la communication avaient pointé quant à eux, deux problèmes liés à la mise en place de cette passerelle.
Certains craignent que le système ne ralentisse la vitesse de l'internet, ce qui nuirait à l'activité commerciale et aux investissements étrangers et donc à la reprise économique.
De plus, le fait de grouper tout le flux internet en un seul endroit le rend extrêmement sensible aux pannes ou aux attaques malveillantes.
En 2015, la junte au pouvoir en Thaïlande a envisagé d'introduire une passerelle Internet unique, mais a fait marche arrière face à l'opposition des entreprises.
Protéger la population de la cybercriminalité
Chea Vandeth, ministre des Postes et Télécommunications, cité par Cambodianess s'est plaint des critiques, affirmant que l’objectif de la passerelle internet nationale n’était pas compris. Il a déclaré :
"Il s'agit de protéger les utilisateurs en empêchant les jeux d'argent illégaux en ligne, en prévenant les menaces en ligne, la maltraitance des enfants et les infractions/ crimes en ligne »
Il n'y avait donc aucune raison pour que certaines ONG protestent contre l'intérêt national, auparavant nous avons pris des mesures contre tous sites web qui faisaient des erreurs et qui violaient l'intérêt national.
S'il a poursuivi en affirmant que la passerelle Internet nationale renforcerait la cybersécurité du Cambodge, et augmenterait la stabilité des services Internet - ce que les acteurs du secteur privé avaient contesté - il n'a pas fait mention du retard qu’elle aurait pris dans son déploiement.
Le porte-parole du ministère, Meas Po, et le secrétaire d'État, So Visothy, ont tous deux confirmés que le lancement de la passerelle Internet nationale avait été reporté en raison du Covid, mais ils n'ont pas été en mesure de donner une estimation de la date à laquelle elle serait opérationnelle.
Le ministère des Postes et Télécommunications n'a pas abrogé le sous-décret de sa mise en place - comme cela a été le cas pour une législation similaire en Thaïlande.