Malgré son handicap, Pornd Raksmey a poursuivi des études secondaires au Cambodge. Il nous confie son parcours comme un message d’espoir pour toutes les personnes handicapées.
Pornd Raksmey est né et a grandi dans la province de Takeo. Il souffre de paralysie cérébrale - un trouble qui affecte la capacité d'une personne à se déplacer et à maintenir son équilibre et sa posture. Malgré ce handicap, Raksmey a obtenu en 2017 une licence en travail social à l'Institut Saint-Paul de la province de Takeo. La même année, il a également participé à un programme d'échange de deux semaines en Australie.
Raksmey a d'abord enseigné dans une école privée de langue anglaise dans sa province. Il travaille maintenant au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Il témoigne de son parcours en tant que personne handicapée pour obtenir un diplôme universitaire.
Teng Yalirozy : Qu'est-ce qui vous a incité à poursuivre des études supérieures ?
Pornd Raksmey : J'ai toujours apprécié et aimé l'éducation depuis que je suis jeune. Je pensais que seule l'éducation pouvait changer ma vie. J'ai dû lutter dès mon plus jeune âge. C'est pourquoi j'étais fermement convaincu que l'éducation pouvait me permettre d'obtenir un meilleur emploi lorsque je serais plus grand, afin de pouvoir subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille.
En outre, j'ai toujours remarqué que les personnes handicapées de ma ville natale ne reçoivent généralement pas assez d'éducation en raison des difficultés qu'elles rencontrent dans la vie. Ce constat m'a poussé à étudier dur et à obtenir au moins une licence.
Quels sont les défis que vous avez rencontrés au cours de votre parcours pour arriver là où vous êtes maintenant ?
Mon premier défi concernait les moyens de subsistance. Je n'avais pas assez d'argent pour financer mes études. Cela a mis fin à mon espoir de poursuivre une licence à Phnom Penh. J’ai bien obtenu des bourses d'études dans des universités phnompenhoises mais je n'étais pas en mesure de couvrir mes frais quotidiens de transport, de loyer et de repas.
J'ai donc décidé de faire une licence dans ma province. En outre, j'avais des difficultés à voyager.
Je ne pouvais pas parcourir de longues distances car je n'avais pas encore de moto pour handicapés. Je me rendais habituellement à l'école avec mes amis. C’était quelque peu difficile pour moi car je devais toujours dépendre des autres. De plus, il m'était difficile de monter les escaliers pour aller en classe. À l'époque, j'aurais souhaité que l'école installe les classes pour moi et les autres élèves handicapés au rez-de-chaussée.
Ce que je trouvais le plus difficile, c'était les commentaires des gens autour de moi. Mes voisins ont dit à mes parents qu'ils n'auraient pas dû me laisser étudier parce que je ne pourrai pas trouver un emploi à cause de mon handicap.
Quel est le principal obstacle selon vous, à la poursuite d'études supérieures pour les personnes handicapées ?
Les personnes handicapées ne peuvent pas apprendre si elles ne bénéficient pas d'un soutien financier et émotionnel... Elles ont toujours besoin d'aide pour leurs dépenses quotidiennes, même si elles bénéficient d'un enseignement gratuit dans les universités, car elles doivent toujours payer les frais administratifs.
Deuxièmement, l'obstacle est le manque de soutien émotionnel car elles sont toujours victimes d'intimidation et de discrimination. Par conséquent, si elles ont une santé mentale fragile, elles ne pourront pas poursuivre leurs études.
De plus, les personnes handicapées n'ont généralement pas la possibilité de voyager... en raison de leur handicap, ce qui restreint leur vision du monde. Ce facteur peut affecter leurs décisions et leur jugement.
En outre, dans les zones rurales, les écoles sont éloignées, ce qui rend difficile la scolarisation des enfants handicapés.
Enfin, les personnes handicapées souffrent toujours d'être étiquetées, car elles sont toujours considérées comme des personnes inaptes. Elles sont toujours stéréotypées et pensent qu'elles ne trouveront pas d'emploi après avoir obtenu leur diplôme. C'est toujours un problème qui peut entraver leur volonté de poursuivre des études.
Pensez-vous que les personnes handicapées jouent un rôle important dans le secteur de l'éducation ? Si oui de quelle manière ?
Oui, elles sont vraiment importantes dans le secteur de l'éducation. Lorsque les personnes handicapées s'impliquent dans ce secteur, elles peuvent apporter un changement positif pour d'autres personnes handicapées, car elles savent ce qui leur est nécessaire pour obtenir une éducation.
Elles peuvent suggérer des solutions, elles peuvent améliorer les choses et être un soutien pour d'autres personnes handicapées.
De plus, j'ai remarqué que les outils d'apprentissage supplémentaires à destination des personnes handicapées sont encore peu nombreux, donc ces personnes travaillant dans le secteur de l'éducation peuvent y contribuer en recherchant davantage d'outils.
Quelle est votre réalisation ou le souvenir le plus significatif pour vous ?
Je peux dire que j'ai réussi plusieurs exploits, mais le plus significatif pour moi est d'avoir gagné une partie de boulingrin*. J'étais aux anges car je me mesurais à des personnes sans handicap. J'ai gagné contre elles.
Le deuxième est d'avoir participé à un programme d'échange en Australie. C'était la première fois que je quittais le Cambodge. J'étais heureux car j'ai pu prouver à ceux qui disent que les personnes handicapées ne vont jamais loin qu’ils se trompent.
De plus, on m'a offert un emploi, que j'adore, au PNUD. Même si cela ne semble pas être des réussites majeures pour certaines personnes, je suis fier de moi.
Quels conseils ou encouragements donneriez-vous aux personnes handicapées qui veulent poursuivre des études supérieures ou qui rencontrent des difficultés en ce moment ?
Je les encourage à continuer à faire des efforts et à ne jamais abandonner.
De plus, je pense que le parcours de l'éducation comporte de nombreux obstacles, ce que je ne saurais trop souligner. Je les encourage donc à être persévérants et à affronter ces obstacles sans crainte. Je sais que ce n'est pas facile, mais cela passera avec de l'endurance et de la passion.
Un jour, ils réussiront. On ne m'a pas tout de suite proposé un emploi au PNUD, je me sentais seul, errant dans Phnom Penh à la recherche d'un emploi. Mais finalement, j'ai réussi.
Et ne laissez pas la peur vous empêcher de faire ce que vous souhaitez et ce en quoi vous croyez.
*Par ses principes généraux, le boulingrin s’apparente à la pétanque,et à plusieurs autres jeux de boules : le but du jeu consiste à lancer des boules de manière à les placer le plus près possible d’une cible. Il se distingue cependant des autres jeux de boule par la forme des boules (ovales) et par le type de terrain (gazon).
Teng Yalirozy
Article publié initialement sur cambianesse.com