Le Cambodge accélère les négociations commerciales avec les États-Unis pour éviter une taxe de 36 % sur ses exportations dès le 1er août. Sun Chanthol affirme que Phnom Penh a encore des cartes en main.


À moins d’un mois de l’entrée en vigueur d’une taxe de 36 % sur toutes ses exportations vers les États-Unis, le Cambodge intensifie les pourparlers avec Washington. C’est ce qu’a annoncé le vice-Premier ministre Sun Chanthol lors d’une conférence de presse tenue mardi, en précisant que le pays disposait encore de « cartes à jouer ».
Initialement, une taxe de 49 % avait été décidée par l’administration Trump dans le cadre d’un élargissement des droits de douane à l’échelle mondiale le 2 avril dernier. Un moratoire de 90 jours avait été accordé, au cours duquel plusieurs séries de négociations ont eu lieu entre les représentants cambodgiens et américains. Ce délai a permis de ramener la taxe à 36 %, comme l’a confirmé Donald Trump dans un courrier adressé au Premier ministre Hun Manet et à d’autres chefs d’État.
Le Cambodge défend son statut de pays en développement
Lors de sa prise de parole au Conseil pour le développement du Cambodge, dont il est également le premier vice-président, Sun Chanthol a appelé les autorités américaines à faire preuve de clémence. « Nous devons expliquer que nous avons besoin d’un taux plus bas – nous sommes encore un pays pauvre et nous n’avons pas encore quitté le statut de pays les moins avancés (PMA) », a-t-il déclaré. « Notre sortie est prévue pour 2029. »
Il a exhorté les États-Unis à « nous donner une chance de sortir de la pauvreté d’ici 2029 », tout en assurant que le gouvernement disposait encore d’arguments à faire valoir, sans en révéler la nature. Il a également appelé les entreprises à garder leur calme et à faire confiance à l’exécutif, affirmant que des mesures avaient déjà été prises pour protéger les investisseurs et les travailleurs.

Tableau : The Council for the Development of Cambodia
Un secteur textile en première ligne
Les droits de douane prévus risquent d’avoir un impact considérable sur le secteur cambodgien du vêtement et de la chaussure, qui emploie près d’un million de personnes et représente plus d’un tiers du PIB du pays. Les États-Unis sont de loin le principal marché d’exportation du Cambodge.
Sophal Ear, analyste politique américano-cambodgien et professeur à l’Université d’État de l’Arizona, estime qu’une réduction supplémentaire de la taxe reste envisageable, mais peu probable sans concessions majeures. « Le Vietnam a obtenu un taux de 20 % en se rapprochant davantage des intérêts américains », a-t-il noté, soulignant que le Cambodge souffre encore de sa proximité avec Pékin, de soupçons de transbordement de marchandises et de son rôle de plaque tournante pour les escroqueries en ligne.
Il a ajouté que des avancées pourraient être obtenues si Phnom Penh acceptait des concessions réelles sur les normes du travail, les déséquilibres commerciaux et les droits de propriété intellectuelle. « Le Cambodge acceptera-t-il d’accueillir des individus expulsés, comme le fait le Soudan du Sud ? », a-t-il lancé, en évoquant les gestes susceptibles de plaire à Washington. Un accord pourrait, selon lui, orienter la politique étrangère cambodgienne vers un certain rééquilibrage, même si les investissements chinois limiteraient les effets d’un tel réalignement.
Diversifier les marchés et miser sur la productivité
Au-delà des négociations diplomatiques, des voix s’élèvent pour appeler à une refonte plus profonde de la stratégie économique cambodgienne. Stephen Higgins, associé directeur du cabinet Mekong Strategic Capital basé à Phnom Penh, estime que si la taxe de 36 % est maintenue, le gouvernement devrait encourager les investissements tournés vers d’autres marchés que les États-Unis, qui ne représentent que 25 % du PIB mondial.
« Le gouvernement royal du Cambodge doit stimuler la productivité, continuer d’investir dans les infrastructures et l’éducation, et mener une action globale pour éliminer les centres d’escroqueries du territoire », a-t-il affirmé.
Selon lui, l’impact direct pourrait être contenu. Bien que les exportations vers les États-Unis représentent environ 26 % du PIB brut, leur contribution en valeur ajoutée n’est que de 8 %. « Même dans un scénario pessimiste – perte de 50 % de ce marché sur trois ans, avec redirection de seulement 20 % vers d’autres marchés – la baisse annuelle du PIB ne serait que de 0,8 %, voire 1 % avec les effets indirects », précise-t-il. « Ce n’est pas idéal, mais le Cambodge resterait parmi les économies à la croissance la plus rapide. »
Un secteur à repenser pour sortir de la dépendance
Stephen Higgins pense que le secteur textile est le plus vulnérable mais s’interroge sur la faisabilité de délocalisations massives, étant donné que les pays concurrents sont confrontés à des pénuries de main-d’œuvre et à des politiques douanières similaires.
« Nous prévoyons un net ralentissement au second semestre 2025, dû à l’anticipation des commandes, à la prudence des acheteurs et au rejet des hausses de prix par les consommateurs », analyse-t-il. « Mais à long terme, les gens auront toujours besoin de vêtements. Certaines usines peu productives pourraient fermer – mais si nous voulons vraiment augmenter la productivité, ce genre de sélection naturelle n’est peut-être pas une mauvaise chose. »
Avec l aimable autorisation de Camboja News qui nous permets de mettre cet article à disposition d'un lectorat Francophone
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