Arrivée à Phnom Penh début septembre, Anne Duthuron a pris la tête de la section consulaire de l’ambassade de France. Avec près de trente ans d’expérience au ministère, elle découvre un poste dense, marqué par une communauté française dispersée, des enjeux sociaux importants et un besoin fort de modernisation. Dans cet entretien, elle détaille son parcours et sa vision du rôle consulaire, en déroulant progressivement les grands axes de son action.


Avant d’aborder ses missions, la nouvelle consule revient sur son itinéraire, qui explique largement sa manière d’aborder le poste :
« Je suis au ministère depuis 1998 », explique-t-elle. Anne Duthuron a notamment travaillé à La Nouvelle-Orléans, New York, Singapour, Wuhan, Doha, puis au consulat de Pondichéry–Chennai. Avant de rejoindre Phnom Penh, elle était formatrice à l’Académie diplomatique et consulaire, où elle préparait les futurs agents, consuls et ambassadeurs aux réalités du métier.
Pour la première fois, elle exerce la fonction de cheffe de section consulaire : « C’est la première fois que je suis consule. »
Une section consulaire aux missions multiples
Après son arrivée, Anne Duthuron s’est rapidement plongée dans la réalité quotidienne du poste :
« La section consulaire, c’est un peu la mairie et la préfecture des Français à l’étranger. »
Elle en résume les grands blocs : les titres d’identité, l’état civil, les visas, la sécurité des Français, les élections, les aides sociales. Un ensemble disparate en apparence, mais qui répond à une logique commune : accompagner la vie administrative des Français établis au Cambodge, du plus banal au plus sensible.
« J’encourage les Français à s’inscrire au registre des Français établis hors de France et à renouveler leur carte d’identité au nouveau format. Elle est gratuite si l’on présente l’ancienne. »
L’état civil, lui aussi, mobilise beaucoup le poste : naissances, mariages, décès, transcription d’actes locaux.
La consule enchaîne naturellement sur l’un des volets plus spécifiques : les visas.
« Nous instruisons des demandes au nom de douze pays Schengen : la Belgique, l’Espagne, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, l’Islande, la Lettonie, Malte, la Norvège, le Portugal, la Slovénie et la République tchèque. Si c’est nous qui signons, nous ne le faisons pas à la tête du client : il y a des règles et des contrôles sécuritaires. Tous les dossiers sont transmis informatiquement et, si un seul partenaire s’oppose, on ne délivre pas le visa. »
Anne Duthuron insiste ensuite sur ce qui, selon elle, caractérise particulièrement Phnom Penh.
« Le rôle social du consulat est particulièrement important ici. »
Entre les aides sociales pour les enfants en détresse, celles pour les personnes âgées sans ressources et les personnes handicapées, reconnues comme telles par les autorités françaises, la pression est forte.
La consule rappelle que l’inscription au registre est indispensable pour en bénéficier : un thème qu’elle développera plus loin.
Le suivi des Français incarcérés au Cambodge fait aussi partie de sa charge.
Les élections constituent un autre volet important du poste. La consule prévoit des déplacements en province (Battambang, Siem Reap et une ville du sud non encore déterminée) pour faciliter les procurations.
Modernisation : un chantier déjà engagé
Anne Duthuron évoque ensuite les outils numériques qui transforment le consulat :
« Avec France Identité, on peut prouver son identité sur son téléphone ou en ligne. »
Pour les expatriés, cette avancée représente un changement très concret. L’application permet déjà d’associer sa nouvelle carte nationale d’identité à un profil numérique sécurisé, mais surtout, elle offre une solution fiable pour prouver son identité à distance – un besoin récurrent pour les Français établis hors de France.
« L’application donne aux usagers un moyen sûr d’attester de leur identité. Cela évite de se déplacer avec des documents sensibles, et cela fiabilise les procédures », explique la consule.
Au Cambodge, comme dans de nombreux pays où certains services administratifs exigent une copie de passeport ou d’identité, disposer d’un justificatif certifié numériquement est un atout majeur. Les expatriés peuvent ainsi répondre plus vite aux demandes administratives, aux démarches bancaires ou aux formalités liées au logement, sans devoir scanner ou photographier des documents sensibles.
À terme, l’outil permettra également de réaliser certaines démarches à distance, notamment les procurations de vote. Pour les Français établis à l’étranger, cette évolution représente un gain de temps considérable et une réduction de la dépendance aux documents physiques.
La dématérialisation des paiements constitue une autre avancée majeure, qui change déjà le quotidien des usagers comme celui du consulat.
« Les usagers peuvent acheter leurs timbres fiscaux en ligne et, depuis le mois dernier, payer au consulat par QR code via le système bancaire local. »
Cette évolution répond à plusieurs besoins identifiés sur le terrain. Elle facilite les démarches pour les personnes qui ne disposent pas de carte bancaire française.
Cette double possibilité — timbre fiscal dématérialisé ou paiement local par QR code — permet d’aplanir les obstacles administratifs et de fluidifier l’accueil. « Cela nous aide vraiment à absorber l’afflux d’usagers », confirme la consule. « Les démarches sont plus propres, plus traçables, et les rendez-vous se passent mieux pour tout le monde. »
S’inscrire au registre : un geste simple, une importance capitale
Un fil conducteur revient tout au long de notre entretien : la nécessité pour les Français de s’inscrire au registre.
« Cela nous permet de savoir combien de Français vivent réellement au Cambodge et de les contacter en cas de crise. »
Elle insiste sur l’importance d’inscrire aussi les conjoints étrangers :
« En cas d’urgence, nous protégeons la famille dans son ensemble. »
Pour la consule, cette inscription est souvent méconnue mais essentielle : un conjoint étranger (cambodgien ou non) non inscrit reste invisible pour l’administration française en cas de crise, d’évacuation ou même de simple vérification sécuritaire. L’inscription permet au poste de considérer officiellement la cellule familiale, de la localiser rapidement et de l’intégrer dans les plans de sécurité, au même titre que les ressortissants français.
« C’est une protection concrète. Par exemple, si un enfant français accompagné du seul parent étranger perd son passeport en voyage en Australie, le consulat général de France à Sydney peut vérifier immédiatement que le parent étranger est bien le parent légitime, sans demander de documents supplémentaires. »
Au-delà de la sécurité, cette inscription facilite aussi la vie administrative quotidienne : cohérence des dossiers familiaux, attestations délivrées plus rapidement, simplification des démarches scolaires ou de voyage.
Pour les usagers français eux-mêmes, les bénéfices sont immédiats : justificatifs imprimables à tout moment depuis leur espace personnel en ligne, tarifs réduits ou gratuits sur certaines formalités, possibilité de paramétrer son espace Service Public afin de recevoir des rappels automatiques avant l’expiration des titres d’identité ou de voyage.
Aller vers les Français : une priorité affirmée
La consule en vient alors à ce qu’elle considère comme un enjeu essentiel : la présence du consulat sur le terrain.
« Nous prévoyons des missions à Battambang, Siem Reap et dans le sud. À terme, nous aimerions pouvoir prendre les empreintes biométriques sur place. »
L’objectif est clair : limiter les déplacements coûteux vers Phnom Penh et renforcer la proximité du service public.
Elle résume sa philosophie professionnelle : « Un bon consul doit être proche de la communauté française, connaître la réglementation, être ferme quand il le faut, bienveillant mais sans naïveté, et surtout très disponible. »
Le Petit Journal se pose en porte-parole de la communauté française pour vous souhaiter, Madame, la bienvenue dans ce pays que nous aimons tous.
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