Édition internationale

Marie Buscail : « Être diplomate, c’est comprendre l’autre et s’adapter sans cesse »

Première conseillère à l’ambassade de France au Cambodge depuis 2025, Marie Buscail évoque son parcours, son rôle au cœur de la machine diplomatique et sa vision d’un métier fait à la fois de rigueur, d’écoute et d’adaptation.

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Écrit par Raphaël FERRY
Publié le 26 octobre 2025, mis à jour le 27 octobre 2025

Diplomate de carrière, Marie Buscail n’aime guère les projecteurs. « Je suis très discrète, je n’ai aucune activité sur les réseaux sociaux. Mes points d’intérêt sont ailleurs », confie-t-elle avec simplicité.
Son parcours est pourtant riche et atypique : diplômée de Sciences Po Paris et de l’ESSEC, où elle a choisi la majeure de gestion publique, elle complète son cursus par une maîtrise d’histoire médiévale. « L’histoire m’apportait une profondeur intellectuelle qui me manquait un peu en école de commerce », explique-t-elle.
Originaire de Marseille, où elle a grandi jusqu’au baccalauréat, elle s’oriente très tôt vers l’international. « J’avais postulé pour un stage en Amérique latine, mais c’est finalement au Liban que j’ai trouvé une place. Je suis tombée dans la marmite du Proche-Orient », raconte-t-elle en souriant.
Cette expérience, au sein d’une petite association éducative à Beyrouth, déclenche une passion durable pour la région et pour la langue arabe. « Ce n’était pas prémédité, mais cela a façonné la suite de ma carrière. »

Une carrière façonnée par la diversité

De retour en France, elle intègre le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et enchaîne des postes variés : direction d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, désarmement, coopération culturelle ou encore représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne à Bruxelles.
« Bruxelles, c’est l’étranger très proche, mais un formidable laboratoire diplomatique. On y apprend à chercher le compromis à 27, à avancer ensemble, crise après crise », se souvient-elle.
Elle y assiste notamment à la période du Brexit. « On parle souvent de ce que l’Europe impose, mais trop peu de sa puissance d’action à l’international. L’Union européenne, c’est aussi une école de la négociation et du collectif. »
Cette expérience multilatérale complète ses années passées au Liban et au Yémen, où elle renforce sa connaissance du monde arabe. Avant Phnom Penh, elle occupait le poste de sous-directrice de la diplomatie culturelle et des médias au Quai d’Orsay.

« Numéro deux », une fonction d’équilibre et de coordination

Depuis son arrivée à Phnom Penh, Marie Buscail occupe la fonction de première conseillère auprès de l’ambassadeur Olivier Richard. « Dans notre langage administratif, on parle de numéro deux, mais le terme anglais deputy head of mission traduit mieux la réalité : un adjoint au chef de mission », explique-t-elle.
Elle forme avec l’ambassadeur un binôme étroit, impliqué au quotidien dans la prise de décision et la coordination interne.
Elle précise : « L’ambassadeur est la figure publique, celui qui incarne la voix de la France. Mais il a besoin d’un relais pour assurer la cohérence interne, appuyer la prise de décision et représenter l’ambassade quand il ne peut être partout à la fois. »
Elle le remplace lors d'entretiens ou d’événements officiels auxquels il ne peut assister, notamment en cas de déplacement. « Ce matin par exemple, j’ai représenté l’ambassadeur à la cérémonie de départ des étudiants cambodgiens en spécialisation médicale en France. C’est aussi cela, être le prolongement de son action. »
Mais la fonction dépasse la représentation. « Le premier conseiller, c’est aussi celui qui veille au bon fonctionnement de l’ambassade : la gestion budgétaire, les questions techniques, les sujets de ressources humaines, tout ce qui touche au quotidien de la vie d’une équipe. »
Elle sourit en ajoutant : « On passe d’une réunion sur un accord international à un problème d’électricité sur le site ou à un dossier de recrutement. C’est très concret, et c’est ce qui rend le poste vivant. »

Sécurité et vigilance : un engagement collectif

La première conseillère porte aussi la casquette d’officier de sécurité. « C’est une responsabilité qui demande rigueur et disponibilité. Il faut veiller à la sûreté des lieux, des agents et de nos compatriotes. ».  Elle est en charge de la sécurité des 4,5 hectares du parc diplomatique de Phnom Penh. Pour cela, elle s’appuie sur le détachement de la police nationale française et sur les services spécialisés du ministère à Paris.

Mais elle veille aussi, avec la consule de France, à la sécurité des Français vivant au Cambodge. Elle insiste sur un message clair : « J’invite tous les Français installés au Cambodge à s’inscrire au registre des Français de l’étranger. En cas d’urgence — inondation, incident, évacuation — ces données nous permettent de savoir où vous êtes et de prévoir. » L'inscription sera bientôt encore plus facile d'accès, précise-t-elle, grâce à un lien par QR code, à l’initiative de la nouvelle consule Anne Duthuron.

« La situation est calme, mais prévoir fait partie de notre devoir. C’est une responsabilité partagée entre l’ambassade et la communauté française. »

Le choix du Cambodge : un équilibre humain et professionnel

Après de longues années au Moyen-Orient, Marie Buscail confie avoir ressenti le besoin de « prendre du champ ». « C’est une région à la fois passionnante et épuisante. J’avais envie de découvrir un autre espace, une autre énergie. »
L’Asie du Sud-Est, qu’elle avait déjà approchée lors de missions au ministère, s’impose comme une évidence. « J’ai été frappée par la créativité des jeunes, par leur curiosité, par leur manière de se réinventer. C’est une vitalité communicative. »
Mais son choix est aussi celui d’un équilibre de vie. « Être diplomate, c’est partir souvent loin des siens. Il faut que la famille qui vous accompagne puisse s’épanouir. Le Cambodge répondait à ce besoin. »
Elle évoque avec justesse la réalité du métier : « On change de pays tous les trois ou quatre ans. À chaque fois, il faut reconstruire un équilibre familial, retrouver un ancrage, sans perdre la passion du service public. »

Une nouvelle dynamique pour l’ambassade

L’année 2025 marque un renouvellement importantde l’équipe diplomatique française à Phnom Penh : l’ambassadeur, la consule et la première conseillère prennent leurs fonctions presque simultanément.
« C’est un défi, mais aussi une chance. Nous écrivons une nouvelle page ensemble, dans une dynamique commune et très fluide », souligne-t-elle.
Elle dit avoir été frappée par « l’accueil exceptionnellement chaleureux des Cambodgiens » et par la solidarité de la communauté française. « On se sent vite intégrés ici. Les gens ouvrent leurs portes, partagent leur expérience, et cela facilite beaucoup l’adaptation. »
Les priorités sont déjà tracées : la préparation du Sommet de la Francophonie que le Cambodge accueillera à Siem Reap en 2026 et la visite du président de la République française prévue la même année.
« Ces deux événements sont des jalons majeurs. Ils donnent un cap et une énergie collective à toute l’ambassade. »

Une diplomate du lien et de la mesure

À l’heure de conclure, Marie Buscail revient à ce qui fait, selon elle, le cœur du métier : « Être diplomate, c’est d’abord comprendre l’autre. C’est une école de patience, de lucidité et d’humilité. »
Et d’ajouter : « Nous sommes au service de la France, mais aussi des liens qu’elle tisse avec le monde. C’est une mission exigeante, mais profondément humaine. »

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