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François Coste - Quelles perspectives économiques pour la Roumanie?

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Écrit par Grégory Rateau
Publié le 25 mai 2020

Nous nous intéressons tous à "l'après". Que va donc devenir notre économie et nos emplois après cette crise sanitaire mondiale? Le Français François Coste, pilier de la communauté franco-roumaine, président de la CCIFER et CEO de la filiale Groupama en Roumanie, nous éclaire sur les solutions économiques et les perspectives possibles pour la Roumanie.

 

 

Grégory Rateau : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

François Coste : Après avoir travaillé successivement chez Michelin et AXA, en France et dans de nombreux autres pays, je suis arrivé début 2012 en Roumanie pour y conduire la filiale roumaine de Groupama. Depuis 6 ans je me suis engagé au service de notre communauté économique franco-roumaine, d’abord comme Administrateur de la CCIFER puis comme Président il y 4 ans.

 

La CCIFER a réalisé des études sur l'impact économique de la crise du coronavirus en Roumanie. Quelles sont vos estimations ?

La CCIFER, membre de Coalitia pentru Dezvoltarea Romaniei, a participé à une étude macro-économique menée par cette plateforme de dialogue public sur l’impact de la crise sanitaire, la détermination des ressources que l’Etat peut mobiliser pour accompagner les entreprises, ainsi que la recommandation de mesures. Nos conclusions et recommandations viennent d’être présentées au Président Iohannis et devraient l’être cette semaine au Gouvernement.
Bien que la Roumanie ait enregistré au T1 2020 la meilleure croissance du PIB de l’UE (+2,7%), le PIB va régresser fortement au 2eme trimestre avec l’impact du confinement, pour reprendre peut-être sa croissance au dernier trimestre, soit une baisse de 4-5% sur l’année.
Cette récession temporaire va creuser le déficit des comptes publics jusqu'à 8% du PIB, dans un contexte certes favorable où l’endettement public de la Roumanie reste relativement faible, étant à 40% du PIB. Le Leu devrait se déprécier par rapport à l’Euro pour atteindre un cours de change de 4,9 en fin d’année, une érosion modeste et bien contrôlée par la BNR.

 

A votre avis combien de temps faudra-t-il à la Roumanie pour se relever économiquement après cette crise sanitaire ?

En 2022 la Roumanie devrait retrouver et dépasser son PIB de 2019. Cependant ceci dépend de sa capacité à mettre en place des grands projets d’investissements publics, d’attirer et d’orienter des financements externes (la Roumanie a besoin de 10 milliards d'euros) notamment les fonds européens vers les secteurs économiques qui sauront les fructifier le mieux, de mettre en place des mesures de garanties du crédit bancaire et du crédit commercial inter-entreprises. Ceci dépend également de la capacité de la Roumanie à rester attractive pour de nouveaux investissements – en termes de niveau et disponibilité de compétences, de facilités pour les nouveaux investisseurs, d’infrastructures physiques et digitales disponibles, de compétitivité du niveau de coûts opérationnels, etc.

 

Quels seraient les secteurs clés dans lesquels il faudrait investir dans l’avenir ?

La crise sanitaire nous démontre que des supply chains courtes sont préférables, et j’anticipe que de nombreuses entreprises européennes vont envisager de rapatrier en Europe des sourcings actuellement localisés en Asie. La Roumanie, comme d’autres pays de l’Est, a une carte à jouer pour recevoir ces activités dans les domaines manufacturiers ou de services. Pour recevoir ces activités, il faut donc que la Roumanie prouve et renforce sa compétitivité.
Les infrastructures doivent être mises à niveau en Roumanie, pour sa compétitivité durable, dans les domaines du transport, de la santé et de l’éducation. Je pense donc que ce sont des secteurs qui vont bénéficier d’une allocation de ressources importante, en provenance du budget de l’Etat et de l’UE.
Les activités de protection de l’environnement devraient aussi être privilégiées dans les années à venir.
Un autre secteur qui s’est montré essentiel pendant la crise est celui des services numériques ; la digitalisation continuera à s’accélérer pour permettre aux collaborateurs de travailler à distance, aux entreprises d’optimiser leur processus, aux clients d’accéder à l'e-commerce.

 

La France est le troisième plus important investisseur en Roumanie. Est-ce que la Roumanie reste un pays attractif pour les investissements français après cette crise ?

La France est effectivement la troisième source ultime de capital étranger en Roumanie et aujourd’hui on y compte plus de  2800 entreprises à capital majoritaire français.
Les entreprises françaises ont investi en Roumanie parce qu’elles y ont trouvé un relai de croissance accélérée sur un marché domestique non-saturé au sein de l’UE et aussi un relai de compétitivité globale lorsqu’elles produisent en Roumanie une partie de leur valeur ajoutée dans le domaine manufacturier ou dans celui des services. La proximité culturelle entre nos deux pays est un aussi un facteur de confort pour les investisseurs français. Ces facteurs d’attraction pour les investisseurs français perdurent, mais notre communauté économique à capitaux étrangers ou autochtones a insisté depuis 4 ans auprès des autorités sur 5 freins à lever : la mise à niveau des infrastructures que je viens d’évoquer, l’impératif d’une meilleure prédictibilité et stabilité règlementaires, la débureaucratisation de la relation des entreprises avec les corps de l’Etat, la réduction du déficit de main d’œuvre, et enfin l’ancrage européen à affirmer, l’UE étant pour la Roumanie comme pour les autres pays membres, une source unique non seulement de financement mais aussi de stabilité.

 

Comment croyez-vous que cette crise va changer le monde du travail ?

Le marché du travail depuis 3 ans est marqué par un déficit de main d’œuvre chronique, en moyenne 15% des postes étant vacants comme l’a montré une étude réalisée fin 2018 pour Coalitia pentru Dezvoltarea Romaniei. La crise sanitaire que nous connaissons fragilise un certain nombre d’entreprises et nous constatons une montée du chômage, auquel contribue aussi le retour d’une partie de la diaspora. Pour préserver l’emploi, les entreprises dont l’activité baisse pendant le confinement, peuvent recourir à des solutions de flexibilisation du travail : chômage partiel, temps partiel, compte-temps. Le coût de ces solutions est partiellement assumé par l’Etat avec l’aide de Fonds européens. La CCIFER conduit la Task Force de Coalitia sur les sujets du travail pour obtenir des autorités une législation favorable. Le confinement a aussi forcé les entreprises à utiliser massivement le travail depuis la maison pour leurs activités tertiaires. La qualité du réseau télécom en Roumanie a largement facilité cet exercice. Je considère que le télétravail va perdurer en rotation avec la présence au bureau, parce que ce modèle est bénéfique à la santé et l’équilibre de vie des employés, à l’environnement, et à la productivité des entreprises.

 

La croissance en Roumanie était plus basée sur la consommation, pensez-vous qu'il faudrait un plan de relance par la consommation plutôt qu'un plan de sauvetage des entreprises?

Je pense que la relance doit passer avant tout par la préservation de l’emploi quand c’est possible, par les solutions de flexibilisation dont je viens de parler. Il revient aussi à l’Etat de revoir la qualité des dépenses publiques, avec moins de dépenses courantes et plus d’investissement pour mettre à niveau les infrastructures de transport, la santé et l'éducation ; les investissements publics en Roumanie sont structurellement trop faibles, à 2,4% du PIB et devraient tripler pour adresser les besoins d’infrastructures. Dans ces conditions, l’investissement public serait un relai puissant de croissance du PIB.

 

Quelles ressources la CCIFER offre-t-elle à la communauté des entrepreneurs en cette période difficile ?

L’équipe élargie de la CCIFER, équipe permanente et conseil d’administration, s’est mobilisée pour être au plus près de nos 550 entreprises membres. Dans les premiers jours du lockdown, nous avons mis en place des rendez-vous et des évènements en ligne pour continuer de fournir à nos membres des informations de qualité et leur permettre d’échanger en se rencontrant. Chaque semaine, des entreprises franco-roumaines de tout le pays se sont connectées soit pour des groupes de travail, soit pour des formations en ligne, soit pour des tables rondes avec les autorités et des experts. Plus de 40 événements ont eu lieu dans les dernières semaines, avec 1.800 personnes qui en ont bénéficié.

Nous permettons aussi aux entreprises d’accéder à des informations vérifiées, provenant de sources officielles, c’est ainsi que nous avons mis en place les #flashinfos, des bulletins d’informations, généralement issus des rencontres avec les autorités.
Ces rendez-vous avec les autorités ont été menés au niveau de nos groupes de travail, des Task Forces ou du comité de pilotage CDR afin de pouvoir contribuer de façon constructive à l’adaptation du cadre législatif : solutions de flexibilisation du droit du travail, mesures de relance économique, facilités fiscales à mettre en place, etc

Et parce que les ressources de l’Etat sont en ce moment extrêmement limitées, nous avons initié à la CCIFER un concours d’idées de relance qui ne coûteraient rien au budget de l’Etat. Plus de 30 idées simples, relativement faciles à mettre en œuvre, ont été soumises par les entreprises et nous sommes en train d’en faire la synthèse et de préparer leur restitution avec les autorités. Cinq de ces idées ont fait l’objet le 14 mai d’un débat lors d’un Matinal digital de la CCIFER avec le Secrétaire d’Etat Liviu Rogojinaru en charge des entreprises.

 

Quels sont les prochains rendez-vous importants de la CCIFER ?

Le grand rendez-vous hebdomadaire est le Matinal digital, chaque jeudi de 8h30 à 9h30, dans un format de dialogue entre des experts des entreprises et des invités des autorités publiques pour se mettre à jour sur l’actualité. Parmi nos derniers invités, le Secrétaire d’Etat Raed Arafat sur les mesures à prendre pour le retour sur le lieu du travail ou le Secrétaire d’Etat Liviu Rogojinaru sur l’accès aux mesures de soutien pour les entreprises. Prochainement, plusieurs thématiques en vue : le Green Deal et son impact pour nos entreprises, les actualités fiscales dans le contexte du retour au bureau, la rétention des compétences en Roumanie, le plan de relance européen, etc. Notre agenda complet est accessible à cette adresse ici

Nous avons bien sûr d’autres formats en préparation comme par exemple des Business accélérateurs en ligne, des rencontres d’experts, des rencontres régionales et pourquoi pas un prochain évènement de networking digital...

 

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