Nous allons à la rencontre de Malina et de Christophe. Elle est roumaine, professeure de langues, dont le français, et lui est un chef d'entreprise français. Ensemble depuis plus de vingt ans, ils vivent aujourd'hui en Roumanie.
Je fais partie de ces Français qui aiment la Roumanie et les Roumains au-delà des clichés et des difficultés administratives. Le plus important pour moi c’est que ce pays, son peuple m’ont apportés d’énormes satisfactions professionnelles et personnelles
Parlez-nous de votre première rencontre. Vous êtes ensemble depuis 21 ans!
Christophe : Nous nous sommes rencontrés dans le cadre professionnel, j’avais besoin de cours d’anglais. Vous allez me demander pourquoi des cours d’anglais avec Malina, alors que Malina est professeur de français ? J’avais eu différents professeurs qui ne m’avaient pas satisfait, parce qu’il ne parlaient pas le français et dont les méthodes étaient trop scolaires. À cette époque j’étais le directeur général de la plus importante société d’emballage métallique de Roumanie. Mon assistante a trouvé Malina qui a dit qu’elle accepterait à condition d’avoir un entretien pour réaliser une évaluation et déterminer ma motivation et mes objectifs. J’ai trouvé cette approche très professionnelle. Suite à cette évaluation, Malina a accepté d’être mon professeur. Nous avons débuté notre collaboration et j’ai eu envie d’inviter Malina à dîner. Non sans effort car elle refusait d’avoir des relations autres que professionnelles avec ses élèves. Chose que j’ai beaucoup apprécié, mais je suis plutôt têtu et une petite voix me disait d’insister. Il faut dire que j’avais vraiment envie de mieux connaître Malina, grâce à son caractère, assez décalé par rapport à ce que j’avais rencontré auparavant en Roumanie. De par mon expérience professionnelle, je suis rodé aux négociations avec les clients et les fournisseurs, mais je dois reconnaître que cette négociation a été certainement l’une des plus difficiles de ma carrière. J’ai dû utiliser toutes mes compétences et faire preuve d’imagination pour que Malina accepte de dîner avec moi. Après de nombreux repas et discussions qui s’étendaient tard dans la nuit, sur des sujets divers et variés, nous avons appris à mieux nous connaître et voilà aujourd’hui nous en sommes à 21 ans de vie commune.
Malina : C’est vrai que, même si Christophe ne m’était pas indifférent, j’ai dit non à son invitation à dîner car pour moi une attitude éthique et conforme à la déontologie de prof supposait des relations strictement professionnelles, surtout qu’il était en formation individuelle, ce qui suppose une approche très complexe et à la fois délicate de la part du formateur. J’ai fini par accepter, mais j’ai mis fin à notre relation professionnelle tout de suite après, la relation personnelle qui se développait était beaucoup plus intéressante.
Qu’est-ce qui vous a plu chez l’autre?
C : Son professionnalisme, son ouverture d’esprit, son intelligence, sa droiture, sa vivacité, sa joie de vivre, son caractère bien trempé et sa beauté. Je ne suis pas sûr de l’ordre.
M : Son calme, son ouverture d’esprit, sa solidité devant les aléas de la vie, son humour décalé et ses yeux. Après avoir appris à mieux le connaître, j’ai également commencé à aimer sa générosité, son imagination et son profond humanisme.
Pensez-vous que la francophonie est en perte de vitesse aujourd'hui auprès de la jeunesse roumaine?
C : En arrivant en Roumanie en 1993, je n’ai eu aucun problème pour trouver des interprètes roumain – français. Il est vrai que le développement de la Roumanie a conduit les Roumains à délaisser le français pour l’anglais. Mais on observe aujourd’hui un retour vers le français, parce que les sociétés françaises offrent des opportunités de carrière importantes.
M : Il est difficile de lutter contre le rouleau compresseur de l’anglais et de l’invasion culturelle qui l’accompagne. Il faut néanmoins se dire que le français représente aujourd’hui un avantage de plus pour ceux qui le maîtrisent, l’anglais étant demandé presque par défaut. Donc, pour ceux qui souhaitent se démarquer, le français est une option solide. Je me souviens que pour la Journée internationale de la Francophonie en 2012 on avait lancé le slogan « Le français est une chance ». J’ai beaucoup aimé et j’estime qu’aujourd’hui il est plus vrai que jamais.
En revanche, ce que je constate est que malheureusement la promotion du français et de la francophonie manque trop souvent de réalisme et de pragmatisme.
Christophe, aviez-vous des a priori avant de découvrir la Roumanie ?
Non, je suis arrivé en 1993, on ne parlait pas de la Roumanie en France. J’avais 27 ans, il s’agissait d’une nouvelle expérience professionnelle, d’une aventure et je ne me suis posé aucune question. De plus, je suis un homme ouvert, qui ne juge pas et curieux de nature.
Comment vos deux familles respectives ont-elles vécu votre union ?
C : Normalement, comme une union entre deux personnes qui s’aiment. Le plus important pour nos deux familles c’est que nous soyons heureux. Ma mère a adopté Malina tout de suite, dès la première rencontre. Je dois dire que j’ai été un peu surpris car ma mère est assez critique, voir dure, mais là, rien, elles ont même développé très vite une très belle complicité. J’ai également été adopté tout de suite par la famille de Malina, ses parents sont adorables et me considèrent, je pense, comme leur fils.
Je dois dire que je suis tombé amoureux de Malina mais aussi de ses parents.
Un cliché lié à vos deux cultures respectives que vous avez su dépasser chez l'autre?
C : Je ne me suis jamais intéressé aux clichés, qui sont pour moi stériles et d’aucune utilité. De plus, mon métier est d’accompagner les sociétés françaises et les expatriés dans leur réussite en Roumanie. Je coach des français à la culture roumaine et au management des équipes roumaines. La première chose que j’enseigne est d’éviter de faire des comparaisons entre les cultures française et roumaine et qu’il n’y a pas une culture meilleure qu’une autre. L’important est de connaître le mieux possible la culture roumaine et de s’intégrer pour vivre en Roumanie et avec les Roumains. S’intégrer, ne veut pas dire devenir Roumain.
Je suis Français avec ma culture et mes valeurs, seulement je m’adapte. Apprendre à connaître la culture de l’autre favorise le respect, la tolérance et est un moteur important de développement réciproque.
Je fais partie de ces Français qui aiment la Roumanie et les Roumains au-delà des clichés et des difficultés administratives. Le plus important pour moi c’est que ce pays, son peuple m’ont apporté d’énormes satisfactions professionnelles et personnelles. Je suis très heureux et je remercie un ami, Jean Naturel, de m’avoir offert l’opportunité de venir en Roumanie.
M : Je suis tout à fait d’accord avec Christophe, il faut passer au-delà des clichés culturels, la grande et la petite histoires nous montrent à quel point ils sont réducteurs et dangereux. Nous avons connu des Français, des Roumains et des gens d’autres nationalités qui ont vécu des expériences à l’étranger et sont rentrés dans leur pays sans avoir compris grand-chose de la culture respective, sans avoir non plus cherché à la comprendre – ils étaient restés enfermés dans des petites communautés d’expats, ce qui, dans de nombreux cas, avait renforcé leur croyance dans les clichés culturels. Je trouve cela très décevant et triste.