L’Institut Elie Wiesel d’études sur l’Holocauste en Roumanie a réagi vivement, par la voix de son directeur, Alexandru Florian, à la position de Călin Georgescu en première place aux élections présidentielles. Selon lui, l’extrême droite en Roumanie ne représente pas une vulnérabilité, mais est devenue une réalité, et l’écart entre les déclarations publiques institutionnelles anti-extrémistes et la réalité des politiques publiques s’est creusé.
Alexandru Florian passe également en revue les principales explications, de son point de vue, de la croissance de la propagande légionnaire et du phénomène antisémite en Roumanie : le manque de réaction des parquets, l’impunité des discours extrémistes au Parlement, la faiblesse des principaux partis politiques face au danger extrémiste, l’espace accordé aux sympathisants légionnaires ou aux antisémites dans les médias, les administrations locales qui portent les noms de criminels de guerre ou de légionnaires dans les rues, sur les places, dans les écoles ou dans d’autres bâtiments.
« L’extrême droite en Roumanie ne représente pas une vulnérabilité, mais est devenue une réalité ! Elle représente plus de 35% des choix de l’électorat. L’extrême droite signifie la négation de l’Holocauste, l’antisémitisme, le racisme, la négation des droits et des libertés de toute minorité, la souveraineté, une orientation extérieure pro-russe, anti-européenne et anti-OTAN. Pointer du doigt TikTok ou d’autres réseaux de communication signifie ne voir que le mal de l’extérieur. Il est temps de devenir rationnel, d’abandonner les explications faciles et les intérêts de groupe. L’intérêt national nous oblige à attirer l’attention sur plusieurs facteurs internes qui ont contribué à ce « dimanche noir ou vert ». Il existe un fossé entre le discours pluraliste, anti-extrémiste, voire philosémite du gouvernement roumain et de l’élite politique et la réalité des politiques publiques pratiquées aux niveaux central et local », indique un article sur le site de l’institut.
La faiblesse des partis traditionnels dans la lutte contre le discours d’extrême droite au Parlement est l’une des causes de ce résultat, identifiée par l’institut.
« Un discours agressif, avec un œil sur le passé totalitaire et sans perspective d’avenir ».
Le soutien inattendu de l’ambassade d’Israël au parti AUR est un autre problème identifié par l’institut (en référence à une réunion exploratoire tenue par l’ancien ambassadeur d’Israël à Bucarest avec le leader de l’AUR George Simion, en août 2023 – ndlr).
Les autres cas identifiés par l’Institut Elie Wiesel sont :
Le manque d’implication des institutions étatiques compétentes, du Parquet, de la Justice, de la Police dans l’application de l’OGE n° 32/2002. Un rapport de l’Inspection judiciaire a mis en évidence cette faillite de la pratique juridique dès 2021 ! La grande majorité des dossiers instruits ont été classés et languissaient dans les tiroirs. L’un des arguments en faveur du classement est que « les paroles n’ont pas été suivies d’actes ». Aujourd’hui, les messages ont porté leurs fruits !
Pour la première fois depuis la révolution de décembre 1989, le BOR a « décidé » de la canonisation de prélats qui ont été impliqués dans le Mouvement Légionnaire ! Les voix politiques ou civiques de la démocratie se taisent. La Fédération des communautés juives de Roumanie est muette. Malgré les réactions extérieures, la BOR est restée inébranlable dans son projet.
L’administration locale se plaît à promouvoir la mémoire des personnes condamnées pour crimes de guerre et/ou antisémites. Depuis des années, les maires de Bucarest ou de Cluj conservent des rues portant le nom de criminels de guerre, et les institutions locales organisent dans leurs propres espaces des événements qui font la promotion des antisémites et des négationnistes de l’Holocauste.
L’administration présidentielle décerne des honneurs en décorant une personne de messages antisémites et pro-Antonescu répétés.
Le Musée national d’histoire juive et de l’Holocauste de Roumanie, un projet lancé en 2016, est un rêve de plus en plus lointain. La mairie de Bucarest a la triste réputation de retarder ce projet. De 2019 à aujourd’hui, des tentatives ont été faites pour ralentir le projet. Les prétextes invoqués pour reporter ou rejeter le projet architectural sont divers : l’emplacement est trop central, le bâtiment est trop important et évolue trop, etc.
Tout cela s’est produit récemment. On peut en trouver beaucoup dans le rapport annuel de suivi sur le négationnisme et l’antisémitisme de l’institut. « Nous pensons qu’un moment arrive où de nombreuses pratiques et mentalités doivent être réinitialisées », indique l’Institut dans un communiqué.
source : Romania Journal.ro