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Covid-19, confinement, déconfinement, le point en Inde

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La promenade de Marine Drive à Mumbai le 7 juin @sakhthindustan
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 7 juin 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

L'épidémie de Covid-19 n’a pas épargné l’Inde dont le gouvernement a réagi rapidement en fermant les frontières externes puis en confinant strictement toute la population pour trois semaines à partir du 25 mars 2020. Ce confinement a été étendu à plusieurs reprises jusqu’au 1er juin. Depuis, l’Inde a entamé un déconfinement progressif avec la levée de presque toutes les restrictions au 8 juin 2020 sauf dans certains Etats. L’ouverture des frontières externes n’est cependant pas prévue avant le mois de juillet et dépendra de la situation sanitaire à la fin juin. 

Où en est la propagation de l'épidémie en Inde ? Quels sont les impacts du confinement sur la population et sur l'économie du pays ? 


La Covid-19 en Inde : chiffres officiels, propagation et répartition géographique

Au 25 mars lorsque la population indienne a été sommée de rester chez elle et de cesser toute activité non essentielle ou ne pouvant être effectuée depuis le domicile, l’Inde comptait environ 600 cas répartis principalement dans les mégalopoles.

Au 7 juin 2020 lorsque la plupart des activités sont de nouveau autorisées, l’Inde atteint les 250 000 cas dont presque 7 000 décès.

 

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Chiffres du 7 juin matin  - @The Wire

 

La plupart des pays européens ont entamé un déconfinement lorsque le nombre de nouveaux cas par jour avait beaucoup diminué. Mais, l’Inde relâche les restrictions alors que le nombre de nouveaux cas augmente tous les jours : on a enregistré 9 971 nouveaux cas le 6 juin. C’est maintenant le cinquième pays le plus touché derrière les Etats-Unis, le Brésil, la Russie et le Royaume Uni.

Cependant, le taux de mortalité (selon les données officielles) reste faible comparativement à celui enregistré en Europe (2,8% en Inde, plus de 18% en France). Même si tout porte à penser que de nombreux décès ayant lieu en dehors des structures hospitalières ne sont pas comptés, la plupart des scientifiques avancent la jeunesse de la population indienne comme une des raisons du faible nombre de morts dus à la Covid-19.

L'épidémie s’est surtout propagée dans les mégalopoles à forte densité de population : Mumbai, Delhi, Chennai... Mumbai est de loin la ville la plus touchée (47 354 cas au 7 juin - source covid19India) et l’État du Maharashtra dans lequel elle est située compte environ le tiers des cas du pays : 82 968 cas (au 7 juin - source The Wire). Le deuxième État en nombre de cas positifs est le Tamil Nadu avec 30 152 cas (au 7 juin - source The Wire) dont une majorité dans sa capitale Chennai (20 955 cas au 7 juin - source covid19India).

Mais, depuis le retour des travailleurs journaliers dans leurs villages suite à la perte de leur travail dans les grandes villes dans lesquelles ils avaient émigré, les zones rurales enregistrent une progression importante du nombre de personnes testées positives : le Bihar et l’Uttar-Pradesh, deux États du nord desquels de nombreux travailleurs migrants sont issus ont connu une progression du nombre de cas depuis que ces derniers ont commencé à rentrer chez eux (4% lors de la première semaine de juin).

 

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Propagation de la Covid-19 dans l’Uttar-Pradesh - source covid19India

 

D’un long confinement strict à un déconfinement rapide

Le 24 mars à 20h, le Premier Ministre, Narendra Modi, demandait à 1,3 milliards d’Indiens de rester chez eux dès minuit et de ne sortir qu’en cas de première nécessité : “La vie humaine est au dessus de tout”, clamait-il à la télévision (Coronavirus : Confinement total pour 1,3 milliards d'Indiens). Les médias internationaux ont tous considéré cette mesure comme la plus stricte au niveau mondial. L’Inde s’est retirée chez elle et un calme irréel s’est abattu sur le pays.

Le 15 avril à 11h, Narendra Modi s’adressait à nouveau à la population et annonçait l’extension du confinement jusqu’au 3 mai avec un relâchement possible dans les zones non à risques à partir du 20 avril (Coronavirus : En Inde, le confinement strict est étendu jusqu'au 3 mai) : “La vie humaine est toujours prioritaire, mais l'activité économique est importante,” dit-il. Les frontières inter-états sont encore fermées et les problèmes de logistique des industries s’intensifient.

Le 1er mai, c’est par une ordonnance du ministère de l'Intérieur que les Indiens apprennent la nouvelle extension du confinement jusqu’au 17 mai ("Lockdown 3.0" : le confinement en Inde encore étendu). Cependant, des mesures de relance de l'activité économique sont prévues dans les zones non à risques.

 

Vidéo de l'Inde en confinement strict - des images irréelles

 

Le 12 mai , le Premier Ministre, dans une nouvelle allocution télévisée, annonce encore une extension du confinement, cette fois-ci jusqu’au 31 mai et lance le nouveau mantra pour le pays : être autonome. Il indique la mise en place d’un plan de relance économique qui devrait représenter 10% du PNB du pays (Coronavirus : Modi annonce un plan de relance et le confinement 4.0 et Lockdown 4.0 : les nouvelles mesures en Inde jusqu’au 31 mai). Le 25 mai, le trafic aérien domestique reprend en partie. Les trains circulent pour rapatrier les travailleurs journaliers émigrés dans d’autres Etats vers leurs villages natals. Les mouvements de population un temps complètement à l'arrêt ont repris.

Le 31 mai, une ordonnance du ministère des Affaires Étrangères stipule l’extension du confinement jusqu’au 30 juin tout en autorisant la plupart des activités à partir du 8 juin. Cependant, les frontières externes du pays restent toujours fermées et le trafic aérien international interrompu pour les passagers sauf vols spéciaux de rapatriement (5ème extension du confinement en Inde, mais nombreux assouplissements). Hormis le Maharashtra et le Rajasthan qui ont décidé de garder certaines restrictions en place, notamment en n’autorisant pas la réouverture des centres commerciaux (Mission Begin Again, déplacements autorisés dans la région de Mumbai), tous les autres Etats appliquent les directives du ministère et l’Inde se déconfine rapidement.

 

Les impacts du confinement 

Une crise humanitaire 

Dans les Etats les plus actifs économiquement, notamment le Maharashtra, le Gujarat, le Tamil Nadu, le Kerala, le Karnataka et la région de Delhi, un grand nombre de travailleurs issus d’autres Etats est employé dans les chantiers, les usines, les champs ou comme conducteurs de taxi ou de rickshaws, vendeurs dans les rues, livreurs... 

 

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@The Hindu

 

Suite à la cessation des activités non essentielles et à la mise à l'arrêt de tous les moyens de transport, des milliers de ces travailleurs journaliers se sont retrouvés sans emplois, sans revenus, souvent sans logement car ils ont été mis à la porte par le propriétaire et sans aide des Etats malgré les promesses étant nombreux à ne pas avoir les documents d'identité nécessaires. Pris au dépourvu, ils ont tenté de rentrer chez eux à pied, à bicyclette, en bateau… Certains ne sont jamais arrivés. Et, ceux qui ont finalement atteint leur destination, n’ont pas toujours été bien accueillis et souvent mis en quarantaine dans des conditions peu humaines : aspergés de désinfectant, contraints de s'établir dans des arbres ou des grottes... Depuis, le gouvernement national a mis en place des trains spéciaux baptisés Shramik et a demandé aux Etats concernés d’enregistrer toutes les personnes souhaitant retourner dans leur village. Les listes sont longues. A titre d’exemple :

  • Durant le mois de mai, 240 000 travailleurs journaliers ont fui Bangalore dans le Karnataka, une ville dont les restaurants, les pubs, les sociétés informatiques et les complexes résidentiels dépendent d’une main d’oeuvre originaire d’Uttar Pradesh, du Bihar, du Bengale Occidental et de l’Odisha. 
  • Plus de 1 150 000 personnes ont quitté le Maharashtra depuis le début du confinement selon la police de l’Etat.

 

Aujourd’hui, la relance de l'activité économique passe par le retour de ces travailleurs dans les Etats qui ont des emplois à pourvoir. Certaines sociétés ont contacté par téléphone ceux qui étaient rentrés chez eux pour leur demander de revenir, d’autres se sont regroupées pour affréter un avion ou un train pour rapatrier leurs ouvriers. Les entreprises agricoles qui dépendent aussi des travailleurs journaliers pour les récoltes et les plantations font de même et certaines proposent un salaire supérieur à celui du lockdown. La migration va reprendre en sens inverse...


La croissance économique en forte baisse

Plus de deux mois de réduction d’activité ont largement affecté l'économie indienne qui n'était déjà pas en pleine forme avant la crise sanitaire (L'économie indienne face à la crise sanitaire du COVID-19). La majorité des secteurs d'activités du pays a subi l’impact du confinement : l’agriculture a souffert du manque de travailleurs, de problèmes de transport et d'accès aux marchés (L’agriculture indienne et le confinement : un défi de taille), le secteur textile a subi une diminution drastique des commandes à la suite de la baisse de la demande nationale et internationale (L'industrie textile indienne mise en difficulté par le confinement), l’industrie pharmaceutique qui avait une croissance forte avant la crise sanitaire s’est aussi heurtée aux difficultés de transport et à une baisse de la demande domestique (L’industrie pharmaceutique indienne secouée par le confinement) enfin l’industrie automobile n’a pas enregistré de ventes pendant tout le mois d’avril et a dû réduire sa production drastiquement… 

Une analyse de la banque centrale indienne (Reserve Bank of India - RBI) prévoit une baisse de 1,5% de la croissance du PNB du pays pour l'année fiscale 2020-2021 (l'année fiscale indienne est du 1er avril au 31 mars de l'année suivante) principalement dû à la baisse de la demande domestique générée par le long confinement (source Livemint).

Face à l’ampleur de la crise économique qui se profile, le gouvernement Modi a dévoilé un plan de relance qui devait représenter 10% du PNB du pays avec notamment des aides pour les petites et moyennes entreprises et pour les vendeurs des rues. Mais, la plupart des économistes s’accordent à dire que ce plan n’est pas suffisant et que ce sont des moyens à très court terme, comme une injection de liquidités, dont l'économie a besoin plutôt que de dispositifs à moyen terme comme ceux du plan présenté par la ministre des Finances. Le prix Nobel d'économie 2019, Abhijit Bhanerjee, a récemment conseillé à l’Inde de distribuer de l’argent liquide aux 60% les plus pauvres : “…Cibler les aides envers les petites et moyennes entreprises n’est peut-être pas la bonne option. Il faut surtout relancer la demande. Il faut donner de l’argent aux citoyens pour qu’ils puissent consommer.”

Début juin, Rajiv Bajaj, patron de Bajaj Industries (le fabricant des auto-rickshaws notamment), a déclaré lors d’une discussion avec Rahul Gandhi, leader du Congress, le principal parti dans l’opposition : “Le confinement s’est trompé de courbe et a aplati la courbe du PNB du pays au lieu d’aplatir celle de la Covid-19”. Ce à quoi a rétorqué Devendra Fadnavis, leader du BJP dans le Maharashtra (le BJP est le parti au pouvoir en Inde mais est dans l’opposition dans le Maharashtra) : “Mr Bajaj est un spécialiste du secteur automobile pas de la gestion d’une pandémie.”

 

L’objectif du déconfinement rapide mis en place le 8 juin est effectivement de relancer l'économie et le contrôle de la propagation de la Covid-19 est aujourd’hui passé au second plan des priorités du gouvernement national, mais aussi des gouvernements locaux. La grande question est de savoir comment l'épidémie va évoluer dans les prochaines semaines.

Dr Michael Ryan, Directeur exécutif chargé du Programme OMS de gestion des situations d’urgence sanitaire a récemment mis en garde l’Inde en soulignant que l'épidémie de la Covid-19 n’y avait pas “explosé”, mais que le risque que cela arrive était encore présent au moment où le pays se préparait à sortir du confinement. Il a ajouté : “Les mesures prises ont certainement eu un effet sur le ralentissement de la propagation du virus, mais, comme d’autres grands pays, l’Inde s’ouvre à nouveau et sa population recommence à se déplacer, il y a donc encore un risque que l'épidémie reparte.” La Dre Soumya Swaminathan, Scientifique en chef de l’OMS, a par ailleurs indiqué qu’en même temps que la levée des restrictions imposées pendant le confinement, le pays devait s'assurer qu’un changement de comportement ait lieu parmi la majorité de la population et que ses citoyens comprennent la logique attachée aux instructions données comme le port du masque : “La communication et le changement de comportement font partie intégrante du contrôle de l'épidémie”. 

 

Tweet du ministre des Sports sur un exemple de distanciation sociale ?

 

 

 


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