Dorothée Sausset, aventurière et citoyenne du monde, créatrice de bijoux à New Delhi
De la Drôme à Cuba, de New York à l’Inde, Dorothée Sausset a tracé sa route au gré des rencontres et des passions. Aventurière dans l’âme, cette autodidacte curieuse a fini par poser ses valises à New Delhi, et a créé sa marque de bijoux éponyme.
Publié le 11 novembre 2025, mis à jour le 21 novembre 2025
C’est son amoureux indien, Arvind, qui a stoppé Dorothée dans sa course autour du monde et c’est à Delhi qu’elle a créé son entreprise et de "fil en aiguille", sa propre marque de bijoux Dorothée Sausset.
« J’ai gardé l’ADN du bijou indien ethnique, que j’aime beaucoup et je l’ai twisté avec d’autres design, d’autres influences ».
Nous, au Petit Journal, avons été séduits par ses bijoux élégants, à la fois sobres et précieux, fabriqués dans de beaux matériaux.
Dorothée réinterprète des bijoux indiens, porteurs d’une riche symbolique traditionnelle : les rakhis, bracelets qui symbolisent le lien entre les frères et les sœurs et aussi les Thalis, colliers offerts par leurs maris aux jeunes épouses comme symbole de leur union, les boucles d’oreilles, les bagues ornées de pierres précieuses possédant différentes vertus... Nous étions curieux de connaître quels chemins Dorothée a emprunté pour arriver en Inde et nous la remercions pour cet entretien.
Voyager dans le monde entier et voir ce qui se passe ailleurs
Dorothée a grandi à Tain-l’Hermitage, dans la Drôme. Issue d’une famille unie, elle est l’aînée d’une fratrie de cinq enfants. Elle montre peu d’intérêt pour le lycée et arrête ses études en fin de seconde. Par contre, elle fait de la gymnastique à haut niveau, discipline qu’elle aime beaucoup. Son rêve est alors : voyager dans le monde entier et voir ce qui se passe ailleurs.
À 18 ans, cette jeune fille active, avec l’accord de ses parents, part à Madrid comme jeune fille au pair dans une famille de cinq enfants, dont les parents sont universitaires. L’Espagne ne lui est pas inconnue puisque son grand-père paternel à des origines catalanes et elle y a déjà passé des vacances. Au bout de quelques semaines, elle réalise que cette situation ne lui convient pas, elle se retrouve quasiment dans la même configuration familiale que chez elle. Elle s’installe alors en colocation avec deux autres jeunes filles, l’une est suédoise et l’autre allemande. Elle trouve des petits boulots et profite de la "Móvida madrilène".
Au bout de deux ans, elle comprend que puisqu’elle ne possède pas de diplôme, elle aurait intérêt à bien parler plusieurs langues. Elle prend la direction de l’Angleterre, à Londres, et pendant six mois, elle est fille au pair dans une famille anglaise. La différence d’ambiances entre l’Angleterre et l’Espagne lui pèse. Elle rencontre un jeune franco Hollandais, qui lui aussi a grandi à Tain-l’Hermitage. Ils partent ensemble vivre leur histoire pendant un an, à Utrecht aux Pays-Bas. Lui est étudiant, elle trouve des jobs pour gagner sa vie.
Dorothée n’a pas oublié son amour pour la pratique sportive, l’envie de se remettre en mouvement la guide et elle rêve « d’aller danser à New York ». Elle prend l’avion pour New York, s’inscrit dans une école de danse et accomplit ainsi un rêve, tout en faisant des boulots alimentaires pour vivre et garder son autonomie. Elle y rencontre des gens, qui deviennent des amis fidèles.
Finalement, la France lui manque. Accompagnée de son amie américaine, elle prend l’avion pour Paris où elle n’est jamais allée, alors qu’elle connaît d’autres grandes capitales étrangères.
De la France à New Delhi
Son amie lui dit un jour, qu’elle lui a trouvé un boulot exactement fait pour elle, à Nouvelle Frontière. Nouvelle Frontière est une toute nouvelle agence de voyages, créée en 1967, par Jacques Maillot et François Chevalier dans le but de démocratiser les voyages et de leur apporter une dimension culturelle. En 1986, Nouvelle Frontière ouvre des hôtels dans plusieurs pays et en 1990, l’agence est le nouvel actionnaire de la compagnie aérienne Corsair, pour des vols « low cost ».
Dorothée a l’expérience nécessaire du voyage et elle est trilingue, elle est immédiatement embauchée. Elle a deux missions : vendre des voyages et aller visiter et tester les hôtels du groupe. Le job de rêve. Elle s’implique dans son travail pendant cinq ans. En même temps, elle est aussi devenue attachée de presse dans la musique, après avoir rencontré un ami cubain, musicien.
Dorothée ne sait pas rester sédentaire, le monde l’appelle. Elle part avec son musicien à Cuba, à La Havane et travaille même un certain temps pour Universal Musique. Au bout de deux ans, elle postule pour être hôtesse de l’air dans la compagnie Corsair qu’elle connaît déjà et y travaille six mois. Elle retourne ensuite vivre à Paris.
Dorothée doit de nouveau chercher un emploi, le hasard ou la destinée l’amène à rencontrer une créatrice de bijoux réputée, qui l’initie au métier de la bijouterie et de la joaillerie.
« C’était intense, mais j’ai appris une excellente méthode de travail. Moi qui n’ai pas fait d’études, ça m’a donné une certaine rigueur. »
Dorothée ouvre ensuite sa première boutique de bijoux à Paris, avec une amie. Un jour, celle-ci lui propose de l’accompagner en Inde. Grâce à Nouvelle Frontière, elle connaît Cuba, le Chili, l’Amérique du Sud, mais pas encore l’Asie. Il suffit de fermer la boutique et de faire ses valises pour repartir voir le monde.
À New Delhi, elles découvrent la ville, les petits artisans et elles chinent et créent des bijoux avec leurs trouvailles. La vie, les rencontres sont alors un peu chaotiques, mais, parce que dans la vie il y a des mais :
« Un jour à New Delhi, ma copine me dit que je dois aller voir un antiquaire et que je vais adorer ce qu'il a dans sa boutique. Et là, tout d'un coup, je vois un beau jeune homme indien, c'est un coup de foudre. Je tombe amoureuse d'Arvind, pas du pays, mais d'un homme. On est resté huit ans ensemble. »
Le mass-market est une énorme machine qui ne laisse pas de place aux états d’âme
« Je m’installais à Delhi, il fallait que je travaille. Un soir alors que j’étais sortie en boîte de nuit, la seule de New Delhi : le Club orange où il n’y avait que de la musique Bollywood, je rencontre un Espagnol, qui depuis est devenu un ami, nous bavardons et il me dit qu’il cherche une styliste pour Zara et le groupe Inditex (groupe espagnol, leader de la fast fashion). Au culot, je lui dis qu’il est tombé sur la bonne personne ».
Voilà comment Dorothée rentre dans le circuit du « mass market », également appelé marché indifférencié. Ce marché de masse est composé du plus grand nombre de clients possible, peu importe leurs moyens financiers. L’objectif principal du marketing et de proposer des produits standardisés, avec un niveau de qualité minimal et aux prix les plus bas possible.
En conséquence les conditions de fabrication échappent aux standards européens. Dorothée commence à faire alors du mass-market avec la France, elle travaille beaucoup sur le terrain "entre deux chèvres et trois moutons" et ses responsabilités sont multiples.
On dessinait les bijoux, on les fabriquait, on leur montrait, on était des agents et on s’occupait de la production. C’est comme ça que j’ai appris le métier et que j’ai peu à peu grimpé les échelons. J’ai ainsi ouvert un bureau à New Delhi pour le groupe Inditex. Ça a duré 5 ans, puis j’ai lâché pour ensuite travailler pour des grosses enseignes françaises, comme Promod et Monoprix, en créant des accessoires de mode et des bijoux .
Dorothée, ou la volonté d'une femme pour entreprendre sans jamais se décourager
Dorothée se pose des questions sur sa vie et sur le sens qu’elle y met. Elle décide alors de sortir de ce tourbillon infernal qu’est la mode et de reprendre la main sur sa vie. Elle a découvert le yoga Kundalini, appelé aussi yoga de l’énergie.
Après plusieurs années de pratique, elle devient professeur et enseigne. Le yoga est devenu un pilier de sa vie, c’est pour elle une pratique quotidienne nécessaire :
« Un espace où je sors de l’apnée, où je respire, retrouve le silence et remets les choses à leur place ».
En 2017, elle crée sa marque et LVMH la choisit et fait rentrer ses créations de bijoux à la Samaritaine. C’est, selon Dorothée, ce qui marque un tournant important dans ses choix. Elle abandonne en partie l’enseignement du yoga, sachant qu’en Inde, elle n’en vivra pas. Elle se lance enfin dans la fabrication des magnifiques bijoux signés Dorothée Sausset. Ces bijoux possèdent une vraie signature singulière, probablement parce qu’ils sont le résultat d’un cheminement personnel foisonnant. Ils dégagent chacun ce dont ils sont porteurs, à savoir la marque des traditions hindoues et yogiques, qui font lien avec l’énergie vitale, voire solaire qui traverse les créations de Dorothée.
« Je n’avais pas de business plan et faire fonctionner une telle entreprise c’est beaucoup de travail. J’ai beaucoup de chance parce que les gens avec qui je travaille sont avec moi depuis 18 ans. Ce sont deux garçons qui sont ultra dévoués. »
Dorothée vit à Delhi, les ateliers de fabrication Dorothée Sausset sont à Jaipur, elle vend ses bijoux en ligne et elle a des revendeurs en France, en Europe, et sur plusieurs continents, ce qui semble normal pour une citoyenne du monde.
Pour le moment, Dorothée l’aventurière entrepreneuse est encore à New Delhi, mais pour combien de temps ?
«Arvind m’avait offert un collier avec le Shiva linga. Un jour l’agent de sécurité me dit : « vous êtes mariée à un Indien ?», je lui réponds : « non, pourquoi ? ». Il répond « vous portez un Thali » et il m’explique la symbolique de ce collier de mariage. Mon amoureux ne me l’avait pas dit. Ça a commencé comme ça, Dorothée Sausset, le premier bijou que j’ai créé était un thali. »
Dorothée Sausset : "le premier bijou que j’ai créé était un thali."
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