L'épidémie de la Covid-19 a mis beaucoup plus de temps à se propager en Inde que dans les pays européens. Mais, plus de 100 jours après la mise en place d’un confinement strict de tout le pays, le sous-continent a détecté plus de 650 000 cas, déplore presque 20 000 décès et le pic de l'épidémie ne semble pas encore atteint. C’est le troisième pays le plus touché après les Etats-Unis et le Brésil.
La rédaction tente de faire le point sur les données et les mesures mises en place par les gouvernements locaux depuis la phase Unlock 1.0 (Covid-19, confinement, déconfinement, le point en Inde) qui a été poursuivie par Unlock 2.0 depuis le 1er juillet.
Augmentation du nombre de tests
Le gouvernement national a finalement choisi d’inciter les États à tester le plus grand nombre de personnes possible. Plus de laboratoires ont été accrédités par le ministère de la Santé et de la Famille et les tests sont maintenant produits localement. Depuis début juillet, plus de 200 000 personnes sont testées chaque jour dans le pays. Cependant, c’est encore peu par rapport au nombre total d’habitants dans le pays (1,3 milliard).
Dans une interview exclusive avec l'agence de presse indienne ANI, la scientifique en chef de l'OMS, le Dr Soumya Swaminathan, a déclaré : "Le gouvernement indien a pris des mesures extrêmement sérieuses dès le début sur la base des recommandations de l'OMS. Aujourd'hui, l'Inde réalise plus de 200 000 tests par jour et a développé ses propres kits de tests. C'est une grande réussite pour l'Inde qui a réussi à devenir autosuffisante dans ce domaine au cours des deux derniers mois.”
Cependant, elle a ajouté que le pays devait mettre en place une approche systématique pour examiner les données. “Le gouvernement national doit définir la façon dont les données sont communiquées afin qu’elles puissent être comparables. Aujourd’hui, tout le monde rapporte les choses de manière différente", a-t-elle déclaré, citant un exemple selon lequel l'OMS a recommandé certains critères que le gouvernement peut utiliser pour évaluer la pandémie. "Si on ne teste pas, on ne trouve pas de cas. Mais, le signalement d’un cas n'est pas suffisant en tant que tel. Il faut savoir combien de tests ont été effectués. Plus important encore, on doit connaître le taux de positivité du test qui devrait être inférieur à 5%. Il faut également connaître le pourcentage de positivité de la surveillance des maladies respiratoires qui devrait être aussi inférieur à 5%. Ensuite, on doit suivre le temps de doublement ", a déclaré le Dr Swaminathan.
"Donc, au lieu de se concentrer uniquement sur les chiffres, il est primordial de savoir comment se déroule l'épidémiologie. Est-ce qu'elle monte ou elle descend ou se situe-t-elle sur un plateau ?”
Déconfinement en cours pour tenter de relancer l'économie
Le confinement strict généralisé dans tout le pays a été mis en place le 25 mars et levé partiellement à partir du 20 avril afin de permettre un redémarrage de l'économie qui avait été complètement arrêtée. Les premières mesures de relâchement concernaient les zones dans lesquelles le nombre de cas était nul ou faible (Coronavirus : En Inde, le confinement strict est étendu jusqu'au 3 mai). Mais, à partir du 15 mai, puis du 8 juin, la plupart des restrictions ont été assouplies, en particulier pour les déplacements des individus dans le pays et la réouverture des industries et des commerces sauf dans les zones déclarées en confinement strict.
Un exemple de la poursuite du déconfinement : le gouvernement national a décidé d’ouvrir le 6 juillet les monuments sous l'égide de l’Archaeological Survey of India (ASI) afin de relancer le tourisme.
Delhi: Social distancing markers being drawn at Safdarjung Tomb complex along with other precautionary measures, ahead of the monument's opening for public tomorrow. All monuments under Archaeological Survey of India (ASI) in the country are scheduled to open from 6th July. pic.twitter.com/rD5c71ytWo
— ANI (@ANI) July 5, 2020
Cependant, les frontières externes du pays sont encore fermées, les vols internationaux interdits jusqu’au 31 juillet (hors vols spéciaux autorisés par la Direction de l’Aviation Civile), le couvre-feu de 22h à 5h reste en place et les rassemblements de personnes, quelle que soit leur nature, sont aussi limités (Covid-19, confinement, déconfinement, le point en Inde).
Une augmentation de plus en plus rapide du nombre de nouveaux cas
Depuis le milieu du mois d’avril et le début du relâchement du confinement hors zones de confinement strict, le nombre journalier d’individus contaminés est en augmentation constante et a dépassé le seuil des 20 000 début juillet. Malgré cela, face à un besoin urgent de relance de l'économie, le gouvernement indien a poursuivi son plan de déconfinement.
Au 6 juillet, l’Inde compte presque 700 000 cas et a dépassé la Russie dans le classement des pays contaminés.
La propagation de l'épidémie est clairement corrélée avec la densité de population des différents districts indiens et les zones urbaines sont les plus touchées. Cependant, certaines zones rurales commencent à enregistrer une hausse du nombre de cas comme les Etats du nord-est.
De plus, depuis début juin, le virus semble se propager dans le sud de l’Inde qui était jusqu'à présent un peu épargné. Les cinq Etats, Andhra Pradesh, Karnataka, Kerala, Tamil Nadu et Telangana comptent aujourd’hui plus de 25% du nombre de personnes contaminées de tout le pays et l’augmentation est plus rapide que la moyenne nationale (début juin, ils ne représentaient que 17,5%). Une partie de cette croissance soudaine est toutefois due à l'intensité accrue des tests.
Des mesures pour limiter la propagation du virus disparates selon les Etats
Les Etats, auxquels le gouvernement national a maintenant délégué la gestion de l'épidémie, semblent expérimenter chacun une méthode différente pour contrer la propagation du virus :
- confinement strict des zones les plus touchées, généralement les villes, mais avec des fréquences ou des durées différentes (une fois par semaine ou pour une courte durée...),
- interdiction d'entrée dans l'état via les liaisons aériennes,
- extension de l'état d’urgence,
- pas de restrictions mais augmentation du nombre de tests...
Quelques exemples :
Dans le Maharashtra, le déconfinement est en cours dans les zones rurales mais à Mumbai, la capitale de l’Etat, les déplacements sont restreints à la zone de résidence (Déconfinement phase 2 : presque pas de changement dans les règles) jusqu’au 15 juillet.
Dans le Karnataka, à Bangalore, un confinement strict a été décidé tous les samedis de 20h jusqu’aux lundis 5h à partir du 5 juillet jusqu’au 2 août. Il semblerait que les habitants de la ville se déplacent beaucoup le dimanche !
Dans le Tamil Nadu, la capitale Chennai a été confinée strictement du 19 juin au 5 juillet (ouverture uniquement des services de première nécessité), mais le 6 juillet, les restrictions ont été levées et l'activité économique peut reprendre à Chennai. Cependant, une autre ville importante, Madurai reste encore confinée jusqu’au 12 juillet.
Dans le Bengale Occidental, les vols domestiques en provenance des six villes les plus touchées (Delhi, Pune, Nagpur, Chennai, Mumbai et Ahmedabad) vers Calcutta sont annulés à partir du 6 juillet pour deux semaines. L’objectif est de protéger la ville de l'arrivée de personnes contaminées.
Dans le Kerala, le gouvernement a émis des directives pour la lutte contre le coronavirus qui seront en place jusqu’en juillet 2021 (Kerala Epidemic Disease Corona Virus Disease (Covid-19) Additional Regulations, 2020), rendant obligatoire le port du masque, interdisant les crachats jusqu'à cette date et régulant les rassemblements de personne. Il a aussi placé la capitale de l’Etat, Thiruvananthapuram en confinement strict jusqu’au 12 juillet.
Dans l’Assam, la ville de Guwahati est confinée strictement depuis le 28 juin.
A Delhi, qui a subi une hausse en flèche des personnes contaminées depuis le début juin et a dépassé Mumbai en nombre de cas, aucune mesure de restriction n’a été mise en place en dehors des zones de confinement strict. Par contre, la ville a intensifié la pratique des tests et le traçage des personnes entrées en contact avec un malade. Le Chief Minister de la capitale vient d’inaugurer l'hôpital temporaire le plus grand du monde, Sardar Patel Covid Care Centre (10 000 lits).
Même si le conseil médical indien (ICMR), l’organisme de conseil du gouvernement sur la gestion de la crise sanitaire, nie l'existence d’une transmission du virus à l'échelle de la communauté en Inde, les chiffres ne cessent d'augmenter et l'épidémie n’est pas encore contenue dans aucun des Etats du sous-continent plus de 3 mois après le début du confinement. L'étendue du pays, l’importance de la population et la diversité de densité en fonction des zones géographiques, sont autant de facteurs qui ont un impact sur la résolution de la crise sanitaire à l'échelle de l’Inde et expliquent, en partie, la durée de la crise et les différences de propagation selon les Etats. Comme le soulignait la scientifique en chef de l'OMS, le Dr Soumya Swaminathan, le gouvernement national gagnerait à utiliser les critères définis par l’OMS pour évaluer la pandémie et ainsi permettre une meilleure comparaison des données entre les Etats.
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