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Rencontre avec Nicolas Sterling, architecte et ingénieur français à Berlin

Nicolas Sterling Presser Architectes © Emma Granier - LPJ BerlinNicolas Sterling Presser Architectes © Emma Granier - LPJ Berlin
Nicolas Sterling © Emma Granier - LPJ Berlin
Écrit par Emma Granier
Publié le 15 août 2022, mis à jour le 23 novembre 2022

Elégance, performance et développement durable, tels sont les mots d’ordre du cabinet Sterling-Presser, ouvert à Berlin en 2018 par Nicolas Sterling et son associée Elke Sterling-Presser. Depuis ce nouveau port d’attache, il compte bien continuer à transmettre son amour de l’architecture et de la structure dans ses futurs projets ainsi que dans ses nouvelles connexions franco-allemandes. A deux pas du Bierpinsel, le temps d’une matinée estivale, ce créateur de passerelles au sens propre comme au figuré, nous a ouvert les portes de son nouveau studio.

 

 

Amour de l’architecture et de la structure

De son enfance à Larchant, petite commune de Seine-et-Marne dominée par la basilique Saint-Mathurin, il garde un fort souvenir de la disproportion qui règne entre cet édifice et le reste du village. Cela ne l’a pas laissé insensible et il en a retenu « la culture de la cathédrale » comme il nous le confie, associée à la philosophe de l’édification que lui instiguait en parallèle son père, ancien tailleur de pierres qui a suivi pour un temps les compagnons de France. En observant le travail de son père, il a rapidement compris ce qu’étaient l’art de faire et l’importance du matériau.

 

Marqué par cette influence, il commence naturellement des études d’architecture à Paris qu’il complète rapidement par un cursus au Conservatoire national des arts et métiers afin d’apprendre également les techniques de construction et l’usage des matériaux. En plus de la voie de l’architecture, il prend ainsi la voie de l’ingénierie et de la construction. Il découvre le travail de Peter Rice qui avait participé en tant qu’ingénieur à beaucoup de projets emblématiques (opéra de Sydney, nuage de la grande Arche de la Défense, pyramide inversée du Louvre, etc.). Influencé par ce travail structurel du verre, Nicolas Sterling rencontre un ancien collaborateur de Peter Rice, Hugh Dutton, chez lequel il commencera en tant que stagiaire et restera six ans.

 

A la même période, il s'intéresse au travail de Marc Mimram, architecte et ingénieur français, figure de proue de la double culture architecture et ingénierie des structures en France. « Une de ses conférences au pavillon de l’arsenal m’a complétement passionné et convaincu que je partais dans la bonne voie. Souvent les ouvrages d’art (constructions destinées à établir une voie de communication ou une protection contre les éléments, ndlr.) étaient la chasse gardée des ingénieurs. Avec le travail de Marc Mimram, on commençait à parler de la réunion du paysage et de la structure. Aujourd’hui les choses ont changé et les maitrises d’ouvrage demandent la présence d’un architecte, d’un ingénieur et souvent d’un paysagiste. »

 

En 2002, il est diplômé d’architecture avec un projet de passerelle à Orléans. Et deux ans plus tard, il est également diplomé du CNAM avec un projet alors en réalisation chez Hugh Dutton, une passerelle de 150 m de portée pour les Jeux olympiques d’hiver à Turin. « J’ai eu la chance de présenter un ouvrage d’art majeur pour mon diplôme d’ingénieur. » Une expérience de six ans très marquante où il apprend énormément de concepts techniques, aux côtés d’architectes prestigieux, mais souvent dans un cercle très parisien.

 

Nicolas Sterling © Emma Granier - LPJ Berlin
Nicolas Sterling © Emma Granier - LPJ Berlin

 

Design structurel et projets internationaux

En 2005, il part à Londres pour donner une dimension plus internationale à sa carrière. Il intègre l’équipe de l’ARUP AGU Advanced Geometry Units chez Cecil Balmond, un laboratoire d’artistes et d’ingénieurs travaillant sur des projets aux structures et géométries complexes. « Une sorte de James Bond team. A l’époque, ces ouvrages étaient difficiles à générés car les outils de géométrie paramétrique n’étaient pas encore développés à 100%. Beaucoup de grands noms de l’architecture nous consultaient pour la réalisation de leurs projets atypiques. »

 

Toujours à Londres, il continue dans la voie du conseil en ingénierie civile et structurelle avec l’équipe d’AKTII Adams Kara Taylor jusqu’en 2017. Pendant plus d’une décennie, Nicolas Sterling participe puis coordonne la réalisation de projets dans le monde entier comme le stade KASC en Arabie Saoudite (ARUP Associates) ou encore le grand théâtre de Rabat au Maroc (Zaha Hadid Architects) : de vrais projets iconiques qui font partie de l’histoire de l’architecture à cette époque.

 

C’est à cette période qu’il rencontre Elke Presser, à l’époque dans l’équipe de Zaha Hadid Architects, et aujourd’hui, celle qui l’accompagne au quotidien dans son aventure berlinoise. A deux, ils rédigent un ouvrage de réflexion lors d’un séjour d’exploration en Inde et au Népal marqué par une longue méditation Vipassana : l’observation de chaque moment alors que tout est en continuel changement.

 

Comment crée-t-on de l’espace ? Qu’est-ce que l’on ressent dans un espace ? Comment l’espace peut-il être généré à partir du corps ? Ce livre, Everything is arising and passing away, les inspire toujours aujourd’hui dans leur travail depuis Berlin. Il a d'ailleurs initié la première exposition, Everything flows – Alles fließt, faite à Berlin sur le thème des passerelles et d'ouvrages de connexions symboliques.

 

Studio Sterling Presser
Studio Sterling-Presser © Andreas Pein


 

 

Nouvel ancrage à Berlin

Les années 2010 marquent un tournant dans le parcours de Nicolas et d’Elke. Il y a d’abord leur voyage en Asie, puis la naissance de leur fils en 2012, et enfin l'amorce du Brexit en 2015 qui remet en cause leur quotidien londonien et son rythme très soutenu. « Nous avions déjà l’intuition qu’on ne resterait pas à Londres et qu’on aimerait créer un projet ensemble. » Ils décident ainsi de s’installer en Allemagne, pays natal d’Elke.

 

Dès leur arrivée à Berlin, ils participent à un appel à idées pour les conférences de passerelles à Berlin (Foot bridge 2017) et arrivent parmi les finalistes. « C’était un projet intéressant pour s’ancrer dans ce territoire. Même s’il s’agissait d’un projet utopique, cela nous a permis de réfléchir à cet espace, à son histoire, et de reprendre le crayon pour répondre à la question : pourquoi ce projet devrait-il exister ? »


Ils obtiennent les statuts du cabinet Sterling-Presser en 2018 et les premiers clients arrivent rapidement. Ils participent à un projet en Chine, à Taiyuan, avec un théâtre d’eau en extérieur. En 2019, ils s'occupent de la requalification du pont du Lion sur la commune de Saint-Génis à la frontière franco-suisse. Ils arrivent parmi les finalistes de plusieurs concours internationaux, comme celui d'une nouvelle arène multifonctionnelle de 20 000 places dans la capitale autrichienne.

 

Pour chaque projet, l’important selon Nicolas est de créer un nouvel espace tout en s’intégrant au paysage et en célébrant sa topographie, le genius loci. Tout cela sans oublier les maîtres-mots du cabinet : élégance, performance et développement durable. « Ce sont des concepts que l’on ne veut pas dissocier. » Ils proposent en effet beaucoup de smart buildings (bâtiments intelligents) qui s’adaptent à l’environnement afin d’être plus efficaces dans leur consommation d’énergie. Ils repensent l'approche du matériau et prennent en compte une approche intégrée dans une économie circulaire en utilisant le bois ou des structures hybrides, par exemple. Cela leur permet d'optimiser l'empreinte carbone de chaque nouveau projet.

 

WH Arena projet Sterling Presse
Projet WH Arena - Finaliste du concours par Wien Holding © Sterling-Presser

 

Construire des passerelles aussi entre les personnes

« Il y a une aisance artistique et culturelle particulière à Berlin. C’est cet aspect multiculturel qui nous a séduit et qui nous permet aujourd’hui d’avoir une base européenne pour des projets internationaux. » Cette richesse culturelle, Nicolas Sterling l’a également expérimentée en faisant partie de différents groupes et réseaux comme par exemple celui des Francophiles de l’Immobilier et de la Construction à Berlin animé par Nicolas Retournard, ou encore le groupe d’entrepreneurs Rebondir Ensemble, initié dans le cadre d’une formation de l’association Emploi Allemagne avec Anne-Chrystelle Bätz. « C’est un réseau très actif d’entraide. Nous sommes tous dans des secteurs différents et avons des formations et des spécialisations différentes. Cela nous permet de bénéficier des conseils des uns et des autres vis-à-vis du quotidien des entrepreneurs en Allemagne. »  

 

Créer des ponts entre les personnes a aussi son importance. Et cela, Nicolas Sterling l’a bien compris. Depuis quelques mois, il a également rejoint les rangs des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) en Allemagne. En tant que CCEF, il a un rôle de support et de conseil pour les entrepreneurs souhaitant lancer leurs activités en Allemagne. Et il participe à de nombreuses discussions et panels rendant compte de l’attractivité de la France dans les relations économiques internationales.

 

Prendre part à tous ces réseaux, c’est aussi une façon de découvrir de nouveaux projets internationaux et de porter le French flair, ou dans son cas, la « griffe » de l’architecture française dans de nouveaux lieux. « Chaque lieu a son identité propre. Et l’architecture est ancrée dans l’espace. Il est donc primordial d’être connecté avec le lieu où l’on est dans le sens du Dasein d’Heidegger. »

 

Sterling Presser Taiyuan Bridge
Taiyuan Bridge © Sterling-Presser

 

 

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Emma Granier
Publié le 15 août 2022, mis à jour le 23 novembre 2022

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