Édition internationale

L'Espagne en première ligne du combat féministe !

L'Espagne, pionnière dans la lutte contre les violences de genre, continue de faire des progrès notables malgré un patriarcat résistant, offrant un modèle pour l'Europe face à cette urgence.

Photo d'une marche féministePhoto d'une marche féministe
©Pexels
Écrit par Clara Giraud des François
Publié le 9 juin 2025, mis à jour le 16 juin 2025

Une avant-garde sous pression

L’Espagne, souvent citée comme un modèle en matière de droits des femmes, continue de mener un combat de tous les instants. Avancées législatives, luttes féministes, mobilisations de rue : le pays a inscrit la lutte contre les violences de genre au cœur de son agenda politique. Pourtant, la réalité reste brutale. Malgré des lois progressistes, le patriarcat n’a pas abdiqué et les féminicides continuent de hanter la péninsule. En 2023, 55  femmes ont été assassinées par leurs conjoints ou ex-conjoints en Espagne. En France, elles étaient 136  la même année. Deux pays, deux contextes, mais la même violence systémique.

 

 

 

 

La différence : ici, on s'insurge. En France, bien sûr, on s'indigne aussi… avant que tout ne retombe dans l'effrayante banalité d’un système où les hommes sont protégés et les femmes jugées.

 

 

 

 

Un arsenal législatif avant-gardiste

L'Espagne, pionnière dans la lutte contre les violences de genre, a instauré en 2004 une loi inédite, entrée en vigueur en 2005, qui reste un modèle à suivre. Elle a mis en place un dispositif complet : police spécialisée, tribunaux dédiés, juges formés, et un accompagnement global pour les victimes, allant de l’aide juridique à la recherche de logement. Ce système a permis à deux millions de femmes de porter plainte, réduisant les féminicides de 35 %. Comme le souligne Noelia Igareda, professeure à l’université de Barcelone, l’Espagne a été la première à reconnaître officiellement la violence de genre, un terme qui ouvre un débat plus large que la "simple" violence domestique.

 

Le prix d'être une femme, c'est la peur quotidienne - El Pais 

 

L’impact est réel encore aujourd'hui  : 80 000 ordonnances de protection ont été délivrées en 2023 en Espagne. En France, seules 4 000 ont été accordées la même année. Pourtant, malgré ces outils, 55 femmes ont été tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints en Espagne. La lutte est loin d’être terminée.

 

 Une mobilisation permanente

Le 8 mars, les rues de Madrid, Barcelone et Séville se remplissent de foules immenses. Ici, la grève féministe n’est pas un simple slogan : en 2018, plus de 5 millions de femmes avaient cessé de travailler pour dénoncer les inégalités dont la reine Letizia d'Espagne. En 2023 encore, elles étaient près de 2 millions à descendre dans la rue.

 

Etre une femme revient très cher.  Et ce n’est pas une question économique ou pas seulement. Le prix à payer est très lourd en matière de temps, sur le plan social et judiciaire, et on peut même avoir à le payer de notre vie - El País

 

Les Espagnoles ont compris qu’aucun droit n’est acquis sans lutte. Chaque nouvelle attaque contre leurs droits trouve une réponse immédiate dans la rue. L’extrême droite, qui cherche à rogner ces acquis en dénonçant une "idéologie de genre",et en limitant les fonds des établissements en aide aux femmes se heurte à une société qui ne plie pas.

 

En France, l’indignation chronométrée

Depuis le 1er janvier 2025, 64 femmes ont été tuées en raison de leur genre en France, soit un décès tous les trois jours. 13 enfants sont devenues orphelins depuis le début de l'année. En 2024, elles étaient 140, souvent assassinées par des hommes déjà connus des autorités  Derrière ces chiffres, des vies, des visages, des noms. Certains murs en témoignent, affichant leurs prénoms et leurs âges pour rappeler qu'elles étaient nos mères, nos sœurs, nos amies. Mais au-delà de l'émotion passagère, que fait-on ? On débat, on s’offusque… et puis l’oubli revient, terrible et systémique.

 

 

 

Partout, le même combat

Que ce soit en Espagne ou en France, où que vous alliez, vous croiserez des hommes qui vous prendront pour inférieure, pour un objet. Ceux qui se permettront de vous envoyer des messages à caractère sexuel sans votre consentement, d’être tactiles sans votre accord, amis ou non. Et parfois, ceux que vous pensiez assez déconstruits pour réagir resteront figés dans un silence complice. Entre les hommes qui s'indignent sur les réseaux et dans la vraie vie pour dire "on est pas tous pareils", certes… mais quand vos amies se font toucher par vos copains, vous accusez qui ? La tenue de la femme ? Sa manière d’être ? "Non mais tu le connais, tu sais qu’il est tactile". Non. Cela ne justifie rien. Le silence est un choix, et il a un prix.

 

 

Confronte tes potes agresseurs, affiche Bordeaux
Affiche place Camille-Jullian, Bordeaux 

 

Si l’on ne choisit pas sa famille, on choisit ses amis. Certains s’accrochent à l’idée que "trahir un ami, c’est être une balance".( Fanny Ardant, a elle-même utilisée ces mots pour défendre Gérard Depardieu). Entre "trahir" un ami et libérer une victime de ses griffes, il n’y a pas de dilemme. Si, à la place de cette victime, il s’agissait de votre sœur, auriez-vous détourné le regard ? L’auriez-vous couverte de honte au lieu de dénoncer son bourreau ? Si vous laissez faire, vous êtes, vous aussi, condamnable. Vous êtes jugeables. Vous êtes comme eux.

 

L’Europe, entre avancées et reculs

L’Espagne n’est pas seule. En Allemagne, le féminisme s’affronte aux résistances conservatrices. Partout, des voix s’élèvent, mais la menace réactionnaire plane. L'égalité n’est pas une faveur, c’est une exigence, et tant qu’elle ne sera pas totale, rien n’est acquis. L’Europe saura-t-elle faire de la lutte pour les droits des femmes une priorité, ou laissera-t-elle les vents populistes balayer des décennies de progrès ?

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