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Mujeres Avenir: "La violence conjugale est un sujet tabou dans l'univers expatrié"

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Julia Robles
Écrit par Vincent GARNIER
Publié le 20 novembre 2021, mis à jour le 22 novembre 2021

Jeudi 18 novembre Mujeres Avenir organisait une conférence inscrite dans le cadre de la Journée internationale de l'élimination de la violence à l'égard des femmes, comme elle le fait chaque année. 

 

À cette occasion, c'est sous le thème "Rendons visible l'inadmissible : les différentes formes de violences à l'égard des femmes" que l'association d'amitié hispano-française avait réuni quatre intervenantes à la même table, autour de la modératrice Tada Bastida, Coordinatrice du ministère espagnol des Affaires étrangères sur les sujets relatifs à la violence faite aux femmes à l'étranger, mais aussi de Marie-Christine Lang, Consule générale de France à Madrid, en représentation de l'Ambassadeur de France en Espagne, Jean Michel Casa, et María Àngels García Vidal, Directrice générale pour le Service public au sein du ministère espagnol de la Justice, venue en représentation de la ministre Pilar Llop.

La conférence, de la République démocratique du Congo au Canada, en passant par le Costa Rica et la France, a de nouveau permis d'apporter des éclairages sur un phénomène mondial, qui affecte aussi les univers de la francophonie et de l'hispanité. "Le féminisme se doit d'être global", a défendu la Présidente de l'association Maria Luisa de Contes, "et s'inscrire dans une lutte contre les fléaux qui affectent les femmes bien au-delà des frontières de nos seuls pays".

Wendy Drukier, Ambassadrice du Canada en Espagne, Ana Helena Chacón Echevarría, Ambassadrice du Costa Rica en Espagne, Louise Nznga Ramazani, Ambassadrice de la République Démocratique du Congo en Espagne, et Samantha Cazebonne, sénatrice représentant les Français établis hors de France, sont venues contribuer aux débats, en apportant leur regard et les expériences de leurs pays respectifs sur la question.

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Maria Luisa de Contes, présidente de Mujeres Avenir / Julia Robles

 

Une nouvelle fois Mujeres Avenir a su faire valoir sa capacité à "resserrer les liens d'amitié" et "à rassembler des femmes fortes et combattantes", "affectueusement et avec humanité". En dépit des restrictions et à l'aulne de ses 6 ans d'existence, l'association qui regroupe quelque 500 membres autour des mêmes objectifs et valeurs, n'a cessé au cours de ces 18 derniers mois de faire preuve d'un activisme qui frôle l'hyperactivité, démontrant au passage  que "la violence faite aux femmes, c'est l'autre pandémie".  Pour reprendre une formule du manifeste de l'ONU, Mujeres Avenir s'inscrit dans la lutte contre "la pandémie fantôme", cette violence domestique que le confinement a vu s'intensifier. Avec la conférence organisée cette année, l'association a tenu à dénoncer les violences souvent invisibles, qui affectent les collectifs exposés à une somme de "discriminations intersectionnelles" : femmes migrantes, femmes issues de minorités ethniques, femmes handicapées par exemple. "En Espagne, les femmes immigrées représentent 10% de la population, mais 33% des victimes mortelles d'homicide" a ainsi illustré Tada Bastida.

 

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Julia Robles

Auparavant, en ouverture des débats, les interventions de María Àngels García Vidal et de Marie-Christine Lang, ont ancré les débats dans le cadre d'une vision commune sur la question, entre les deux pays. La lutte contre la violence conjugale fait l'objet depuis 2006 d'un pacte d'Etat, a rappelé la Directrice générale pour le Service public au sein du ministère espagnol de la Justice. En 15 ans le pays a développé une stratégie toujours plus efficace pour éradiquer le fléau avec, au-delà de l'arsenal juridique, l'accent mis ces dernières années sur la formation des professionnels appelés à intervenir dans les cas de violence domestique, mais aussi la prévention. La dernière édition de l'Indice européen d'égalité de genre 2021 place l'Espagne en 6e place dans le ranking des pays les plus égalitaires du continent, avec une note de 73,7 sur 100 (72 en 2020). "Il reste encore beaucoup à faire", a estimé María Àngels García Vidal, "jusqu'à atteindre la pleine égalité, qui constitue notre objectif". 

 

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Avec une note de 75,5 sur 100, le même indice est plus généreux avec la France, qui obtient notamment de meilleures notes dans les domaines relatif au pouvoir, au travail ou au pouvoir d'achat. Concernant la violence à l'égard des femmes, l'Espagne reste néanmoins un modèle pour l'Hexagone, qui s'inspire depuis plusieurs années des politiques développées en la matière dans le pays de Cervantès. "L'égalité entre hommes et femmes est une priorité portée au plus haut niveau par Emmanuel Macron", a évoqué la Consule générale de France à Madrid, qui a rappelé que le Président de la République a fait de la question une grande cause de son quinquennat. Si "l'Espagne fait figure d'avant garde" à bien des égards, la France fait preuve d'un véritable engagement sur la question, avec notamment l'accueil en juin dernier du Forum Génération Egalité organisé par ONU femmes, de la présidence du Conseil des droits de l'Homme pour le mandat 2021-2023, mais aussi à compter de janvier prochain, de la présidence de l'UE, "qui devrait faire de l'égalité une priorité et un modèle à porter avec force et détermination à l'international". De fait, le Consulat général de France à Madrid est un modèle pour l'ensemble du réseau dans la prévention et l'accompagnement des victimes françaises dans le pays, avec une commission novatrice en la matière, qui doit peut être en partie au modèle espagnol en la matière, fortement impulsé par un ministère des Affaires étrangères à la politique féministe déclarée.

 

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Samantha Cazebonne, récemment élue sénatrice représentant les Français établis hors de France, ex-députée des Français de la 5e circonscription (Espagne, Portugal, Andorre et Monaco), a remercié l'association Mujeres Avenir pour "intéresser au débat l'ensemble de la communauté française". "En tant que représentante du pouvoir législatif français, je m’engage, en coordination avec les victimes, pour faire entendre leur détresse et cruel besoin de soutien", a-t-elle déclaré. "Les violences faites aux femmes sont des drames qui ne connaissent pas de frontières. Nous devons nous unir et nous soutenir, partout dans le monde, et montrer un courage politique et une volonté persistante, afin de vaincre, ensemble, ce fléau et aider ces femmes au travers d’actes de prévention, de réactions mais aussi de mesures de reconstructions et de soutien, pour elles et leurs enfants", a-t-elle ajouté. "La violence conjugale est un sujet tabou dans l'univers expatrié", a néanmoins regretté l'ex députée, qui a évoqué "le microcosme" qui caractérise souvent les Français de l'étranger, mais aussi certains blocages encore propres à la société française, à l'heure de dénoncer ce type de violences. 

 

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De g. à d. : Samantha Cazebonne, Louise Nznga Ramazani, Tada Bastida, Wendy Drukier, et Ana Helena Chacón Echevarría / Julia Robles

 

Dans la foulée Wendy Drukier, Ambassadrice du Canada en Espagne, a évoqué le cas spécifique des femmes autochtones de son pays, qui représentent 4% de la population, mais 28% des homicides en 2019. "Ces femmes ont 12 fois plus de risques de subir des aggressions que l'ensemble des femmes du pays", a-t-elle avancé. Ana Helena Chacón Echevarría, Ambassadrice du Costa Rica en Espagne, a pour sa part évoqué le cas des femmes handicapées et de l'ensemble des formes de violences dont elles sont l'objet, partant de l'inadaptation de la réponse administrative à leurs problèmes spécifiques -une violence silencieuse, dépourvue de coups et blessures- et allant jusqu'à leur fragilité accrue face aux prédateurs masculins, en passant par les programmes de stérilisation par exemple développés au Costa Rica. Louise Nznga Ramazani, Ambassadrice de la République Démocratique du Congo en Espagne, a au cours d'une allocution particulièrement poignante rappelé les atrocités qui ont été commises depuis 1996 à l'égard des femmes, au cours des deux guerres quà connu le pays. "La guerre a fait du corps de la femme un champ de bataille", a-t-elle exprimé non sans émotion. Viols, mutilations, humiliations en tous genres ont été réalisés de façon systématique et organisés à l'égard des femmes, isolant ces dernières du reste de la société, qui stigmatise les victimes, au lieu de les protéger. "Quand vous détruisez les femmes, vous détruisez leurs maris, leurs enfants, toute la structure familiale, toute la communauté et toute la génération à venir", a-t-elle ajouté. "Justice et réparation doit être rendue à ces femmes", a encore exigé l'ambassadrice, "les auteurs de ces atrocités doivent être sévèrement punis". 

Plus que jamais, les témoignages des intervenantes ont démontré qu'à travers le monde, la violence faite aux femmes persiste et dure. Et que comme s'est exclamée Maria Luisa de Contes en conclusion des échanges, "Nous ne pouvons pas baisser les bras" dans la lutte pour l'éradication de telle calamité. 

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