Avoir des enfants ou une carrière professionnelle, il faut choisir. Tel pourrait être le triste slogan pour nombre de femmes, selon la dernière étude Esade Gender Monitor. Le chemin qui mène au top management peut devenir un véritable parcours du combattant. Mais tout n’est pas noir.
Le dernier rapport "Esade Gender Monitor 2020" –une étude de l’école de commerce Esade qui analyse depuis cinq ans l'écart entre les sexes dans les entreprises- montre quels sont les principaux obstacles qui empêchent les femmes d'accéder aux postes de direction. Les 800 femmes cadres consultées pour la préparation du rapport ont relevé tous les défis liés à la promotion des femmes à des postes à haute responsabilité en Espagne.
Certes, de plus en plus d'entreprises prennent des mesures pour éliminer les barrières entre les sexes et réduire les obstacles à la promotion des femmes. Mais ces politiques nécessitent également un réel changement de culture d'entreprise pour être efficaces.
Confinement plus compliqué pour les femmes
À ce scénario complexe s'ajoutent aujourd'hui l'impact que le confinement vécu il y a quelques mois a eu sur la trajectoire des cadres, les ajustements apportés par les organisations pour répondre aux protocoles sanitaires et les difficultés à concilier vie familiale, personnelle et professionnelle pendant la pandémie.
Ainsi, le premier constat est très clair : neuf femmes sur dix estiment qu'il existe en Espagne une inégalité de traitement –plus ou moins forte- en faveur des hommes pour accéder à un poste de responsabilité. Peu importe les efforts qu'elles déploient, le chemin qui mène à la direction est souvent semé d’embûches et ressemble plus à un parcours du combattant.
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Mais pourquoi ? Les idées reçues y sont pour beaucoup. De nombreuses organisations considèrent qu'une femme ayant une famille s’investit moins qu'un homme or, une disponibilité totale est souvent la condition sine qua non pour atteindre le sommet. Selon cette logique, les hommes sont donc mieux placés sur la ligne de départ que les femmes.
Promotion ou enfants
On arrive donc à l’éternel problème de la conciliation de la vie familiale avec les exigences du travail. Et de l’étude d’Esade ressort un fait frappant : plus de 67% des cadres consultées reconnaissent que le fait d'avoir des enfants a eu des conséquences sur leur carrière professionnelle d'une manière ou d'une autre. Plus triste encore, une femme sur cinq a décidé de ne plus avoir d'enfants pour cette raison et 80% de celles qui ne sont pas mères considèrent que le fait de ne pas en avoir favorise leur carrière professionnelle.
Et que font les entreprises dans tout ça ? 69% des femmes consultées déclarent qu’il existe une politique d'égalité des sexes dans leur entreprise. Cependant, 36% ont estimé que leur entreprise ne considérait pas ça suffisamment important pour mettre cette politique en œuvre et 30% ont déploré que la culture de l'entreprise rendait difficile l'application des mesures.
Quelles mesures concrètes les entreprises peuvent-elles prendre pour éliminer ou au moins réduire ces obstacles ? Les mesures les plus consolidées sont la formation des cadres, les horaires flexibles et les programmes de mentorat. Cependant, les femmes plébiscitent la création de quotas, la mise en œuvre de mesures de discrimination positive et la formation, à la fois pour corriger les préjugés sexistes et pour aider ces professionnelles à développer leurs compétences de gestion.
Au sujet des quotas, les auteurs de l’étude signalent qu’il ne s’agit pas de mettre une femme qui ait moins de qualités qu'un homme. Mais le problème dans les entreprises, c’est que beaucoup de talents se perdent dans les couches intermédiaires, à cause de la maternité par exemple. Or, les entreprises devraient identifier ces femmes pour les accompagner dans leur carrière.
En définitive, il ressort de cette étude qu'environ 10% des entreprises font un excellent travail de transformation culturelle pour atteindre une plus grande parité entre les femmes et les hommes, 60% essaient de le faire mais ne l'ont pas encore consolidé et 30% ne font rien à ce sujet.
Lors de la présentation des résultats de l’étude Esade Gender Monitor 2020, Myriam Alcaide, vice-présidente de la JP Morgan Chase Bank, et Marion Bauer, Digital Marketing & Sales Director du groupe Sabadell, ont parlé de leur expérience en tant que femmes à des postes de direction en Espagne.
Ne pas négliger le networking
"Les femmes pensent qu'il suffit de bien travailler et que leur travail sera reconnu et promu –raconte la responsable de JP Morgan Chase Bank- mais ce n'est pas le cas. Il est nécessaire d'articuler parfaitement ce que nous voulons. Notre patron doit nous aider à planifier notre carrière professionnelle. Il est nécessaire d’identifier des mentors. Enfin, il est indispensable de faire du networking".
Marion Bauer a également les idées très claires : "J'ai toujours été sans équivoque sur le chemin que je voulais parcourir dans mon développement professionnel et un point négatif a été de devoir constamment expliquer pourquoi je ne voulais pas être mère pendant une période de ma vie, et ça, c’est quelque chose que l'on ne demande pas à un homme".
Aussi bien Myriam que Marion pensent que la transformation des mentalités est primordiale. Il y a par exemple une distinction entre "l'homme père" et "l'homme professionnel" : l'homme père doit pouvoir assumer la paternité et reporter une réunion pour aller chercher son enfant sans se sentir coupable ni être méprisé par ses collègues hommes, alors qu'ils trouvent "normal" qu’une femme le fasse.