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P. Santoni: au cœur du triangle vertueux Espagne-Miami-Amérique latine

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Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 15 juin 2020, mis à jour le 27 octobre 2021

A cheval entre Madrid et Miami, Patricia Santoni est un des principaux experts du B2B de la technologie et l’innovation. Femme orchestre, elle gère avec brio plusieurs fronts à la fois. Sa profonde connaissance du marché en fait un atout majeur des entreprises face à l’ère du tout numérique.
 

Rien n’aurait pu faire penser au départ que Patricia Santoni allait travailler dans le secteur de la technologie. Polyglotte de par ses racines, avec un papa de famille italienne émigrée en Corse et une maman d'origine hollandaise, Patricia décide d’apprendre le chinois mandarin pendant ses études à Paris car elle a déjà une idée claire de ce qu’elle veut faire. "J’aime bien définir des plans -se souvient-elle- même si à la fin ça ne termine pas comme prévu, mais en mieux ! Mon plan était de faire du commerce international avec mes langues et le chinois, et je n'avais donc jamais pensé que je consacrerais ma vie professionnelle au secteur de la technologie".

Mais le hasard a voulu que son stage en école de commerce se fasse à IBM, pour un service qui était tout nouveau et qui travaillait sur des projets très futuristes. "On commençait à réfléchir sur le vidéo-streaming et les capacités de stockage de toutes les données -raconte Patricia Santoni. On travaillait aussi sur où et comment stocker toutes les informations nécessaires pour l’éducation on line. J’ai développé des outils de marketing pour vendre ces services et les expliquer au marché". En effet, il y a 30 ans, parler de films à la demande relevait de la pure science-fiction, puisque ces produits n’existaient pas encore sur le marché. C’est ce qu’on appelle la commercialisation programmée. Les films à la demande ont été lancés environ 15 ans plus tard, d’abord dans les grands hôtels. Quant aux plateformes telles que HBO ou Netflix, c’est encore plus récent.  

Ce passage par IBM a donc été une révélation pour Patricia Santoni. "Ça a été une découverte de l’innovation -explique-t-elle- et un apprentissage sur les défis qu’affrontent les entreprises face à ces innovations, avec ce que cela impliquait en terme de financement, de talents humains, et au niveau de l’éducation des marchés, car on parlait de choses qui n’existaient pas. J’ai aussi découvert que le monde de l’innovation, ce n’était pas forcément les nouvelles technologies mais aussi tout ce qui inclut une façon différente d’envisager les produits, les processus, de penser les méthodologies. Depuis ce jour-là j’ai décidé de travailler dans ce monde passionnant, parce que s’il y a bien un endroit où je savais que je n’allais jamais m’ennuyer, c’est celui-ci et je me suis donc engouffrée dans cet univers".

Cependant, sa découverte de l’importance des technologies lui vient de plus loin, après une expérience de six mois en Afrique, avec Caritas international. "J’ai toujours été folle de l’Afrique –raconte Patricia Santoni- et c’était pour moi une évidence de partir là-bas aider les gens. Il s’agissait de réparer des pompes à eau, des moulins à mil et d’expliquer comment utiliser les outils plus modernes et la technologie pour accéder à un meilleur niveau de vie. Ce fut une expérience incroyable de voir l’impact de l’innovation la plus simple sur les gens, comment celle-ci sert à donner une vie meilleure. L’innovation, c’est la rupture pour aller vers du mieux". 


Je ne parlais pas un mot d’espagnol, j'avais 26 ans : un vrai challenge

Pour Patricia Santoni, l’innovation a eu différents visages au cours de ses 25 ans de vie professionnelle. D’abord au sein d’Altran, grande société de consulting et d’ingénierie, dont la méthodologie de travail est très innovante avec des intrapreneurs qui développent leur business. "Ce fut une expérience très enrichissante en France, dans le monde de la banque, de l’assurance et des télécoms, que j’ai exporté en 2000 en Espagne, où j’ai pris la direction générale associée d’une des sociétés rachetées par Altran; je ne parlais pas un mot d’espagnol, j'avais 26 ans : un vrai challenge". 

Après cette expérience dans le consulting, Patricia Santoni prend contact avec un autre aspect de l’innovation, les infrastructures et le software. "Il s’agissait du management de plateformes -raconte-t-elle- d’accéder au monde de l’infogérance et du déploiement d’infrastructures de système en Espagne et au Portugal. Je ne vendais plus seulement du service mais aussi du produit. On est dans l’innovation pure et dure. Celle des produits software, un monde très  américain, qui nécessite de se réinventer chaque jour, et où il y a une concurrence féroce". La distribution en Espagne du produit software de Micro Focus s’est tellement bien développée que Patricia Santoni part à la conquête de nouveaux marchés au Mexique et au Brésil. Le succès est immédiat, d’autant qu’entre 2008 et 2012, ce fut une véritable apothéose du marché des applis, du Cloud et du saas (Software as a service).

Femme et fan de plans, Patricia Santoni décide de modifier son mode de production. "Après presque 20 ans de carrière comme salariée, responsable de business unit ou directeur général de filiales de sociétés cotées en bourse (qui ne représentent finalement qu'une partie du marché), j’ai voulu avoir une vision plus ample pour ainsi mieux comprendre comment évolue le marché des technologies de l’information et de l’innovation, du point de vue des PME et de la microentreprise, composantes majeures du tissu industriel espagnol. J’ai donc continué à faire le même métier, mais comme conseillère indépendante en facturant mes services à des grandes corporations, des PME et en participant activement au développement de l'écosystème de start-up au sein de différentes associations, en simultanée". 


La crise du Covid-19 a encore accéléré le processus de digitalisation

Et c’est ainsi que depuis 2013, Patricia Santoni compte différentes casquettes en parallèle, ce qui lui permet d’envisager le marché sous tous les angles. Son expertise l’amène à apporter son expérience du monde technologique à des sociétés de secteurs très diversifiés. "La transformation digitale affecte tous les secteurs, et les entreprises ont besoin d'experts qui ne soient pas de leur domaine pour les aider à affronter les défis de la transformation digitale en apportant sa vision des technologies et innovations qui leur permettent de se transformer. Faire grandir une société en appliquant l’innovation à l’organisation, à la gestion des talents et à la technologie est devenu vital pour les entreprises. Et pour moi, c’est très enrichissant de voir comment les secteurs du tourisme, de l’assurance, les banques ou l’agroalimentaire sont affectés par toutes ces innovations et comment les entreprises doivent réagir très vite pour adapter leurs modèles de business aux nouvelles exigences du marché". 


En trois mois, les entreprises ont plus accéléré leur digitalisation que pendant les cinq dernières années

Ce n’est donc qu’en innovant que les entreprises attirent les talents, se développent et survivent. Le travail ne manque donc pas, d’autant que la crise du Covid-19 a encore accéléré le processus de digitalisation. "En trois mois -explique Patricia Santoni- les entreprises ont plus accéléré leur digitalisation que pendant les cinq dernières années !".

Et comme Patricia Santoni est toujours dans le wagon de tête du train de l’innovation, elle a décidé de s’installer une partie de l’année à Miami. "Le monde évolue à toute vitesse et Miami est en train de devenir le nouvel Eldorado tech -raconte Patricia. Les nouveaux foyers d’innovation ne se trouvent plus tous à la Silicon Valley, qui se vide petit à petit vers d'autres pôles dont Miami. Toute entreprise qui veut s’internationaliser en Amérique Latine a intérêt à passer par Miami, c’est vraiment un accélérateur. Les capitaux sont là-bas et ce n’est pas anodin si Miami vient d'être labélisée French Tech". 


Triangle vertueux Espagne-Miami-Amérique latine

Adepte de ce triangle vertueux Espagne-Miami-Amérique latine, Patricia Santoni est en effet une fervente défenseur du développement des marchés en Amérique Latine depuis l’Espagne. "Les grands groupes espagnols, en tête de liste de l’Ibex 35, doivent une partie de leur succès et résistance aux crises récentes au développement de leur business en Amérique latine, tout en gardant un contrôle des process depuis l’Espagne". 

Mais ces 20 dernières années passées à Madrid ont laissé des traces. "Miami est très latine, mais aussi très américaine et quand je suis là-bas l’ambiance madrilène me manque !", reconnaît Patricia Santoni.

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