Dix ans jour pour jour après la signature en France de la Loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration, la Loi Copé-Zimmermann, Mujeres Avenir organisait le 28 janvier dernier une conférence sur le leadership au féminin dans les entreprises.
Dans la dynamique impulsée par l'association d'amitié hispano-française, qui avait invité il y a 3 ans au Sénat à Madrid l'une des auteures de cette loi, la députée Marie-Jo Zimmermann, les organisatrices de la rencontre se sont penchées sur les avancées obtenues en Espagne sur la question. Et de dresser un triste constat : "Nous n'avons pratiquement pas avancé au cours de ces 3 années", a déploré Maria Luisa de Contes, présidente de Mujeres Avenir.
La modératrice des débats, Rebeca Avila, Vice-présidente de la Communication et de la RSC d'Accor pour l'Europe du Sud, s'est chargée de poser le décor et les ambitions claires de Mujeres Avenir en la matière : "L'association et le féminisme entrepreneurial qu'elle incarne a pour objectif d'accélérer la 4e vague", a t-elle déclaré en introduction des débats. "Notre agenda est celui de la parité et de l'émancipation économique". Pour la responsable de la communication de Mujeres Avenir, "l'époque où nous devions démontrer nos compétences est désormais révolue". De fait une multitude d'études démontrent que l'inclusion des femmes a un effet positif au sein de l'entreprise. Pourtant, si elles représentent 40% du salariat, les femmes n'occupent que 6% des postes de direction au sein des entreprises.
L'époque où nous devions démontrer nos compétences est désormais révolue
"Toutes les mesures volontaires et les recommandations gouvernementales ont en la matière lamentablement échoué", estime Maria Luisa de Contes. "Nous estimons que la promulgation de quotas est la seule solution pour pallier à cette situation", renchérit Rebeca Avila. Et d'avertir : "Les quotas ne sont pas synonymes de discrimination positive".
L'association Mujeres Avenir dresse donc le constat de l'inefficacité des stratégies mises en place en Espagne pour atteindre l'équilibre au sein des organes de direction des entreprises. Elle se positionne clairement en faveur de l'établissement d'une véritable politique de quotas, inspirée du modèle français.
Au cours des débats, une juriste hispano-allemande, deux structures françaises -Christian Dior du groupe LVMH et Accor- et une structure espagnole -la banque Santander- étaient représentées par des "cadres dirigeantes chargées d'expérience", comme l'a souligné la Présidente de l'association, qui intègre cette année encore la liste des 25 femmes les plus influentes du pays. "Nous n'acceptons pas que le Covid nous paralyse", a-t-elle lancé. Les femmes de Mujeres Avenir ont une mission à remplir et sont mobilisées pour que le féminisme entrepreneurial aille de l'avant, en dépit des circonstances.
Avec un focus élargi à l'échelle européenne, et avec, au-delà du voisin français, l'exemple allemand en ligne de mire, les participantes ont donc repris la thématique de la représentation féminine à bras le corps.
Les quotas sont un mal nécessaire
Anne-Sophie Beraud, Vice-présidente de la Diversité et de l'Inclusion au sein du Groupe Accor a ainsi rappelé que si l'origine, la loi Copé-Zimmerman avait été critiquée, l'opinion publique estimant que les quotas n'étaient pas nécessaires, au final "la diversité n'est pas une pente naturelle". "Grâce aux quotas, aujourd'hui on arrive à avoir des femmes de talent dans les entreprises et dans les conseils d'administration", a-t-elle défendu. "Quand il y a des quotas, il y a des résultats", a-t-elle ajouté. En France aujourd'hui, il ya 44,6% de femmes dans les conseils d'administration des entreprises du CAC40, au-dessus de la proportion marquée par la loi, de 40%. Un succès donc, même si pour les entreprises où la loi ne marque pas de quotas, "les résultats ne sont pas là". "Les quotas sont un mal nécessaire", a estimé Anne-Sophie Beraud, qui soutient qu'il est désormais nécessaire de "s'attaquer au dur de l'entreprise, à savoir les Comités éxécutifs, qui eux, sont constitués de personnes issues de la propre entreprise". "Très naturellement, en France mais certainement aussi dans bcp d'autres pays, il va y avoir des lois pour légiférer pour avoir plus de femmes dans les entreprises à des postes à responsabilité", a-t-elle conclu.
Sandra Arnal, DG de Christian Dior Iberia, a illustré l'engagement du fabricant de luxe en la matière, en soulignant que le Conseil d'administration de la structure espagnole respecte les quotas marqués par la loi française, et évoquant que depuis 15 ans l'entreprise travaille pour la parité hommes-femmes au sein des comités de direction, "en faveur d'un monde meilleur". Ainsi, les 800 postes à responsabilité du groupe sont passés d'un taux d'occupation féminin de 23% en 2007 à 43% en 2020, avec la parité à l'horizon 2025.
Alicia Muñoz Lombardía, Vice-secrétaire du Conseil d'Administration de la banque Santander, a défendu que "les décisions sont prises de façon plus intelligente, au sein des organes de direction où la diversité de genre est respectée". "Les entreprises attirent plus le talent quand la diversité est totale" La Banque Santander s'est de fait calquée sur le modèle française, avec depuis le mois dernier une représentation à 40% de la gente féminine dans le Conseil d'administration.
Katharina Miller, associée fundatrice de Compliance, prenant l'exemple allemand en modèle, a défendu que "tant qu'il n'y aura pas une loi de quotas européenne incluant des sanctions, les avancées en la matière ne seront jamais significatives". La juriste a estimé qu'une directive européenne permettant d'harmoniser les circonstances de l'émancipation économnique et entrepreneuriale au féminin était urgente.