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Mujeres Avenir: le dialogue social, essentiel en temps de pandémie

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Julia Robles
Écrit par
Publié le 4 novembre 2020, mis à jour le 5 novembre 2020

Tandis que la seconde vague de Coronavirus frappe toute l'Europe et que les restrictions de mobilité sont à nouveau à l'ordre du jour en France comme en Espagne, la vie des entreprises est à nouveau mise à mal et la continuité de leur activité passe, dans bien des cas, par l'organisation du télétravail, mais aussi pour nombre d'entre elles, par des mesures de réduction de temps de travail.

De fait, fin septembre, syndicats, organisations entrepreneuriales et gouvernement accordaient en Espagne une prolongation des fameux ERTEs de force majeure -expedientes de regulación temporal de empleo- jusqu'à la fin de l'année en cours. En avril dernier, le nombre de personnes affectées par ce dispositif, spécialement négocié face à la crise du Covid, atteignait un pic de près de 3,4 millions de personnes dans le pays -ils étaient encore quelque 600.000 le mois dernier. 

"Le dialogue social a eu un protagonisme particulier cette année", annonçait la semaine dernière Maria Luisa de Contes, Présidente de l'association d'amitié hispano française Mujeres Avenir, en ouverture d'un débat retransmis sur le canal streaming de l'organisation, qui a tenu à cette occasion à se pencher -aussi- sur l'impact que la pandémie et les mesures mises en place pour préserver les postes de travail, ont eu sur l'emploi féminin. À la tribune, deux représentantes syndicales -Cristina Antoñanzas d'UGT et Elena Blasco de CCOO- une représentante du patronat, Olimpia del Águila de CEOE, et une représentante de l'Ambassade de France en Espagne, sa conseillère aux Affaires sociales Mireille Jarry, ont évoqué les négociations qui ont débouché sur l'accord existant en matière d'ERTEs, et comparé aussi les dispositions prises en France et en Espagne concernant le travail à distance. Avec en ligne de mire un constat récurrent : les femmes constituent un collectif plus fragile et sont plus à même que leurs homologues masculins, de voir leur emploi affecté par la pandémie. 


Télétravailler n'est pas concilier

Au cours des débats, les négociatrices, qui ont participé -avec le gouvernement et CEPYME (l'autre organisation patronale espagnole, absente de la rencontre organisée par Mujeres Avenir)- à l'élaboration des normes qui régulent le télétravail et la réduction de temps de travail, sont revenues sur les échanges qui depuis le printemps dernier les ont amenées à plus d'une reprise à se mettre autour de la table et à tendre des ponts entre collectifs qui, a priori, défendent des intérêts divergents. Une complicité évidente s'est établie entre ces femmes, qui depuis la perspective des employés ou celle des employeurs, ont su atteindre un certain nombre de compromis, pour permettre la sauvegarde de l'emploi et assurer, dans la mesure du possible, la viabilité des entreprises. Mais au-delà des aspects techniques de la négociation, comme par exemple la répartition des frais relatifs à l'organisation du télétravail -équipement informatique, connexion Internet, éléctricité...- les intervenantes ont surtout tenu à poser un garde-fou clair : télétravailler n'est pas concilier. "Nous devons tous et toutes être conscients, qu'il n'est pas possible de travailler et de donner le biberon en même temps", a illustré Cristina Antoñazas. Il existe un risque que le télétravail soit présenté comme un outil permettant la conciliation particulièrement adapté au public féminin. "Cela entraînera une conséquence évidente", a estimé Olimpia de Aguila : "Les femmes vont rester à la maison, les hommes iront au bureau". Et de clarifier : "il existe une voie claire pour favoriser la conciliation, et c'est la corresponsabilité". Pour Elena  Blasco en outre, "de nombreuses inégalités structurelles affectent les femmes dans notre société, qui veut que certaines activités soient essentiellement féminines, comme la garde des enfants ou les soins portés aux personnes âgées". "Attention à ne pas nous voir renvoyées, une fois encore, à la maison", avertit-elle.


Les ERTEs ont permis de sauvegarder l'emploi de 4 femmes sur 5

La formule de réduction de temps de travail pour force majeure adoptée depuis mars dernier, plus connue sous l'acronyme ERTE, comporte également une forte teneur en matière d'impact de genre. De fait, sur les près de 3,4 millions de travailleurs affectés par la mesure en avril dernier, 1,5 millions étaient des femmes. "Grâce à cette formule, nous avons pu sauvegarder l'emploi de 4 femmes sur 5", a observé la représentante du patronnat, qui a en outre souligné que la crise, de par son caractère sanitaire, a majoritairement affecté les secteurs à forte présence féminine, comme le secteur des services. Attention néanmoins, la fin de réduction de temps de travail n'est pas la même pour les hommes que pour les femmes, a nuancé Cristina Antoñanzas : "Nous ne nous réincorporons pas dans le monde du travail dans les mêmes proportions que les hommes", a-t-elle averti, évoquant par ailleurs que le pourcentage de femmes touchées par un ERTE sur la masse globale de travailleurs concernés est plus importante en octobre qu'au mois de mai dernier. "Les ERTEs de force majeure ne constituent qu'une mesure parmi d'autres", a quant à elle signalé Elena Blasco, qui a notamment évoqué les prestations de revenu minimal vital définies au cours de la crise... et les difficultés liées à leur perception par les public concernés. "Nous allons devoir nous rasseoir autour de la table le 1er janvier prochain, pour négocier les conditions d'une nouvelle prorrogation de la mesure", ont accordé les intervenantes.

 

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Photo / Julia Robles


Plan d'action d'entreprise relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes

La crise du Covid intervient tandis que les entreprises sont, de part et d'autres des Pyrénées, toujours plus incitées à tendre vers l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Dans l'œil du cyclone, la brèche salariale qui persiste, et peut être plus insidieux, l'infra-valoration des postes de travail et des secteurs majoritairement féminins. En Espagne, les entreprises ont désormais l'obligation de mettre en place les mécanismes permettant de disposer de plus de transparence concernant l'écart de retribution entre hommes et femmes. "Il ne faut pas craindre la transparence salariale" a défendu la Vice-secrétaire générale d'UGT, rappelant que les syndicats, qui ont pour mission de recueillir les données de rémunération des salariés en vue de cette transparente, sont aussi garants de la confidencialité de l'ensemble des informations personnelles, qu'ils manipulent déjà au quotidien. La transparence salariale n'aura pas de sens, tant que ne seront pas mis en place des mécanismes et des indicateurs permettant une évaluation objective des postes de travail, a néanmoins mis en garde Elena Blasco, de CCOO. "C'est ce qui nous permettra d'identifier où exactement a lieu la discrimination", a-t-elle estimé.


Plus de transparence en France qu'en Espagne

En France, les entreprises ont désormais l'obligation de rendre public un index d'égalité professionnelle, a expliqué Mireille Jarry, conseillère aux Affaires sociales de l'Ambassade de France en Espagne. Cet index est calculé sur la base de différents indicateurs, tels que la différence salariale, bien sûr, mais aussi la répartition des augmentations salariales entre hommes et femmes ou encore le nombre de femmes bénéficiant d'une augmentation après un congé maternité. Les entreprises ont l'obligation de négocier en interne sur les mesures à mettre en place pour réduire la brèche salariale et tandis que la transparence est à ce jour plus grande qu'en Espagne, les pénalités appliquées en cas de non application de la loi -jusqu'à hauteur de 1% de la masse salariale de l'entreprise- sont plus lourdes que celles appliquées au sud des Pyrénées. "L'Espagne doit s'inspirer de la France concernant la transparence salariale", a estimé Maria Luisa de Contes en conclusion des débats, évoquant deux pays qui s'inspirent l'un l'autre. "Nous avons l'obligation d'aller plus loin en matière d'égalité hommes femmes", a-t-elle insisté.