Gaël Faye remporte le “prix Goncourt : le choix de l’Espagne 2024” pour son roman Jacaranda, un récit sensible et bouleversant sur la mémoire, le pardon et la reconstruction après le génocide rwandais. L’annonce a été faite ce jeudi 8 avril à l’Institut français de Madrid, à l’issue de la délibération d’un jury composé d’étudiants issus de plusieurs universités espagnoles et des lycées français de Madrid, Barcelone et Valence.


Le “prix Goncourt : le choix de l’Espagne 2024” : un jury jeune et engagé
Présidé par Pierre Assouline, écrivain et membre de l’académie Goncourt, et Eva Orúe, directrice de la Foire du Livre de Madrid, le jury 2024 réunissait des étudiants en lettres de l’université autonome et de l’université complutense de Madrid, ainsi que des universités de Valence, Oviedo et Grenade. Pour la première fois, trois lycéens des lycées français d’Espagne ont également participé aux débats.

Dans son discours d’ouverture, Éric Tallon, conseiller culturel de l’Ambassade de France en Espagne, a souligné le caractère unique de ce prix : “Le prix Goncourt occupe une place à part dans la saison littéraire française. Il est probablement le plus prestigieux, le plus attendu et le plus célèbre”. Il a rappelé que depuis 1998, avec le premier “prix Goncourt : le choix de la Pologne”, plus de 40 pays remettent chaque année leur propre prix Goncourt à partir d’un jury national. L’Espagne a rejoint ce projet en 2017, avec le soutien de grands écrivains espagnols.
Créé en 1903, le prix Goncourt est la récompense la plus emblématique de la rentrée littéraire en France. Chaque année, l’académie Goncourt distingue un roman écrit en langue française et publié au cours de l’année. La délibération a lieu lors d’un déjeuner cérémonial au célèbre restaurant Chez Drouant, à Paris. Le lauréat reçoit un chèque symbolique de 10 euros : l’essentiel du prix réside dans la notoriété qu’il confère. Le roman primé est souvent tiré à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Parmi les auteurs couronnés au fil des décennies, on retrouve des figures majeures de la littérature francophone : André Malraux, Marguerite Duras, Romain Gary, Simone de Beauvoir, Julien Gracq, Amin Maalouf, Mathias Énard ou Leïla Slimani. Lors de la dernière édition, le 4 novembre 2024, le prix a été attribué à Kamel Daoud pour son roman Houris (Éditions Gallimard).

Quatre romans finalistes, un seul lauréat

Les étudiants devaient choisir entre quatre œuvres finalistes de l’académie Goncourt :
- Madelaine avant l’aube de Sandrine Collette,
- Jacaranda de Gaël Faye,
- Houries de Kamel Daoud,
- Archipels de Hélène Gaudy.
Après plusieurs mois de lecture, d’échanges et de réflexion, le jury s’est réuni à Madrid pour une ultime délibération. C’est Sara Jiménez Bueno, étudiante à l’Université de Grenade, qui a annoncé le lauréat : “Nous avons choisi Jacaranda pour sa manière d’explorer des thématiques universelles et profondément humaines : le pardon, le traumatisme générationnel, la reconstruction après un génocide. Ce roman nous parle du silence, du vide, du poids de la mémoire sur les générations futures. Il montre le pouvoir de la littérature comme acte de réparation.”
Créé en 1998 à Cracovie, le “prix Goncourt : le choix de…” permet à des jurys étudiants du monde entier de désigner leur lauréat parmi les finalistes du Goncourt. L’Espagne y participe depuis 2017, aux côtés de plus de 35 pays. Chaque année, des étudiants en lettres de plusieurs universités espagnoles débattent autour de quatre romans, avant de désigner un vainqueur à Madrid, en présence d’un représentant de l’académie Goncourt et sous la présidence d’une personnalité littéraire espagnole. Ce projet, porté par l’Institut français et l’Ambassade de France en Espagne, vise à promouvoir la littérature francophone contemporaine et à renforcer les liens culturels et universitaires entre les deux pays.
Jacaranda, un roman bouleversant sur le traumatisme et la transmission
Inspiré de faits réels, Jacaranda retrace l’histoire de Milan, né à Versailles d’une mère rwandaise silencieuse sur ses origines. Le jeune garçon, marqué par l’absence de récit familial, découvre progressivement le drame du génocide, d’abord par les images, puis par le témoignage d’un survivant accueilli chez lui. Quelques années plus tard, un voyage au Rwanda bouleverse son existence et marque le début d’un long dialogue avec le passé.

Au fil des décennies, Milan retourne régulièrement au Rwanda, confronté à l’histoire coloniale, aux cicatrices du conflit, mais aussi à la beauté du pays, à ses soirées festives, à ses amitiés. À Kigali, il rencontre Stella, une jeune fille qui, elle aussi, cherche à comprendre ses racines à l’ombre d’un jacaranda, cet arbre emblématique qui fleurit après les tempêtes. Avec une plume à la fois poétique et lucide, Gaël Faye signe un roman vibrant qui célèbre la résilience humaine, la transmission et la capacité à se reconstruire.
Gaël Faye, ou la poésie d’un monde à reconstruire
Déjà lauréat du prix Renaudot 2024, Gaël Faye confirme, avec Jacaranda, le talent révélé par Petit pays, son premier roman couronné par le prix Goncourt des lycéens. Traduit en quarante langues, ce récit avait conquis plus de deux millions de lecteurs dans le monde. Artiste complet - auteur, compositeur, interprète - Gaël Faye explore dans ses œuvres les liens entre mémoire personnelle et histoire collective, identité et exil, douleur et poésie.
Pilar Suárez, directrice du département de philologie française de l’université autonome de Madrid, a souligné l’importance pédagogique du prix Goncourt : le choix de l’Espagne 2024 : “Nos étudiants ont été considérés comme des lecteurs professionnels. Leur jugement devait être argumenté, nourri de leurs connaissances. Cette expérience leur a montré que la littérature peut avoir un impact concret, qu’elle peut aussi être source de plaisir, d’émotion et de dialogue.”
Comme pour les autres éditions internationales, Jacaranda bénéficiera de sa traduction en espagnol, de sa publication dans le pays organisateur, ainsi que d’une tournée de conférences de l’auteur en Espagne lors de la sortie de l’ouvrage. Un événement littéraire qui illustre, une fois encore, la force du dialogue interculturel et le rôle fondamental de la jeunesse dans la transmission des savoirs et des émotions.
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