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Cyrille Mascarelle: "On ne peut pas assurer un risque pandémique"

Cyrille MascarelleCyrille Mascarelle
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Écrit par Vincent GARNIER
Publié le 9 février 2021, mis à jour le 2 juillet 2021

Directeur général en Espagne d'Asefa et administrateur délégué pour le Portugal de Victoria, deux entités appartenant au français SMABTP, spécialiste de l'assurance construction, Cyrille Mascarelle pilote depuis 2013 l'activité de l'assureur dans le pays de Cervantès, et ses diversifications dans le domaine de la santé notamment. Comme pour l’immense majorité des entreprises, la crise du Coronavirus a supposé pour le groupe un défi organisationnel et commercial particulier, avec en sus les enjeux que représente cette nouvelle menace pour le secteur des assurances, mais aussi "la responsabilité sociétale" dont il a su faire preuve jusqu'à présent. Quels sont donc les défis et les perspectives de cet assureur atypique, dans le panorama ibère actuel ?
 
Quelques jours après le passage de la tempête Filomena et après que la capitale espagnole a enregistré des chutes de neige record, causant une série de dommages encore difficile à évaluer, Cyrille Mascarelle s'efforce depuis ses bureaux madrilènes de dresser le bilan d'une année exceptionnelle pour le secteur des assurances, au sein duquel Asefa -leader du marché de l’assurance construction- et Victoria -leader au Portugal dans le domaine des assurances de personnes et du transport- ont, tandis que l'Europe s'efforce de faire de 2021 l'année de la relance, leur carte à jouer. Au siège social d'Asefa, avec un système d'équipes qui se relaient et un taux de remplissage à 50% des locaux, on s'évertue en tous cas de préserver un aspect essentiel de l'activité : le service client. "L'assurance n'intervient qu'en cas de coup dur", rappelle le Directeur général Espagne, "et nous nous devons d'être présent pour garantir les prestations", estime-t-il. À contre-courant d'une certaine forme de pensée qui a trouvé dans la réorganisation post-pandémique du travail un nouveau paradigme, et convaincu "que le télétravail ne sera pas une solution pérenne", Cyrille Mascarelle défend le présentiel et l'action de terrain. Pour faire front. Pour souder les équipes. Pour ne perdre aucune opportunité que les réunions présentielles et leur lot de communication non-orale -ce "bodylanguage" que les vidéoconférences nous escamotent tant- sont en mesure d'apporter. Le Comité Exécutif a montré l'exemple, présent dans les locaux tout au long du premier confinement. "On a appris beaucoup de choses, on dispose désormais de leviers pour agir", reconnaît Mascarelle, "mais nous ne devons jamais perdre de vue que les relations personnelles et humaines sont fondamentales dans le cadre de notre métier". 
 

La pandémie nous a montré que l'activité assurantielle reste et demeure une activité essentielle


 
Oui, les Espagnols ont eu d'avantage recours à l'assurance santé du fait de la crise du Covid. Un phénomène qui s'explique par les lenteurs propres au service de santé publique dans le pays et par la saturation dérivée de la pandémie, et le souhait de nombreux citoyens de pouvoir bénéficier de soins dans des délais plus brefs, mais qui s'équilibre aussi par une proportion d'assurés qui se sont vus contraints de résilier leurs contrats, difficultés économiques oblige. Avec ses quelque 36.000 affiliés -une goutte d'eau dans un océan de plusieurs millions d'assurés et où les 5 premiers acteurs concentrent près de 60% de parts de marché- Asefa, avec ses produits de santé spécialement développés pour le marché de la famille et son lot de soins primaires, mais aussi d'accès aux services de pédiatrie, de gynécologie ou de soins dentaires par exemple, a forcément été aux premières loges. "La pandémie nous a montré que l'activité assurantielle reste et demeure une activité essentielle", observe son DG. De fait, il n'est pas inutile de rappeler qu'en Espagne l'Etat a préempté les hôpitaux privés pour une partie des malades du Covid. Le secteur, via la patronale, a ainsi accepté de prendre en charge les coûts relatifs à l'hospitalisation de ces malades lorsqu'ils étaient assurés. "Nous avons considéré que c'est ce que nous devions faire au niveau de notre responsabilité sociétale", déclare Cyrille Mascarelle. La mise en place d'une couverture exceptionnelle du personnel sanitaire, couvrant toutes maladies, incapacités ou décès, causés dans le cadre de l'exercice de la profession, a également été accordée par l'ensemble des opérateurs. Une solidarité tout à l'honneur de ses instigateurs, certes, mais qui ne doit pas masquer les fragilités du secteur, face à l'ampleur du phénomène. "On ne peut pas assurer un risque pandémique", explique Cyrille Mascarelle, revenant sur les B-A BA du métier, "car c'est l'ensemble de la population qui est dans ce cas touché". Ce n'est pas un hasard si les pandémies sont généralement des clauses d'exclusion des contrats d'assurance. Les choix de jurisprudence qu'appliqueront les différents pays en la matière, par exemple concernant les pertes d’exploitation de certains secteurs, seront cruciales concernant l'avenir de l'assurance et de ses acteurs. 

 

Le bénéfice de l'expérience française


En Attendant Asefa regarde vers l'avenir avec une certaine sérénité. Avec 51% de ses revenus issus du domaine de la construction (contre 45% issus de la santé), l'assureur conserve dans son ADN une attache à un secteur particulièrement structurant dans le pays, et qui devrait avoir de beaux jours devant lui. Certes, 2020 a été marqué par une baisse d'environ 30% des logements mis en chantiers en Espagne, par rapport aux 100.000 unités comptabilisées en 2019. Et certes, 2021 devrait être sur la même dynamique. Il n'empêche qu'en Espagne il est urgent "de travailler sur les infrastructures, qui sont pour beaucoup obsolètes", analyse Cyrille Mascarelle. Hôpitaux publics, systèmes de traitement des eaux, réseaux routiers, transports publics... Une multitude de secteurs sont concernés. La fermeture de l'aéroport de Madrid suite aux chutes de neige illustre la nécessité d'investir en la matière. C'est aussi la mise aux normes des logements qui devrait porter la construction au cours des prochaines années. Avec le plan PNIEC (Plan Nacional Integrado de Energía y Clima) adopté par le gouvernement, les besoins de performance énergétique, d'accessibilité et les mises aux normes des édifices devraient générer un important volume de chantiers, sur lesquels Asefa intervient comme assureur. "D'ici l'horizon 2050, tout le parc immobilier devra être mis aux normes et devra prouver une qualification énergétique de niveau A", rappelle Mascarelle. "Nous avons en la matière le bénéfice de l'expérience française", rebondit-il. Vingt ans après l'instauration des assurances décennales obligatoires en Espagne et 42 ans après son instauration en France- Asefa s'appuie sur le savoir-faire de sa maison mère SMABTP pour s'assurer un confortable leadership sur cette niche, dans le pays des géants mondiaux de la construction, ACS, Acciona, FCC, Sacyr et autres Ferrovial. "Il est essentiel pour le groupe d'être présent auprès de ces big players internationaux", confirme le DG de la structure en Espagne. 
 
 
Face à l'incertitude liée au contexte Covid, Asefa affiche donc un "optimisme prudent". "La crise du Covid a globalement montré qu'en Espagne comme au Portugal, le peuple et l'économie ont une capacité de résilience extraordinaire", juge Cyrille Mascarelle.