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CHRONIQUE DU MANAGEMENT EN ESPAGNE – Cyrille Mascarelle, à propos du régionalisme et de la "journée intensive"

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 19 octobre 2014, mis à jour le 26 septembre 2023

Cyrille Mascarelle dirige depuis 18 mois la société ASEFA Seguros, entreprise d'origine espagnole et à capitaux français, qui assure les entreprises et les particuliers en matière de construction et de santé. Il connaissait déjà bien l'Espagne, pour y avoir travaillé pendant 5 ans, entre 2006 et 2011 lorsqu'il était chez Ernst & Young, chargé de développer les relations avec les assureurs français présents dans le pays, et faisant le lien entre les différentes missions de conseil du secteur de l'assurance, pour les bureaux français et espagnols de son employeur.


(Photos Laure Helfgott) A l'occasion du rachat de la société Victoria Seguros par le groupe SMABTP en novembre 2011, il se voit proposer une place au sein du comité de direction de ce grand groupe. Mais en mars 2013, lorsque l'ancien directeur général d'ASEFA Seguros ?filiale de SMABTP? tombe gravement malade, le président du groupe voit en Cyrille Mascarelle la personne la mieux placée pour prendre la direction de la filiale au pied levé, du fait de ses connaissances approfondies de l'assurance et de l'Espagne.
Pour Cyrille Mascarelle, c'est à la fois un défi et un choc. Il doit en effet, quasiment du jour au lendemain, sortir du rôle de consultant pour prendre les manettes du dirigeant et affronter de surcroît l'une des plus grosses crises que l'entreprise ait jamais traversée.  

Sa première année ressemble à un parcours du combattant : il apprend à décider, parfois avec une visibilité réduite, à faire des choix et se forger des convictions, à assumer les conséquences de ses décisions, et accepte de ne pas être toujours populaire. En effet, les restructurations et plans sociaux, même lorsqu'ils sont reconnus comme inévitables et nécessaires par les salariés de l'entreprise, n'en restent pas moins douloureux à traverser et à gérer, et sont facteur d'éloignement et de méfiance vis à vis du dirigeant.
Or, loin de l'image véhiculée du consultant qui nettoie puis repart aussi vite qu'il est venu, Cyrille Mascarelle restructure pour assurer la survie de l'entreprise, puis reste et assume jusqu'au bout la responsabilité des décisions difficiles qu'il a dû prendre. Lorsque l'on souligne le courage qu'il faut pour mener un plan social, Cyrille Mascarelle repousse le compliment et place le courage chez ceux qui, bien qu'ayant appris leur licenciement, continuent à se dédier à l'entreprise et à donner leur temps pour mener à bien leur mission. Ce sont peut-être cette humilité et cette reconnaissance des efforts et des qualités de ses salariés qui lui permettent aujourd'hui de recréer les liens malmenés par la crise traversée.

Un régionalisme parfois déconcertant et une "journée intensive" étonnamment légère
Parmi les éléments qui le surprennent encore en Espagne, il y a l'hétérogénéité : chaque région fonctionne de manière si autonome qu'il est quasiment impossible de développer des affaires dans une autre région sans s'appuyer sur des représentants locaux, en particulier dans deux régions très marquées culturellement : le Pays Basque et la Catalogne. Mais du fait de leur frontière commune, les Français, bien que non locaux, y sont plutôt bien reçus.
Ce point est si marqué que Cyrille Mascarelle a eu la surprise, lors d'une conférence sectorielle en Galice l'année dernière, d'entendre parler des "exportations" de la Galice... vers les autres régions d'Espagne ! Il y a souvent deux niveaux de langage : le régional et le national, et deux niveaux de lecture à prendre en considération : la région vers les autres régions, et la région vers les autres pays.

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Son autre motif d'étonnement est la "journée intensive" 8h-15h, tant par le terme employé que par sa pratique généralisée. Chez Asefa Seguros, elle est de rigueur en été, de mi-juin à mi-septembre, avec une exception le vendredi où tous les salariés finissent à 14h30, et également pendant la semaine de San Isidro à Madrid en mai. Et si Cyrille Mascarelle ne manifeste aucune velléité de changer cette habitude bien ancrée et inscrite dans la convention collective, il reconnaît néanmoins qu'il est parfois difficile d'expliquer à la maison mère qu'il vaut mieux appeler l'Espagne le matin, car il y a beaucoup moins de monde l'après-midi?
Au-delà de cette particularité estivale, il observe aussi une vraie culture des échanges informels. Même dans la journée non intensive ?donc de 8h à 19h (!)- un créneau est réservé le matin au "desayuno" pris dans le restaurant d'entreprise et mis à profit pour les échanges informels. Cette tradition convient bien à Cyrille Mascarelle, mais il conçoit aisément que ce soit plus difficile à comprendre pour des Anglais ou des Hollandais. Beaucoup de décisions en Espagne se prennent ainsi autour d'un café plutôt que d'une table de réunion. Et il n'existe pas de réunion qui commence à l'heure, suive l'ordre du jour prévu, et se termine à l'heure avec l'ensemble des sujets clos. A cet effet, il est souvent difficile, voire impossible, dans une multinationale, d'appliquer dans la filiale espagnole des standards d'organisation et de reporting uniformisés. De même, Cyrille Mascarelle observe que les expériences de team-building qui fonctionnent dans certains pays sont assez mal reçues en Espagne et ont un succès plutôt limité. Les équipes sont naturellement motivées, et accordent une importance capitale à la qualité des relations entre les personnes et à la bonne ambiance. Or ce n'est pas un événement de team-building isolé qui crée la bonne ambiance selon eux? contrairement au petit-déjeuner chaque matin !

Les 3 conseils qu'il donnerait à un manager français qui arriverait en Espagne le mois prochain ?
- S'intéresser au sport ! A tous les sports
- Parler parfaitement espagnol, et ne pas s'attendre à pouvoir travailler dans une autre langue
- Considérer que l'Espagne n'est pas un pays homogène mais une somme de régions dans lesquelles on ne travaille pas de la même manière, et pour lesquelles on doit donc envisager une approche spécifique, non seulement d'un point de vue culturel, mais également d'un point de vue légal.

Propos recueillis pour lepetitjournal.com par Laure Helfgott, Coach certifiée HEC Paris. Cette interview se place dans le cadre de l'étude qu'elle mène à Madrid, en partenariat avec lepetitjournal.com et La Chambre, sur l'influence de la culture espagnole dans les pratiques managériales des dirigeants français en Espagne. Cette étude sera présentée lors d'une conférence à La Chambre début 2015.

(www.lepetitjournal.com) Lundi 20 octobre 2014
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Publié le 19 octobre 2014, mis à jour le 26 septembre 2023