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A la recherche d’Al-Andalus. La conquête

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CC Sylvain Gimenez https://www.flickr.com/photos/gimmygimmycheak/sets/72157625484716828/
Écrit par Quentin Gallet
Publié le 14 novembre 2019, mis à jour le 15 novembre 2019

Al-Andalus. Nom mystérieux qui rappelle des temps reculés mais pas oubliés. Une époque où le croissant dominait une vaste partie du pays que nous connaissons aujourd’hui. L’histoire de l’Espagne musulmane, qui court de 711 à 1492, a toujours fasciné et divisé. A travers cette série que nous lui consacrons, nous tâcherons de vous faire revivre ces siècles de découvertes, de cohabitations mais aussi de guerres et de paradoxes. 

 

Les derniers temps du royaume wisigoth

Notre histoire commence au début du VIIIe siècle. Voilà alors plusieurs siècles que l’Empire romain d’Occident n’est plus ; seule subsiste sa partie orientale. Dans la péninsule Ibérique (Espagne et Portugal actuels), les nouveaux maîtres sont les Wisigoths, un peuple germanique qui a installé sa capitale à Tolède. Marquant une étape importante dans la consolidation de leur monarchie, les rois wisigoths se sont convertis au catholicisme. L’élément germanique se mélange alors plutôt bien avec les Hispano-romains présents dans le pays. 
L'Espagne wisigothique est assez prospère et peut rapidement s’étendre et contrôler le territoire de l’ancienne province romaine d’Hispania. Dans le domaine de la culture, le célèbre Isidore de Séville acquiert une réputation de savant en Occident. 

 

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Une couronne votive, exemple de la richesse de l’art wisigothique (image tirée du domaine public)

Cependant, la monarchie wisigothique a des fondements assez faibles du fait du mode de succession. Théoriquement élus, les rois essayent bien souvent de placer leur fils sur le trône à leur suite ce qui ne manque pas de créer d’importants conflits avec les chefs des clans rivaux. 
Ces luttes incessantes pour le pouvoir finissent par fragiliser un royaume relativement récent. Si l'on ajoute à cela la peste qui frappe le royaume à la toute fin du VIIe siècle et les multiples persécutions endurées par les minorités, on obtient un terreau tout à fait favorable à l’invasion d’une puissance étrangère. 


La traversée du Détroit
 

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Détroit de Gibraltar (image tirée du domaine public)

 

En ce printemps de 711, année à laquelle commence notre récit, c’est le tout nouveau roi Rodéric qui gouverne. Il est très occupé à combattre les remuants Basques, dans le nord du pays, ce qui laisse la partie méridionale sans protection efficace. 
C’est alors que se produit l’impensable : la traversée du Détroit de Gibraltar par une armée musulmane. Celle-ci est composée d’Arabes et de Berbères (fraîchement islamisés par ces derniers) et est dirigée par Tariq Ibn Ziyad. Les soldats franchissent la quinzaine de kilomètres qui séparent les terres nord-africaines du continent européen. De ce fait, le Détroit prendra plus tard le nom de Gibraltar (de l’arabe "Djabal Tariq"). 

Nous sommes en 711 mais revenons un peu en arrière, si vous le voulez bien, car il est important de rappeler les origines de cette conquête. Elle ne tombe pas comme cela et s’inscrit dans une histoire : celle de l’islam. La dernière religion monothéiste naît en Arabie dans le premier tiers du VIIe sous l’impulsion du prophète Mahomet. Dès les premières années, les Arabes musulmans entreprennent une politique d’expansion fulgurante. La Perse, l’Irak, l’Egypte puis le Maghreb tombent sous leur domination. Le centre du pouvoir du monde musulman se trouve alors à Damas, en Syrie. La dynastie des Omeyyades y règne en califes. 

Retour en 711. Le nord de l’Afrique vit alors sous le règne du croissant. Le calife y a donné le poste de gouverneur au général Moussa Ibn Nusayr. Celui-ci mène une efficace campagne militaire et religieuse. Les habitants du Maghreb, dont les Berbères, sont convertis. Si Moussa Ibn Nusayr prend Tanger, il échoue devant Ceuta. Arrivé à l’extrémité ouest de la côte méditerranéenne de l’Afrique, il se tourne alors vers le continent européen et les terres de l’ancienne Hispania. 


Victoires et conquêtes

Le roi Rodéric averti de l’entrée des intrus, laisse les Basques et se dirigent à bride abattue vers le sud de son royaume. L’armée du roi wisigoth et celle de Tariq se rencontrent lors de la bataille du Guadalete, près de Cadix. L’armée catholique est défaite et Rodéric tué au combat. 
 

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Rodéric lors de la bataille du Guadalete

Il serait toutefois faux d’imaginer qu’à l’issue de cette bataille, Al-Andalous est née et l’Espagne musulmane mise sur pied du jour au lendemain. Le processus prendra plusieurs années. Une fois la Péninsule soumise, sans qu’une résistance acharnée ne soit rencontrée (à part dans le nord), le gouverneur du Maghreb forme un émirat, une province du très vaste califat de al-Walid Ier. 
Motivés par ce succès, les Musulmans poursuivent leur politique de conquête au nord des Pyrénées. Même si des victoires sont enregistrées, l’expansion est stoppée par Charles Martel à Poitiers en 732. 


Les raisons d’une débâcle

Les historiens, et pas seulement eux, s’interrogent très tôt sur les raisons d’une telle déconfiture de la part de la monarchie wisigothique. 

Nous l’avons déjà vu, les bases du régime n’étaient pas des plus solides. Les querelles pour la captation du pouvoir au plus haut niveau engendraient des tensions pouvant aller jusqu’à la guerre civile. 

Par ailleurs, les habitants les plus durement traités, les juifs et les esclaves en tête, n’avaient pas grand intérêt à ce qu’un tel pouvoir prospère. Ils se dirent sans doute qu’ils avaient plus à gagner des envahisseurs que des rois wisigoths qui avaient fait d’eux, dans le meilleur des cas, des sujets de seconde zone. 

Enfin, comme l’Histoire adore les personnages ambigus et les récits de vengeance, intéressons nous au comte Julien. "Qui c’est celui-là ?", direz vous. C’est le gouverneur byzantin de Ceuta. Nous avons vu tout à l’heure que Moussa, le chef musulman de l’Afrique, avait échoué à prendre cette ville qui est un des derniers reliquats de l’empire de Byzance dans la région.  Or, ce Julien (ou "Yuliân" pour les sources arabes) avait une sérieuse dent contre Rodéric, le roi wisigoth, qu’il considérait tout d’abord comme un roi usurpateur et, de manière plus intime, qu’il accusait d’avoir porté atteinte à l’honneur de sa fille. 

Aussi, malgré des intérêts diamétralement opposés au Maghreb, le comte Julien aurait apporté une aide certaine à Moussa et à Tariq. Il fit plus que les inciter à traverser le Détroit : il leur aurait fourni des navires afin de mener à bien cette opération. Même si certains historiens ont douté de l’existence de ce personnage, il montre que l’histoire de la conquête arabo-berbère de la péninsule Ibérique est plus complexe qu’elle n’y paraît.

Dans le prochain article, nous nous intéresserons à l’émirat puis au califat de Cordoue qui laisse de nos jours de nombreux monuments remarquables, un héritage considérable et une histoire riche et mouvementée. 

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