Lepetitjournal.com a échangé avec Elodie et Dimitri, deux étudiants partis à la rencontre du monde entrepreneurial allemand avec leur Odyssée managériale. Mentalité, rigueur et productivité, feierabend, et innovations de la part des jeunes, le management à l’allemande n’aura plus de secrets pour vous.
Elodie et Dimitri, deux étudiants en quête de réponses à leurs interrogations concernant les pratiques entrepreneuriales d'aujourd'hui et de demain sont partis pendant plus de 6 mois dans 8 pays différents. A la recherche des crises que traversent les structures aujourd’hui, ils questionnent et se questionnent au sujet des pratiques managériales du futur. Décryptage de leur séjour en Allemagne.
Quelles caractéristiques principales retenez-vous des pratiques managériales des entreprises allemandes ?
En Allemagne, le travail rime avec rigueur, productivité et résultat. Et cela se remarque directement dans la communication. Les Allemands usent d’une communication directe, frontale qui surprend plus d’un Français… Le franc parler est quelque chose d’apprécié en entreprise.
Il y a aussi une réelle délimitation entre la vie professionnelle et la vie personnelle. En Allemagne, on n’a pas le même visage au travail et hors du travail : il y a une cassure à la fin de la journée. L’ambiance studieuse, rigoureuse et intense de la journée de travail prend fin lors du feierabend. C’est le moment où tout le monde se retrouve après une journée de travail pour boire une bière. À ce moment-là, les masques tombent, et les collaborateurs qui se vouvoyaient une heure plus tôt, se tutoient et se racontent des blagues. À partir de 17h, on peut se rendre compte que le collègue qu’on trouvait en journée un peu trop sérieux est en fait très décontracté et drôle.
Ce pragmatisme et cette rigueur allemande ne sont pas du tout incompatibles avec l’aspect collectif ainsi qu’avec l’importance du travail collaboratif. Au contraire, ces deux aspects sont même conciliables. On nous décrit le management allemand comme un management collégial. Cela signifie qu’en Allemagne, tous les collaborateurs vont travailler ensemble pour atteindre un but commun (la réalisation du projet). C’est réel, on ne travaille pas pour se faire bien voir par son patron, on travaille pour faire avancer le projet. La recherche d’efficacité et d’excellence sont les facteurs de motivation pour une équipe.
Attention toutefois à ne pas faire de confusion : travailler de manière collaborative ne veut pas dire qu’il n’y a plus de hiérarchie. La structure de l’organigramme est très similaire à ce qu’on peut connaître en France (structure pyramidale). La différence majeure c’est qu’en Allemagne les rapports sociaux entre les différents échelons de hiérarchie sont plus flous : si on n’est pas d’accord avec son chef, on lui dit, il n’est pas question d’avoir peur de lui, et il en tiendra rigueur. Tous les collaborateurs peuvent participer au processus de décision et le patron allemand n’est aucunement de droit divin. Il prendra la décision, mais ne pourra pas la prendre seul et devra concerter ses collègues ou ses subordonnés dans un premier temps.
Quelles sont les principales crises managériales en Allemagne actuellement ?
En Allemagne, la modernité se trouve parfois rattrapée par le poids des habitudes et traditions. On a d’un côté les entreprises du “Mittelstand”, qui forment l’épine dorsale de l’économie allemande et qui fonctionnent encore bien souvent de manière très traditionnelle. Ces entreprises forment un ensemble assez hétérogène composé d’entreprises familiales et de PME principalement. Elles sont caractérisées par leur paternalisme et par un certain archaïsme des relations professionnelles. Ces structures se trouvent donc confrontées aux volontés de flexibilité des jeunes, pour qui elles constituent un lieu de travail peu attractif. On peut dire qu’en cela il y a une certaine crise.
Mais, d’un autre côté, on voit de plus en plus émerger des entreprises au caractère innovant et en rupture comme Fritz-Kola, que nous avons visité à Hambourg. L’entreprise montre fièrement sa culture d’entreprise jeune, branchée et dynamique. Il y a également de plus en plus de startups adeptes du freelance ou du remote work, qui viennent challenger les façons de travailler traditionnelles de l’Allemagne.
Lorsqu’on parle de crise en Allemagne, comment ne pas mentionner l’écologie ? En Allemagne, les énergies renouvelables représentent 40% de la production électrique du pays (c’est 20% en France), ce qui en fait un pays pionnier en termes d’énergie verte. Il est quasi impossible de traverser l’Allemagne sans voir de gigantesques parcs éoliens. Mais à côté de ça, 45% de l’électricité allemande est produite par des énergies fossiles comme le charbon ou le gaz. Cette contradiction, les Allemands en sont conscients, et un effort réel est fait en entreprise pour sensibiliser et adapter les pratiques managériales aux besoins de la planète. Le cabinet de conseil en immobilier Drees & Sommer conçoit ainsi des espaces de travail pensés sur le long terme, avec des matériaux recyclables ou biodégradables. L’entreprise travaille d’ailleurs avec d’autres organisations engagées dans la préservation de l'environnement qui fournissent des matériaux de construction durables et écologiques.
Comment les pratiques managériales allemandes se différencient-elles des pratiques en France ?
Nos voisins commencent leur journée globalement plus tôt que nous, et n’ont pas la même conception de la pause. Une journée de travail commence rarement après 8h et il n’y a pas réellement de pause le midi.
On nous explique aussi qu’en entreprise, les discussions de couloir, les pauses café à rallonge et les pauses cigarettes sont vues d’un mauvais œil. Pourquoi ? Car les Allemands y voient une perte de temps et d’efficacité.
Autre point qui nous a marqué et qui a souvent été mentionné lors de nos entretiens c’est la façon dont l’expérience est valorisée en Allemagne. Là où les Français accordent une importance forte aux diplômes, les Allemands vont plutôt valoriser l’expérience et la motivation d’une personne. On nous explique qu’après chaque expérience (stage, CDD…), un Allemand se voit délivrer un certificat de la part de son supérieur qui va mettre en avant les compétences acquises par la personne. Il y est décrit les tâches réalisées, les responsabilités accordées et cette lettre va réellement être prise en considération pour l’emploi suivant.
Pour recevoir gratuitement notre newsletter du lundi au vendredi, inscrivez-vous !