Annonces frauduleuses sur les plateformes de location, fausses visites d'appartement, détournement des documents officiels des candidats... Les arnaques se multiplient sur le marché de l'immobilier à Berlin, et sont de plus en plus élaborées, les rendant difficiles à déceler.


Charlotte (le prénom a été modifié) n'en revient toujours pas. En avril 2024, sa compagne et elle visitent un appartement à Kreuzberg, au sud-est de Berlin. Lors de la visite, tout se passe bien : " L'agent immobilier était très professionnel et amical, et en sortant, nous avons croisé d'autres personnes venant voir le logement après nous. " Quelques jours plus tard, Charlotte reçoit sur sa boîte mail un message de l'agence lui indiquant que leur dossier a été retenu.
Ravi, le couple retourne à l'appartement pour faire l'état des lieux, signer le contrat en présence de l'agent immobilier, récupérer un jeu de clés, et virer la caution de 1200 euros. Le propriétaire leur explique alors qu'il a besoin d'une journée pour déménager ses dernières affaires de l'appartement, et qu'elles pourront emménager le surlendemain.
Seulement, lorsqu'elles arrivent deux jours plus tard sur le palier de l'appartement, accompagnées de leurs premiers cartons, les clés ne fonctionnent pas. La serrure a manifestement été changée. Les deux jeunes femmes tentent de contacter le propriétaire, puis l'agent, mais n'obtiennent aucune réponse.
Le constat s'impose alors : elles ont été victimes d'une escroquerie immobilière. En faisant une recherche d'images inversée sur Internet, elles découvrent l'appartement qu'elles ont visité sur la plateforme Airbnb : les escrocs l'avait loué sur une courte période, et y avaient organisé des visites dans le but d'extorquer de l'argent à leurs victimes. "Estomaquées " par le degré de perfectionnement de l'arnaque, quasi indécelable, Charlotte et sa compagne ont porté plainte, mais n'ont obtenu depuis aucune nouvelle de l'avancée de leur cas.
Un marché immobilier tendu et propice aux arnaques
Les tromperies sophistiquées sur le même scénario que celui dont a été victime Charlotte se multiplient à Berlin. La police berlinoise a enregistré environ 1400 cas de fraudes au logement en 2021 et 2022.
L'attractivité croissante de la ville y est sans doute pour quelque chose : entre 2010 et 2024, la population berlinoise a augmenté d'un peu plus de 500 000 personnes, pour s'établir à 3,897 millions au 31 décembre 2024. Bien que Berlin ait dans le même temps connu une construction effrénée de nouveaux logements, cela n'a pas suffi à compenser la hausse de la population, et le marché locatif s'est considérablement tendu dans les quinze dernières années.
Une saturation du marché, qui crée donc les conditions propices à la prolifération des arnaques aux fausses annonces immobilières. Plus facile de convaincre une personne stressée, qui sait que si elle ne répond pas rapidement, le logement convoité ira à quelqu'un d'autre, de virer de l'argent pour " réserver " un appartement sans l'avoir visité par exemple.
Si ce dernier type d'arnaque peut sembler vu et revu, la détresse de nombreux candidats à la location, couplée à la facilité à monter cette escroquerie et à la diffuser à grande échelle, la rend malgré tout rentable pour certains malfaiteurs un peu plus convaincants que les autres.
Détourner les documents du dossier de candidature
Une autre arnaque courante consiste à utiliser les documents officiels des personnes à la recherche d'un appartement pour usurper leur identité. En 2020, Camille doit quitter sa sous-location berlinoise "un peu en urgence". C'est l'époque de la pandémie de Covid-19, et de nombreux propriétaires demandent alors aux candidats d'envoyer leurs dossiers avant les visites. Pressée par le temps, elle envoie donc ses documents, comprenant notamment une copie de sa carte d'identité et ses fiches de paie, à toutes les annonces. Elle trouve rapidement un nouvel appartement et déménage.
Mais quelques mois plus tard, alors qu'elle se trouve en vacances à l'étranger, Camille reçoit un message d'un collègue vérifiant si elle a bien demandé un changement de compte bancaire pour le versement de son salaire par courrier. "J'étais dans une start-up, nous étions une dizaine, et nous nous parlions facilement, c'était bizarre d'envoyer un courrier ", explique-t-elle. Elle lui répond qu'elle ne comprend pas et qu'elle n'a rien envoyé. C'est alors que le pot aux roses est découvert. "Apparemment, à partir de mes fiches de paie, un escroc avait récupéré l'adresse de mon entreprise et mon numéro d'employé, et avait envoyé une lettre en usurpant mon identité, pour demander que mon salaire soit versé sur un autre compte", témoigne-t-elle.
Camille porte plainte en ligne, et apprend des mois plus tard que le compte en banque vers lequel son salaire devait être détourné a également été ouvert avec une identité usurpée, et qu'il est impossible de remonter plus loin.
Les escrocs peuvent aussi utiliser ces documents officiels pour tenter d'ouvrir des comptes bancaires au nom de leurs victimes, contracter des prêts, ou ouvrir des lignes téléphoniques qu'ils utiliseront ensuite pour rouler d'autres personnes.
Comment se protéger contre les arnaques aux annonces immobilières ?
- Ne jamais virer de l'argent à quelqu'un sans avoir vu l'appartement.
- Apposer un filigrane sur les documents envoyés afin d'éviter toute usurpation d'identité. Une plateforme de l'Etat français permet de le faire en toute simplicité.
- Faire une recherche d'image inversée pour vérifier si les photos du logement se trouvent également sur d'autres annonces couvrant d'autres villes, ou sur des sites de location touristique.
- En visitant un appartement, chercher autour de la porte d'entrée la présence d'un boitier pouvant contenir des clés, typique d'une location touristique
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