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#MaVied’Expat - Anne-Sophie Croquevieille

Anne-Sophie conteuse pour l'Institut français de Valencia dans une rue de la villeAnne-Sophie conteuse pour l'Institut français de Valencia dans une rue de la ville
©LPJV
Écrit par Shirley SAVY-PUIG
Publié le 7 décembre 2017, mis à jour le 11 décembre 2017

Anne-Sophie a 32 ans. Cela va faire 10 ans qu’elle a découvert Valencia lors de son année Erasmus. Professeur de français pour adultes, elle anime aussi des ateliers de lecture de contes pour les plus petits au sein de l’Institut Français et du Lycée Français. Passionnée par la mode et le design, elle a également créé sa propre marque d’accessoires.

 

Lepetitjournal Valence : Anne-Sophie, connaissiez-vous Valencia avant d’y venir pour votre année d’Erasmus ?

Anne-Sophie Croquevieille : Non, je ne connaissais pas du tout Valence, même pas géographiquement. C’était l’inconnu pour moi. Je voulais absolument partir en Espagne et mon université ne me proposait pas vraiment d’options. La seule que j’ai trouvée et qui me permettait un échange Erasmus était celle de Valence.

Mais pourquoi l’Espagne ? Pour découvrir la langue, la culture ?

En fait, je faisais du flamenco quand j’habitais à Roubaix pendant mes études. J’ai découvert le flamenco lors d’un festival auquel j’avais assisté. J’en ai fait pendant 3 ans et j’ai rencontré toute une communauté de franco-espagnols. J’aimais bien leur culture, la mentalité type « auberge espagnole ». J’étais devenue une obsédée de l’Espagne.

Je voulais y aller pour apprendre la langue et j’avais besoin de soleil.

Il faut être sincère : quand on vient de Normandie et de Roubaix, on a besoin de soleil ! (rires). Mon idée principale c’était Barcelone, mais c’était une destination très prisée donc finalement j’ai atterri à Valence.

Parliez-vous espagnol avant d’arriver ?

Pas vraiment. J’en avais fait deux ans en secondaire et je l’ai étudié l’été avant de partir en Erasmus avec une méthode expresse, mais je n’avais jamais vraiment échangé en espagnol.

Vous débarquez donc en septembre 2007 à Valencia pour votre année d’Erasmus. Comment se passe votre arrivée ?

Sans parler la langue, seule, dans une ville que je ne connaissais pas : les premiers jours il a fallu que je dépasse mes limites. Je ne connaissais personne ici et j’avais loué une chambre d’hôtel pour trouver un appartement. J’ai passé cinq jours à visiter des appartements et c’était un peu stressant. Mais très vite j’ai rencontré des gens et je me suis sentie prise par le mouvement Erasmus. Finalement, on se trouve très vite intégré car on se rattache à des gens qui sont dans la même situation et cela aide forcément.

Semaine difficile donc mais vous découvrez la ville. Qu’en avez-vous pensé ?

J’ai encore en mémoire une image en particulier quand j’ai traversé un pont et que j’ai vu la coulée verte du Turia. J’ai pensé « une année, cela ne va pas être assez ». Un vrai coup de foudre alors qu’à ce moment-là, je n’avais pas d’appartement, je ne connaissais personne, c’était angoissant mais c’était une vision superbe et j’ai adoré.

Combien de temps se passe-t-il avant de vous dire « je vais rester » ?

Au bout de 6 mois j’ai rencontré mon copain. A la fin de l’année scolaire, j’étais censée continuer mon parcours mais je pouvais également terminer le cycle à l’Université à Valence. Je pouvais éventuellement rentrer en France pour continuer mais ce n’était pas nécessaire pour clore mon diplôme. Aussi, j’ai décidé de rester ici pour chercher un travail.

Anne-Sophie sur son vélo dans les rue de Valencia
Anne-Sophie sur son vélo dans les rue de Valencia

 

A cette époque, il n’y avait pas encore la crise qui a commencé 6 mois après. J’avais trouvé un travail précaire dans une boutique de souvenirs. Ce fût une expérience assez drôle car j’ai dû parler plusieurs langues et vendre des taureaux (rires). Pour la période de Noël, je suis rentrée en France et j’ai dû quitter ce travail pour pouvoir partir car c’est une fête vraiment très importante pour moi. Quand je suis revenue, j’ai malheureusement eu beaucoup de mal à retrouver du travail. Finalement, j’en ai trouvé un dans une académie de langue.

Je n’avais jamais donné de cours de langue de ma vie et je me suis rendue compte qu’enseigner me plaisait énormément.

C’était une sorte de second Erasmus car la plupart des professeurs de l’académie venaient de différents pays pour enseigner leur propre langue.

On dit souvent que Valence n’était pas très cosmopolite il y a quelques années, mais en fait, elle l’était déjà pour vous à l’époque ?

Oui, j’ai rencontré beaucoup d’étrangers dès le début et je pense que c’était même plus difficile de rencontrer des espagnols au début. Les valenciens sont peut-être plus difficiles à approcher car ils ont tendance à rester entre eux, ils vont moins chercher l’étranger. J’aime beaucoup le côté cosmopolite de Valence mais pas son côté village avec tout le poids des traditions comme les Fallas, la paëlla …

Vous avez continué à travailler pour l’académie de langues ?

Non, en fait j’ai travaillé dans une imprimerie pendant trois ans. Mais je me suis rendue compte que je n’étais pas faite pour travailler en entreprise. J’ai arrêté il y a quatre ans pour me lancer en tant que freelance en reprenant les cours particuliers de français et en parallèle, j’ai créé ma marque d’accessoires de mode, Xaruxamu (NDLR : à prononcer Charouchamou - chat roux, chat mou)

Est-ce quelque chose que vous aviez toujours voulu faire ?

J’ai toujours été très créative. En travaillant dans l’imprimerie, je ne développais pas ce côté créatif. C’est ainsi que j’ai commencé à fabriquer des choses avec mes mains. Au début je faisais simplement du recyclage, des coussins, des accessoires. Petit à petit, j’ai eu envie de faire un blog, d’avoir une page Facebook, de faire des photos et cela s’est professionnalisé avec des mannequins, des collections, des catalogues. Xaruxamu est en stand-by cette année. Je continue à créer des pièces mais j’ai besoin de me professionnaliser sur le travail du cuir. Je ne me mets pas la pression pour le moment car c’est un projet artistique personnel sur le long terme.

Aujourd’hui, vous donnez des cours de français et vous êtes également conteuse pour enfant à l’Institut et au Lycée français.

Oui, ces 4 dernières années ont été assez folles ! J’ai développé mon activité en tant que professeur en donnant des cours de français en entreprise pour les adultes ainsi qu’à l’Institut français pour les enfants de 3 à 4 ans le samedi matin. J’ai participé à l’école d’été où j’ai rencontré Bruno, le responsable de la médiathèque. J’allais déjà très souvent à la médiathèque de l’Institut pour prendre des livres pour les enfants afin de les sensibiliser à la lecture, leur raconter des histoires, etc. De fil en aiguille, je suis devenue conteuse pour l’Institut même si je le faisais déjà avec mes élèves. Le faire dans un cadre plus structuré me permet de développer un univers, un imaginaire et c’est très intéressant.

Anne-Sophie lors d'un atelier Cuentcuentos à l'Institut Français de Valencia
Anne-Sophie lors d'un atelier Cuentcuentos à l'Institut Français de Valencia

 

Les enfants sont surtout espagnols ou franco-espagnols ?

Je dirais qu’ils sont francophones pour la plupart. Leurs parents sont souvent binationaux.

Comment se déroule un cuentacuentos ? Comment choisissez-vous les contes que vous allez leur lire ?

Je lis plusieurs histoires, souvent trois ou quatre. Mais ce n’est pas de la lecture : j’apporte le livre mais je raconte l’histoire que j’ai déjà préparé voire extrapolé au préalable.

J’aime les histoires loufoques, de préférence drôles et inattendues, ou les contes avec des animaux humanisés.

Pour les enfants, il faut des histoires qui puissent développer leur imaginaire, les fassent danser, chanter.

Allez-vous chercher des contes de votre enfance française ?

En fait je puise essentiellement dans l’imaginaire des enfants, dans ce qu’ils peuvent me donner. Les enfants ont énormément d’imagination et ils inventent aussi beaucoup d’histoires. Je le vois comme un brainstorming géant. Quand on lit une histoire qui parle d’un chat par exemple, on invente la raison pour laquelle il a une grande paire de bottes et on peut très vite extrapoler. Il faut avoir une âme d’enfant pour faire cela, ne pas se prendre au sérieux afin de faire sortir l’enfant que l’on a à l’intérieur de soi.

Depuis 10 ans que vous vivez ici, comment avez-vous vu évoluer Valence ?

J’ai vu différentes Valence. C’est vrai qu’en fonction du travail et de la vie que l’on a, on ne voit pas les choses de la même manière. La crise a été une époque compliquée pour tout le monde. Je l’ai ressentie sur l’humeur générale. Ces dernières années, avec le changement de municipalité, il y a plus de projets, d’infrastructures, comme les pistes cyclables par exemple. Il y a plus d’étrangers qui viennent vivre ici également, notamment des français. Il y a des gens qui viennent en lâchant tout, en pensant que c’est l’eldorado, sans parler un mot d’espagnol et en espérant trouver un travail. Mais cela ne se passe pas comme ça, il faut planifier un minimum son arrivée.

Justement, si vous aviez un conseil à donner sur l’expatriation, quel serait-il ?

Il faut tout accepter, tout prendre. Toutes les rencontres sont bonnes, toutes les expériences sont bonnes. En revanche, il faut se bouger, rencontrer des gens, aller vers l’autre.

Et plus spécifiquement pour les francophones qui arrivent à Valence ?

Je ne viendrais pas sans connaître la langue, il faut l’apprendre, c’est la base. Même si on ne la parle bien, si la grammaire n’est pas correcte, on s’en fiche, ce n’est pas grave. Si votre interlocuteur vous comprend, c’est l’essentiel.

On peut apprendre l’espagnol de différentes manières. Moi je conseille toujours de prendre des cours ou de participer à des ateliers comme la cuisine, la couture, le yoga.

Pour ma part, je m’étais inscrite à des cours de tricot quand je suis arrivée et cela m’a beaucoup aidé à apprendre l’espagnol. Il y a trop de français qui viennent ici, qui ne parlent pas l’espagnol et qui restent entre eux. Si on va dans un pays, que l’on mange les mêmes biscuits et que l’on ne fréquente que des français, je pense qu’on loupe 70% de son expérience à l’étranger.

Est-ce qu’il y a des choses qui vous manquent de la France ?

Oui, la famille. C’est compliqué parce que ma famille vit aux quatre coins de la France. C’est pour cela que Noël est si important pour moi car c’est le moment où nous nous retrouvons tous. Et puis les amis forcément. Certaines choses culturelles au niveau de la gastronomie comme manger un plateau de fromage après le plat de résistance avec un bon verre de vin. Et la pâtisserie ! Mais je ne suis pas hystérique non plus. Si on a tout le temps ces choses à disposition, elles perdent leur importance et il n’y a plus l’effet madeleine de Proust.

 

Le prochain cuentacuentos d’Anne-Sophie à la médiathèque de l’Institut Français de Valence aura lieu le mercredi 13 décembre. Pour vous inscrire et connaître les autres dates, n’hésitez pas à vous rendre sur le site internet de l’Institut Français : http://www.institutfrancais.es/valencia/actividades/

 

Vous êtes expatriés ou vous connaissez un expatrié remarquable, qui a vécu des expériences exceptionnelles, qui s'implique dans la vie locale valencienne ou francophone, qui est un artiste, un sportif ou un entrepreneur admirable ? Envoyez-nous vos propositions d'interviews à l'adresse suivante : valence@lepetitjournal.com

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