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Julie Abitbol : "La danse est mon meilleur moyen d’expression"

Julie Abitbol, professeur de danse africaine à Valencia en EspagneJulie Abitbol, professeur de danse africaine à Valencia en Espagne
Écrit par Shirley SAVY-PUIG
Publié le 26 octobre 2017, mis à jour le 2 novembre 2017

Julie Abitbol est française mais n’est pas expatriée puisqu’elle est née à Madrid. Institutrice au Lycée français, elle se passionne pour la danse africaine depuis plusieurs années et propose régulièrement des cours et des stages à Valence, ville où elle s’est installée il y a un peu plus de 16 ans. Rencontre avec cette amoureuse de la culture africaine à l’énergie communicative !

 

Lepetitjournal Valence : Julie, vous êtes née à Madrid de parents français. Comment sont-ils arrivés à Madrid ?

Mon père a vécu à Tanger, il est né là-bas. Lors de l’indépendance, il est parti vivre à Madrid. Par la suite, il a fait ses études en France à 16 ans où il a rencontré ma mère. Après quelques années en France où mon frère est né, ils sont revenus à Madrid avant ma naissance.

J’ai effectué toute ma scolarité au Lycée Molière et à 18 ans, je suis partie faire mes études de littérature espagnole à Strasbourg. J’ai passé mes années fac là-bas mais je voulais rentrer dès que possible en Espagne. J’ai donc fait une demande d’Erasmus en 3e année et j’ai fait ma 4e année de maîtrise à Valence. C’est le destin !

Valence était votre destination privilégiée ?

J’avais le choix entre Ciudad Real ou Valence. Je suis venue avec une amie à Valence, nous avions tout organisé et nous avions aussi une amie sur place. Et puis entre Valence et Ciudad Real, nous avons bien évidemment préféré Valence (rires) !

Vous connaissiez Valence ?

Pas du tout ! Je suis arrivée ici j’avais 21 ans mais je n’étais jamais venue auparavant.

Qu’en avez-vous pensé par rapport à Madrid ?

A Madrid, je vivais à la campagne. Je sortais dans Madrid mais j’étais à 40 kilomètres du centre tout de même. Quand je suis arrivée à Strasbourg, c’était bien, j’étais dans le centre mais je ne m’y plaisais pas. Même si je me suis fait des amis et qu’il y avait mon frère là-bas, j’étais partie d’Espagne trop tôt, à 18 ans. Bon, c’est la tradition dans la famille : quand nous avons notre bac, nous partons faire nos études en France. Mes frères et sœurs sont tous restés en France et je suis la seule à être revenue.

Est-ce lié au fait que vous vous sentez plus espagnole que française ou est-ce parce que vous préfériez la vie en Espagne ?

Non, je me sens autant Espagnole que Française. De même pour la langue : les deux sont au même niveau. Mais je me sens plus à l’aise en Espagne. Et puis à Valence, il y a la météo et la ville est à taille humaine. J’ai vécu pendant 12 ans à Ruzafa. Nous avions trouvé un appartement dans ce quartier par hasard. Avec mon vélo c’était super pratique. Pour moi, le seul problème à l'époque il y a 16 ans, c’était l’offre culturelle. Valence c’est une petite ville, donc culturellement, c’était assez limité, autant pour l’offre que dans l’ouverture culturelle des habitants. Mais depuis que la Mairie a changé en 2015, il y a plus d’ouverture et je me sens beaucoup plus à l’aise dans Valence

Depuis que vous êtes arrivée à Valence il y a 16 ans, beaucoup de choses ont changé. Qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans l’évolution de la ville ?

Dernièrement, c’est la métamorphose de Ruzafa. J’ai quitté ce quartier il y a 5 ans et j’y ai passé beaucoup de temps récemment. J’ai halluciné sur la transformation de ce quartier ! Cela me rappelle ce qu’ils avaient fait il y a 10 ans dans le Carmen. Tout a complètement changé, les habitants sont différents. A l’époque de mon arrivée, il faut s’imaginer qu’à partir de la calle Dénia jusqu’à la gare, cela n'avait rien à voir : il y avait tous les africains et les marocains avec qui je travaillais dans une association, qui arrivaient pour s’installer et trouver du travail. Et puis il y avait du trafic de drogue. J’ai vécu le nettoyage qui a été fait dans le quartier, les descentes de flics aussi. C’était entre 2006 et 2008 je crois. C’est à partir de la construction de l’hôtel qui s’appelle « Petit Palace » que cela a commencé à changer. C’est le premier grand changement qu’ils ont fait, construire cet hôtel en plein cœur du ghetto, et c’est à partir de là qu’ils ont fait la gentrification. Maintenant il n’y a que des cafés et des restaurants branchés.

Comment avez-vous commencé la danse africaine ?

J’ai commencé la danse en 2002, il y a 15 ans. Il y avait une affiche sur la plage, quelqu’un donnait des cours sur la plage. A l’époque je faisais de la danse du ventre et de la capoeira. Je venais de me séparer et j’avais besoin de découvrir des choses nouvelles. Pendant plusieurs mois j’ai fait les trois mais je me suis dirigé vers la danse africaine. Au bout de trois mois, j’étais sur la scène avec le groupe à la Moncada et depuis cela ne m’a jamais lâché. Je me forme et je continue à me former régulièrement.

Je vais à Barcelone, Madrid, Majorque, en Belgique et en Afrique assez régulièrement. Le dernier voyage c’était en Côte d’Ivoire.

Julie Abitbol en plein cours de danse africaine à Valencia

Vous y allez pour parfaire votre technique, découvrir la culture ?

Cela dépend, j’ai eu plusieurs façons de me former. Je suis passée par l’Ecole des sables de Germaine Acogny, une grande école de danse Africaine au Sénégal. Germaine, c’est la maman de la danse africaine contemporaine. Elle a 72 ans et a beaucoup fait pour l’ouverture de la danse africaine vers le monde. En Côte d’Ivoire, c’était super intéressant au niveau de la technique mais surtout de l’énergie. On peut travailler et rencontrer des bons professeurs pour la technique, mais pour l’énergie il n’y a pas d’autres endroits pour la trouver.

Je travaille beaucoup la technique ici en Europe mais pour l’énergie, c’est en Afrique que cela se passe.

La danse a-t-elle changé votre manière de vivre ?

Complètement ! J’étais super timide, mais vraiment super timide. Je me cachais derrière mon père, je ne pouvais rien demander. Même à 18 ans j'etais très réservée. Et en dansant, en me mettant sur scène, j’ai changé. Je pense que la danse est mon meilleur moyen d’expression, bien plus que la parole. J’écris beaucoup ou bien je danse. La parole vient mieux également parce que je sais ce que je ressens, donc c’est plus facile à exprimer. Mais oui bien sûr, la danse a changé ma vie et maintenant, elle tourne autour de ma passion. Les voyages que je fais, c’est toujours pour la danse. Je voyage rarement pour autre chose. C’est vraiment mon centre qui me guide et qui me met sur le chemin. Toutes mes rencontres aussi, mes copines, sont liées à la danse.

Est-ce que l’on peut dire que la culture africaine est moins présente en Espagne qu’en France ?

Oui surtout à Valence. A Barcelone il y a une forte communauté africaine ou de métissage. Les gens dansent plus. Ici, à Valence, la deuxième génération africaine commence tout juste. Donc malheureusement, nous en sommes encore au stade où les africains sont encore en train de vendre dans la rue ou travaillent dans les champs pour la saison des oranges. Donc lorsque l'on parle de danse africaine, les gens d’ici ne connaissent pas. Je réalise pas mal de mes trajets en Blablacar®, et je me suis aperçue que la vision des gens sur la danse africaine est très stéréotypée. Ils ne savent pas ce que c’est. C’est quelque chose de nouveau pour eux.

En plus de votre culture française et espagnole, il y a donc maintenant cette culture africaine que vous vous êtes appropriée ?

Ma mère est de Tunisie, mon père du Maroc et ma grand-mère d’Algérie. Le Maghreb est donc dans ma culture. Ce n'est pas de l’Afrique sub-saharienne mais je ne me sens pas détachée, ce n’est pas quelque chose d’extérieur à moi. Je le porte en moi. J’ai commencé par la danse du ventre égyptienne, mais la danse africaine est ce qui me correspond le plus.

J’aime cette connexion de la Terre et des racines de la nature, de l’Etre Naturel.

L’Afrique c’est une culture complètement différente de la nôtre. Je n’avais aucun contact avec l’Afrique avant de connaître la danse. En connaissant cette culture après plusieurs voyages, je me suis rendue compte que les africains respectaient plus leur état naturel en tant qu’Etre que nous ne le faisions en Europe où les émotions sont plus « trafiquées ». J’ai cette impression que nous avons compliqué les choses, que nous nous sommes éloignés de ce que nous sommes. Je me sens beaucoup plus à l’aise avec cet état d’esprit que celui où l’on est pris par le stress, le boulot, les besoins matériels, tout ce qu’il y a autour du besoin.

C’est pour cela également que j’aime travailler avec les enfants. Je me sens à l’aise avec eux car ils restent eux-mêmes.

Où peut-on vous retrouver pour prendre des cours ?

Je donne des cours réguliers à Satchmo Swing à Benimaclet. Comme ils proposent des cours de swing, ils voulaient connecter les racines du swing avec la musique noire et ils m’ont appelée pour donner des cours de danse africaine. Il y a beaucoup de choses qui se ressemblent entre ces deux styles que je suis en train de découvrir. J’ouvre des groupes à chaque trimestre, c’est comme une formation de 3 mois. Le prochain groupe recommence en Janvier. Je donne également des stages à Valence et ailleurs. Enfin, j’organise un stage les 11 et 12 novembre prochain à Valence avec une de mes profs.

 

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