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Les francophones racontent la francophonie à Valencia

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Kyle Glenn, Unsplash
Écrit par Coralie Lambret
Publié le 21 mars 2022, mis à jour le 26 juillet 2024

Ce dimanche 20 mars, Valence et le monde entier ont mis à l’honneur la francophonie. La journée internationale qui lui était dédiée était l’occasion de décrypter les liens qui l’unissent à la région valencienne et de donner la parole à la communauté francophone qui ne cesse d’y grandir. 
 

Qu’évoque la francophonie aux francophones et francophiles de Valence ?

"Pour moi, la langue française véhicule une culture, une histoire. La francophonie n’est pas seulement une langue mais aussi des liens qui se créent dans le cœur", me répond Raquel, née en France et installée en Espagne depuis l’âge de 10 ans. 

Pour Miguel, professeur de traduction et d’interprétation à l’université d’Alicante, "la francophonie est le rapport à la langue française, ses représentations et toute la culture qui y est liée". Cet Espagnol originaire de la province de Castellon aborde la francophonie comme une communauté, répartie sur les 5 continents. 

"C’est les pains au chocolat, les chocolatines pour d’autres, les Français, les Suisses, les Belges ou tous ceux qui parlent français dans le monde, toute une culture", Sophie, sophrologue à Valence et d’origine française, se représente la francophonie de cette manière.

 

La francophonie n’est pas seulement une langue mais aussi des liens qui se créent dans le cœur.

Valence et le français, toute une histoire … 

Miguel nous parle aussi de l’exode des Pieds Noirs, ces Français d’Algérie qui durent rejoindre la métropole après les accords d'Évian. Certains ont déposé leurs valises en Espagne, ce qui, historiquement, serait une explication de la présence francophone dans la région valencienne. Le professeur met également d’autres facteurs historiques en avant : ”Pendant la guerre, beaucoup d’Espagnols ont fui en France et certains sont revenus, avec une famille qu’ils avaient fondée là-bas ou alors ce sont les enfants qui sont revenus”, poursuit-il.

Raquel confirme : "Je vois beaucoup de gens revenir, des Français qui n’ont pas grandi ici, mais souvent ils avaient déjà un lien avec l’Espagne par leurs parents ou grands-parents et quand ils reviennent, ils ont cette culture francophone avec eux." 

 

Une attraction professionnelle 

"Beaucoup de gens à Valence et dans la région, notamment près de Castellon, veulent apprendre le français. Beaucoup d’entreprises travaillent avec le marché francophone, notamment en Algérie et en France. Pour moi, c’est aussi pour cette raison qu’on voit de plus en plus de personnes qui veulent parler cette langue", explique Sophie, qui s’est installée ici pour travailler, comme de nombreuses autres personnes qui s’expatrient pour poursuivre leur vie professionnelle dans le cadre idyllique de la région d’Alicante ou de Valence. 

"Il y a énormément d’expatriés qui viennent travailler et habiter ici parce qu’ils se sentent bien et comme il y a beaucoup de francophones, ils se sentent un peu à la maison", raconte Miguel. 

"Les gens viennent travailler ici parce que la vie semble plus douce, et le climat aussi. Il y a le soleil, la chaleur, il fait bon vivre dans la région", pour Raquel, la région valencienne a quelque chose d’attractif, la vie va moins vite et on en profite plus. C’est certainement pour cette raison également que beaucoup de retraités savourent des jours heureux sous le soleil espagnol.

une crique sauvage avec la mer et le ciel
"Les gens viennent travailler ici parce que la vie semble plus douce, et le climat aussi. Il y a le soleil, la chaleur, il fait bon vivre dans la région." / Diego Delso, CC BY-SA 4.0

 

L’apprentissage du français 

"Jusque dans les années 80, le français était la première langue étrangère enseignée à l’école. Cela justifie aussi le fait que beaucoup de monde parle français", explique Miguel. "Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, souvent l’anglais prime. Mais la nouvelle génération de professeurs essaye de faire revivre l’apprentissage du français", poursuit-il, "ils mettent en place des activités, organisent des manifestations pour la francophonie, des voyages, invitent des francophones dans les lycées,…". En tant que professeur d'université, Miguel se réjouit que le français soit aussi sollicité à ce niveau d’étude : "Tous les ans, on a au moins 55 ou 60 inscriptions en traduction et interprétation pour se former au français comme première langue étrangère."

Dans le secondaire en revanche, l’avenir du français semble de plus en plus compromis. L’anglais est devenu la langue étrangère la plus enseignée, au détriment du français. Les professeurs voient chaque année leur nombre d’heures diminuer. Cristina, professeure de français comme langue étrangère dans le secondaire, livre ses inquiétudes : "Le français n'a pas la place qu’il devrait avoir. D'abord, il faut savoir qu'ici, le système scolaire ne défend qu'une seule langue étrangère et il s’agit de l'anglais. Nous, les enseignants , on doit se battre continuellement pour éviter que le français ne disparaisse et les organismes qui existent ne nous aident presque jamais." Pour Cristina, les langues sont un réel moyen de s’ouvrir à une culture, et en tant que professeure, elle regrette sincèrement qu’elles n’aient pas la place qu’elles méritent. 

Elle se désole aussi de la restructuration de l’Institut Français : "On n'a plus beaucoup d’opportunités de proposer des activités aux élèves en dehors de l'école, pour qu'ils puissent utiliser la langue et découvrir la culture dans des situations concrètes. Pourtant, c’est précisément ce qui attire le plus dans l’apprentissage d’une langue et d'une culture. Si on ne peut pas proposer ces activités, on est coincé, on ne peut pas faire vivre la langue."

une femme interprète en train de parler dans un micro
"Tous les ans, [l'Université d'Alicante] a au moins 55 ou 60 inscriptions en traduction et interprétation pour se former au français comme première langue étrangère." / Dixit.es

 

Partenariats et renouveau pour la francophonie 

Raquel déplore également ces changements à l’Institut Français, elle estime qu’ils font du tort à Valence : "La communauté francophone était sous le choc. L’Institut Français proposait beaucoup de choses. Il offrait vraiment une belle vie à notre langue. Il a été restructuré pour des raisons économiques et je trouve ça dommage, on ne devrait pas mettre de prix sur la culture." Elle salue d’ailleurs et d’autant plus les nouvelles initiatives telles que La Base Culture : "Ce renouveau prouve qu’il y a encore beaucoup de monde qui a envie que le français reste à Valence. Il faut se battre pour la culture et l’histoire. La francophonie fait partie de la ville depuis toujours et ces initiatives sont vraiment la preuve que ce n’est pas la fin." 

Cette nouvelle association a créé un partenariat avec l’Institut Français pour offrir un second souffle à la francophonie à Valence. Ensemble, ils proposent d’ailleurs des projections de films en français au CCCC. Le panel d’activités qu’offre La Base Culture est une note d’espoir au milieu des craintes de Cristina : "Je constate une réelle envie de changement et ça me permet de continuer d’espérer. Mais il faut lutter pour maintenir le français dans les écoles, parce qu’autrement, j'ai peur qu’il finisse par disparaître de l’enseignement, et ce serait vraiment dommage." 

 

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