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Adaptation et perspectives de l'Académie de France à Rome

Simon Garcia villa MediciSimon Garcia villa Medici
© Daniele Molajoli / Académie de France à Rome – Villa Médicis
Écrit par Ronan de Keranflec'h
Publié le 2 décembre 2020, mis à jour le 4 décembre 2020

Le petit journal a interrogé Simon Garcia, secrétaire général de l’Académie de France à Rome, sur la période actuelle durant laquelle la crise sanitaire bouscule les débuts du nouveau directeur de l'Académie, Sam Stourdzé.

 

Le Petit Journal : L'Académie de France se fixe trois missions : accueillir des artistes pour mener un projet en Italie, mettre en place une programmation artistique ouverte au grand public et enfin conserver et faire visiter le patrimoine de la villa. Face à la circulation du coronavirus, quelles activités peuvent être maintenues ? Comment vous adaptez-vous à la crise sanitaire ?

Simon Garcia : Nous avons en effet plusieurs types d'activités. Tout d'abord notre mission de résidence : nous accueillons des artistes ou des historiens de l'art à la Villa Médicis pour des durées soit longues, jusqu'à un an, soit courtes, entre une à quatre semaines. Cette activité se poursuit. En effet les pensionnaires longs sont arrivés au mois de septembre. Quant aux résidents qui sont là pour des périodes plus brèves, nous avons encore été en capacité de les faire venir ces dernières semaines de France pour raison professionnelle. Nos pensionnaires et résidents peuvent encore sortir, aller même à l'extérieur de Rome dans des zones jaunes. Je pense notamment à deux de nos pensionnaires architectes (Alice Grégoire et Clément Périssé) dont le projet les mène dans la région pour y étudier les habitats et les matériaux. Évidemment plus personne ne peut se rendre dans les musées mais il reste encore la capacité de faire des choses dans Rome dans le respect des règles imposées par la situation. De plus nous avons essayé de maintenir un certain nombre d'activités à la Villa pour les pensionnaires, notamment des rencontres professionnelles qui ne sont désormais pas ouvertes au public avec des penseurs et des artistes français mais aussi des personnalités du monde de la culture romain. Pour vous donner quelques exemples, depuis une dizaine de jours nous accueillons à la Villa le sociologue français Jean-Miguel Pire qui est venu rencontrer les pensionnaires pour travailler avec eux autour de l'idée d'otium, ce concept latin qui signifie le loisir studieux. Que ce soit dans des formats individuels ou en petits groupes Jean-Miguel Pire travaille depuis une semaine avec eux sur ces questions pour élaborer des croisements avec leurs projets et leurs pratiques. De même depuis mardi dernier nous accueillons à la Villa Médicis l'artiste française Nathalie du Pasquier qui est en train de préparer une exposition au MACRO (évidemment cette exposition se tiendra en fonction des règles sanitaires en vigueur en Italie). La venue de Nathalie du Pasquier est pour nous l'occasion d'organiser une rencontre avec les artistes intéressés par son travail. Enfin nous sommes en train d'organiser une visite des ateliers de nos pensionnaires avec le directeur du Maxxi, Hou Hanru, qui nous fait l'amitié de venir échanger et poser son regard sur le travail de nos résidents. Notre institution constitue aussi un centre d'art où sont organisés des événements de toutes sortes : expositions, concerts, festivals, rencontres. Malheureusement nous avons progressivement été amenés au fur et à mesure que les règles sanitaires se faisaient plus contraignantes, à suspendre l'ensemble de notre programmation telle qu'elle se tenait normalement. Ça ne veut pas dire que nous ne faisons plus rien mais qu'aujourd'hui nous développons des activités sur des modes différents. Nous essayons de réinventer notre programmation culturelle notamment via le numérique (vidéoconférences, podcasts ou autres). Nous avons par exemple un colloque de notre département d'histoire des arts dédié aux corps troublants qui aura lieu du 26 au 28 novembre en ligne.

 

LPJ : En juin Sam Stourdzé a pris la direction de l'Académie de France à Rome. Il a été nommé pour son projet axé sur la mobilité. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les objectifs de la nouvelle direction dans les prochaines années ?

S. Garcia : En effet, le projet de notre nouveau directeur Sam Stourdzé est centré notamment autour de la question de la mobilité. Mobilité sociale, artistique, géographique et européenne en particulier. C'est un concept très important pour lui puisque c'est de cette mobilité là que se nourrit la création. Mais au-delà même de cette question il y a un concept beaucoup plus important : l'idée de faire de la Villa Médicis une expérience globale pour l'artiste ou pour le visiteur. Comme je l'ai dit nous accueillons des artistes de toutes les disciplines, de toute forme de création, mais aussi des historiens de l'art. Nous avons en plus la capacité de mener une programmation culturelle. Ces deux aspects se croisent donc. Nous sommes un lieu historique exceptionnel où de nombreux témoignages de l'histoire de l'Italie sont visibles. Nous bénéficions d'un parc capable de recevoir des événements et d'exposer. Création, réflexion et programmation amènent un ensemble presque infini de potentialités. L'idée de Sam, c'est de réussir à créer une forme d'expérience globale, de mise en cohérence de tous ces éléments et évidemment de proposer quelque chose qui n'existe pas ailleurs. La Villa Médicis constitue finalement un lieu de décloisonnement, à la fois des disciplines et des activités.

 

LPJ : Ce projet passe-t-il par le développement de liens avec les académies françaises implantées dans d'autres pays ?

S. Garcia : Évidemment. Un festival a ouvert à Avignon fin octobre, appelé Viva Villa, qui nous réunit avec les deux autres grandes villas françaises de renommée internationale que sont la Villa Kujoyama à Kyoto et la Casa de Velázquez à Madrid. C'est autour de cet événement que nous essayons de construire une programmation commune et des liens entre nos résidents. En plus de la proximité avec ces deux académies nous souhaitons développer les relations avec d'autres résidences françaises qui se sont développées ces dernières années. On réfléchit actuellement par exemple à élargir le festival Viva Villa en invitant d'autres résidences à nous rejoindre pour de prochaines éditions. Nous cherchons aussi avec l'Institut Français à développer des partenariats dans d'autres pays où la Villa Médicis pourrait amener une forme d'expertise dans des projets en train de se monter.

 

LPJ : Et avec les académies d'autres pays aussi présentes à Rome ?

S. Garcia : Nous avons cette volonté là de maintenir et développer des liens avec les autres académies étrangères présentes à Rome mais évidemment, depuis l'arrivée de Sam, nous avons un peu été coupés dans notre élan par la crise sanitaire. Un événement rassemblant les différentes académies aurait par exemple dû se tenir toute fin octobre à la Villa Médicis. Si cet événement n'a pas pu avoir lieu le mois dernier en raison de la crise sanitaire, il a vocation à réunir chaque année notre institution avec d'autres académies étrangères. Ainsi les résidents bénéficient d'un moment d'échange privilégié.

 

LPJ : Les académies étrangères restent vivantes à Rome. Alors que les résidents ne viennent plus pour la plupart s'inspirer et apprendre des chefs d'œuvres antiques, qu'est-ce que la ville éternelle apporte encore aux artistes contemporains ?

S. Garcia : Effectivement l'apport de Rome aux résidents que nous recevons ici a beaucoup évolué depuis 350 ans. On ne vient plus forcément chercher l'étude de l'antiquité et la copie des antiques à Rome. Néanmoins nos résidents et pensionnaires sont sélectionnés sur projet, donc ce sont des artistes auxquels l'Italie et en particulier Rome a vocation à apporter quelque chose pour différentes raisons. [Ainsi 15 projets ont été choisis parmi les 422 candidatures, ndlr.] Nous accueillons des historiens de l'art dont l'objet d'étude est centré sur l'Italie et Rome à toute époque, de l'Antiquité à la période contemporaine. Les deux architectes dont nous avons parlé travaillent en ce moment sur la région des Abruzzes. Une autre de nos résidentes qui est créatrice sonore vient quant à elle travailler sur la mémoire du contre-sommet du G8 de Gênes en 2001. Pour différentes raisons les artistes et historiens de l'art que nous accueillons ici viennent avec un projet dans lequel Rome et l'Italie apporte quelque chose.

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Publié le 2 décembre 2020, mis à jour le 4 décembre 2020

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