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TRIBUNE – Quelles différences managériales entre la France et l'Italie ?

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Écrit par Lepetitjournal Milan
Publié le 10 novembre 2014, mis à jour le 30 octobre 2023

"Difficile de ne pas faire dans le cliché sur un sujet pareil ! Je tomberai donc probablement dans ce travers puisqu'il me faut nécessairement simplifier et généraliser. Considérez donc, chers lecteurs, qu'il ne s'agit là que d'une expérience ? la mienne - dans le nord de l'Italie, où j'ai passé plus de 20 ans, au cours des 30 dernières années" précise Nicolas Diers, vice-président des Conseillers du Commerce extérieur de la France en Italie, invité par la rédaction à s'exprimer sur le sujet.

Le sujet des différences managériales est très intéressant sur les plan culturel (et oui, nous agissons différemment et cela est plutôt sympathique), mais aussi économique (mieux connaître nos différences, peut souvent nous permettre de mieux faire et de faire plus avec notre second partenaire économique).

Les différences existent, certes. Mais elles viennent probablement moins du côté méditerranéen (est-il d'ailleurs nécessaire de rappeler que Milan est à la même latitude que Lyon et qu'elle est donc finalement peu méditerranéenne), que de l'éducation donnée par la famille ou le système éducatif, de l'histoire et de l'organisation du pays, caractérisé lui, par peu de grandes multinationales et beaucoup d'entreprises moyennes et familiales.

Quelques généralités pour mieux comprendre nos amis italiens

Comme en France, l'éducation est fondée sur la culture générale ; mais l'évidence va plus loin, puisque la meilleure formation reconnue est celle que dispense le liceo classico (latin-grec) qui seul ouvre toutes les portes et réunit les meilleurs élèves. Moins d'importance est donnée aux mathématiques.

L'éducation dans la famille et à l'école privilégie plutôt une méthode douce et progressive, dans laquelle on félicite beaucoup, on privilégie le "je pense que" et on développe moins l'analyse critique. L'oral est important. Il est plus pratiqué que l'écrit, et ce tout au long du cursus. Jeunes, les enfants sont confrontés à plusieurs examens oraux devant un groupe de professeurs internes et externes.

Le pays est moins centralisé. Le fait régional y a une grande importance et l'Etat est donc moins présent qu'en France. On en attend moins que chez nous, considérant que c'est à chacun d'agir personnellement avec ses réseaux.

La forme est toujours importante, ce qui inclut l'aspect visuel, l'élégance et en général, une volonté de ne pas faire perdre la face à l'interlocuteur en public.

Le rapport à l'argent est souvent différent : c'est l'objectif. Et il n'y a pas de mal à en gagner et à le montrer. On peut le faire avec éthique et on a alors également des responsabilités par rapport à la société. 

Les conséquences sur la façon de travailler et sur les pratiques dans le monde des affaires en Italie

Il y a en général plus d'implication personnelle et de recours à l'émotion dans les relations professionnelles (relation client / fournisseur ou relation manager / subordonné). Sans cela, le plaisir est moindre, et l'implication plus faible. De fait, l'Italien travaille davantage pour quelqu'un que pour une entreprise.

Ici, les individus se projettent moins dans le temps ; on privilégie l'action, la réactivité et le pragmatisme pour régler un problème, sachant que l'on cherche la meilleure solution aujourd'hui, et que si les conditions le demandent, changer demain ne sera pas un problème.

Le beau est apprécié. On associe systématiquement recherche (plutôt opérationnelle) et design. Les deux vont naturellement de pair.

Il n'existe pas de réelle habitude naturelle à écrire des rapports de visite, reporting, notes de synthèse et parfois même d'organisation claire.

S'il se sent bien dans une équipe, le collaborateur est plutôt travailleur et ne compte pas son temps. Il sera souvent plus à l'aise pour résoudre un problème ou une sollicitation dans l'urgence, que dans le temps.

Les relations sont plutôt franches si cela est fait en tête à tête. Il faut alors tout dire, le bon et le moins bon, calmement,

clairement mais surtout pas en public. L'élégance veut qu'en public, on félicite et on critique peu les personnes.

L'Italie a de très bons ingénieurs, très réactifs, proches des clients et de leurs besoins avec une bonne présence sur le terrain et la fabrication. C'est de là que vient leur excellence dans les processus de fabrication.

Quelques règles pour réussir de bonnes opérations et bien négocier en Italie

Toute négociation ou tout management d'équipe signifie échanges, plaisir partagé ("win/win") et relation personnelle.

Simultanément, il faut rester rigoureux et clair dans ses objectifs et savoir les communiquer explicitement, mais simplement : un partenaire faible ne sera jamais un bon partenaire.

Garder à l'esprit le pragmatisme des Italiens qui sont flexibles, réactifs et opportunistes avec des capacités de décision parfois très rapides.

Se souvenir cependant que l'accord n'existera qu'après un écrit qui demandera un certain formalisme.

Veiller de très près à la réalisation concrète des décisions, des projets et des changements d'organisation : les accueils très positifs pourraient sinon n'avoir aucune suite du fait d'une certaine inertie.

En conclusion, je conseillerais à chacun(e) de :

-        S'appliquer dans la relation personnelle et créer de l'émotion ;

-        Rester patient et de bonne humeur en cherchant à comprendre la "mosaïque italienne", vous déplaçant pour comprendre un pays non uniforme ;

-        Compléter toujours les organigrammes officiels par une compréhension des réseaux personnels et officieux ;

-        Pratiquer vous aussi l'oral, sachant que l'écrit viendra dans tous les cas après ;

-        Méfiez-vous parfois des collaborateurs qui disent trop souvent "je m'en charge" ;

-        Sortez de vos certitudes, et en restant bien sur sérieux et rigoureux, cherchez à tenir compte des aptitudes, propositions, forces et qualités de chacun même si le modèle devrait un peu évoluer

Dans ce cadre, vous réussirez probablement à faire de bonnes opérations, chacun y trouvera du plaisir en combinant les forces souvent complémentaires (je vous laisse les trouver : sens commercial, créativité, design, sens du process industriel, organisation, capacité à se projeter dans le temps et l'imaginer, logistique, finances, ...). Quoiqu'il en soit, le manager français au contact de l'Italie pourra sans doute avoir une expérience complexe mais riche qui lui apportera un vrai charisme, bien utile pour de futures responsabilités en France ou ailleurs.

Nicolas Diers (pour Lepetitjournal.com de Milan) ? mardi 11 novembre 2014

Crédits photos : Corbis LD

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Publié le 10 novembre 2014, mis à jour le 30 octobre 2023

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