Après des années difficiles, Carrefour Italia affiche des résultats encourageants en 2021, qui viennent confirmer la stratégie de relance et de transformation du groupe en Italie. Entretien avec Christophe Rabatel, directeur de Carrefour dans la Péninsule.
Le groupe Carrefour a annoncé des résultats encourageants pour l’année 2021, et notamment pour l’Italie. Cette croissance marque-t-elle une inversion de tendance après des années de pertes de parts de marché ? Traduit-elle les premiers effets de l’important plan de relance et de transformation entrepris par Carrefour en Italie ?
Les bons résultats marquent sans doute une première étape, importante et réussie. L’inversion de tendance s’est opérée l’été dernier lorsque l’on a commencé à gagner des parts de marché sur tous nos formats. Au troisième trimestre 2021, la croissance a été de +0,8%, elle a accéléré sur le quatrième trimestre à +2,5%, alors que l’on était à -7% sur la totalité du premier semestre 2021.
Comme l’indique la communication annuelle des résultats du groupe Carrefour, l’Europe se porte mieux en termes de rentabilité, et cela principalement grâce à l’Espagne et l’Italie.
La performance positive est confirmée par la satisfaction client, mesurée par la net promotor score (NPS), et qui indique une amélioration très nette. Au mois de février, pour le 11ème mois consécutif, Carrefour en Italie est le pays du groupe qui a connu la meilleure évolution sur un an.
C’est sans doute la remise du client au centre de toutes nos décisions et de toutes nos attentions qui est le moteur de cette inversion de tendance.
La stratégie de relance semble être la bonne, elle nous permet de penser à un futur pour Carrefour en Italie, et de voir plus sereinement l’avenir malgré les défis qui ne manquent pas.
L’Italie est aujourd’hui au cœur des stratégies et des préoccupations du groupe Carrefour. L’objectif est bien d’investir de manière durable dans le pays : améliorer l’expérience client en misant sur l’innovation, le numérique, et un modèle de développement durable avec la transition alimentaire pour tous. Cette stratégie de devenir leader international de la Transition alimentaire pour tous, est d’ailleurs un objectif que l’on accélère.
Le transfert de points de vente en franchising est notamment l’une des principales stratégies de votre plan de transformation. Comment s’est développée cette stratégie en 2021 et quelles sont vos perspectives pour 2022 ?
La franchise représente effectivement un levier stratégique pour le développement de l’entreprise en Italie. La Péninsule ne fait pas exception par rapport au reste du groupe, mais elle apparaît en avance. Notre ambition est d’être le premier et le meilleur franchiseur en Italie. C’est un modèle qui fonctionne, d’autant plus dans un pays où le localisme est fort et où l’esprit entrepreneurial est très développé. Pour illustrer en quelques chiffres, nous avons aujourd’hui plus de 340 franchisés sur le territoire italien qui gèrent près de 1.000 magasins sous l’enseigne Carrefour Market et Carrefour Express.
En 2021, nous avons ainsi ouvert 60 nouveaux magasins, principalement en franchises. A cela s’ajoutent 42 points de vente convertis du monde intégré à la franchise. Pour 2022, l’ambition est d’ouvrir 95 nouveaux magasins et de transférer 104 magasins à la franchise, conformément au plan de relance annoncé en octobre dernier. Sur ces 104 magasins, 30 ont déjà convertis à la fin du mois de janvier.
Qu’en est-il de la réduction du personnel liée à ce plan de relance ? Vous annonciez 719 employés impliqués sur l’ensemble du pays...
J’insiste sur le fait que c’est exclusivement sur la base du volontariat que s’organise ce plan de restructuration d’envergure. Il s’agit d’une nécessité absolue pour remettre Carrefour Italie sur la voie du succès et de la rentabilité. Et cela ne nous a pas empêché d’accélérer le retournement commercial, ce qui témoigne de l’adhésion globale forte des équipes à ce plan.
Par ailleurs, nous accompagnons ce plan de passage à la franchise au plus près de nos collaborateurs, afin que la stratégie soit gagnante pour le plus grand nombre. C’est notamment le cas en Campanie, où la totalité des collaborateurs ont été transférés dans les équipes de nos partenaires. Et lorsque nous convertissons un certain nombre de magasins à la franchise, nous le faisons en priorité avec nos collaborateurs, qui peuvent bénéficier d’une formation. L’année dernière, ce sont ainsi 38 anciens collaborateurs qui sont devenus des nouveaux franchisés du groupe Carrefour en Italie.
Quel est le poids des produits italiens dans l’assortiment Carrefour Italia, étant donné l’importance du localisme dans le pays ? Et que cela représente-t-il pour l’export ?
L’assortiment de Carrefour en Italie est constitué de 85% de produits italiens, réalisés par des fournisseurs nationaux, parmi lesquels 10.000 éleveurs et agriculteurs qui réalisent nos produits Filière Qualité Carrefour. L’objectif est de continuer à développer cette coopération avec ces petites et moyennes entreprises, des exploitations qui font des produits de qualité, selon des valeurs durables et éthiques, dans le respect de la biodiversité et du bien-être animal. En développant le made in Italy avec de petites et moyennes exploitations agricoles, et des élevages italiens, nous leur offrons une plateforme d’exportation très intéressante, puisque ces produits italiens faits par des producteurs en Italie, sont mis à disposition de tous les autres pays du groupe Carrefour. En 2020, nous avions réalisé plus de 700 millions d’euros d’exportations. En 2021, les exportations représentaient plus de 800 millions d’euros.
Cette plateforme d’exploitation qui bénéficie à beaucoup d’agriculteurs et d’éleveurs italiens, a permis à Carrefour d’intégrer Filiera Italia en mai dernier. Il s’agit d’une véritable fierté pour toutes les équipes de l’entreprise car cela représente la reconnaissance du travail de qualité qui est fait par Carrefour en Italie.
L’un des objectifs annoncés par le Groupe Carrefour est de devenir un digital retail company. Comment cette ambition se traduit-elle en Italie ?
Le digital est un levier stratégique pour la croissance de l’Italie et de l’ensemble du groupe. Nous mettons en place de nombreuses initiatives, à commencer par des partenariats développés au fil des années avec des experts du digital tels que Sales force, SAP et Google. Fin 2021, en Italie, 40% de nos applications et de nos infrastructures sont sur le cloud et 100% de nos données. Des chiffres qui sont un peu supérieurs à la moyenne du groupe.
Nous avons aussi développé des outils en magasin, notamment en dotant nos collaborateurs de portables en magasin, ce qui leur permet notamment d’opérer des relevés de contrôle sur les stocks et ainsi identifier les ruptures plus rapidement. Le but étant d’être toujours plus réactifs pour servir au mieux le client.
En ce qui concerne le développement de l’e-commerce. Nous avons tous enregistré une croissance considérable liée à la pandémie. Nous travaillons sur une approche omnicanale dès lors que nous avons la chance d’être présents sur tous les formats (hypermarchés, magasin de proximité, supermarché), et en adaptant l’assortiment aux comportements de courses en ligne des clients.
Nous venons par exemple de développer un « Club Carrefour » actuellement en test à Milan. Pour 29 euros d’adhésion sur l’année, l’ensemble des livraisons sont gratuites sur le site Carrefour.it pour des courses supérieures à 70 euros, et 15% de réduction systématique est appliquée sur tous les produits Carrefour bio et Terre d’Italia, deux de nos marques phares. L’objectif étant d’en faire un succès et de le déployer sur l’ensemble du territoire italien.
Nous avons par ailleurs lancé un partenariat intéressant avec Deliveroo et son service Deliveroo Hop qui était pour l’instant en place à Londres. Le service assure une livraison en 10 minutes, à ce jour dans unrayon d’action cantonné à quelques quartiers de Milan seulement, tels que les Navigli, Duomo et Sant’Ambrogio. Mais une deuxième plateforme va bientôt être mise en place à Milan, avant d’atteindre d’autres villes comme Rome.
Une autre illustration avec un autre partenariat : avec Lazio Innova (région Latium), un open challenge de Carrefour Italie est en cours, pour impliquer les start-ups dans nos solutions technologiques, afin de permettre aux clients de retirer leurs commandes dans une zone drive sans attendre.
Concernant votre engagement en faveur de la transition alimentaire, qu’est-ce qui a vraiment changé au cours de ces dernières années (emballages, pêche, bien-être animal…) ? Et quels sont vos projets pour 2022 afin d’accélérer la tendance ?
C’est une chance de pouvoir combiner mes convictions personnelles avec une mission professionnelle, celle de la transition alimentaire pour tous. Sur le CSR, nous avons un index dans chacun des pays. En 2021, nous avons réalisé en Italie un réel bond en avant sur tous ces sujets avec un indice à 113%, soit deux points au-dessus de la moyenne du groupe. Pour illustrer cette avancée, en ce qui concerne le bien-être animal, 100% des œufs en coquille vendus pour les produits de marque distributeur proviennent d’élevages sans cage.
Pour la pêche durable, 42% des ventes de la pêche et de l’aquaculture ont été durables en 2021 avec un objectif qui est à 50% d’ici 2025.
En matière d’emballages, nous les avons réduits de 114 tonnes en 2021, dont 97 tonnes de plastique. Et notre ambition sur 2022 est de 240 tonnes. Cela signifie qu’à la fin 2021, nous étions déjà à 86% de réalisation par rapport à l’objectif de 2025.
Nous avons par ailleurs réduit l’année dernière, 16% d’émissions de CO2 de plus que 2020. Et 120 stations de recharges électriques Be Charge ont en outre été installées sur les parkings des magasins Carrefour en Italie, grâce à notre partenariat avec Stellantis. Tout cela pour alimenter les 17 objectifs de la transition alimentaire identifiés par le groupe.