Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--

Joséphine Falchetti : Une entrepreneuse française durable, en Italie

Joséphine FalchettiJoséphine Falchetti
Joséphine Falchetti
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 8 août 2021, mis à jour le 9 août 2023

Arrivée en Italie en 2004, Joséphine Falchetti a progressivement quitté sa carrière dans la finance pour s’investir en faveur du développement durable. Partie d’une société agricole qu’elle a créé en se retroussant les manches, elle œuvre désormais à plus grande échelle pour la restauration de forêts.

Lepetitjournal/Milan : Aujourd’hui agricultrice, après plusieurs années dans la Finance, vous avez un parcours insolite ! Comment êtes-vous devenue cette personne engagée pour l’environnement ?

Joséphine Falchetti : Juste après l’université, j’ai commencé à travailler dans la finance à Londres. C’est là que j’ai rencontré mon mari, un Italien, avec qui je suis ensuite venue vivre en Italie en 2004. Dès mon arrivée j’ai travaillé à la Bourse de Milan en tant que responsable des relations avec les investisseurs institutionnels. J’ai eu de la chance, le cadre était favorable pour les jeunes mères, j’ai eu trois enfants durant cette période.
Mais alors que j’étais enceinte de mon premier enfant, mon mari et moi avons eu envie de créer un équilibre pour notre famille. Déjà à l’époque, surtout dans la finance, nous étions tout le temps en ligne et ultra connectés. Il nous fallait quelque chose à côté pour rééquilibrer notre vie, se reconnecter à la nature, avoir les pieds sur terre. C’est ainsi qu’en 2005, nous avons acheté un champ de blé de 15 hectares dans le Sud de la Toscane, en Maremme, sur lequel nous avons  planté nos arbres, dont plus de 2.500 oliviers afin de produire de l’huile d’olive.
Comme il s’agit d’une région très protégée, on ne peut construire que si l’on exerce une activité agricole. Il a donc fallu d'abord planter nos arbres avant de construire une maison pour l’agriculteur.

 

On ne plante pas plus de 2.500 arbres comme cela je suppose… Quel a été le cheminement pour y arriver ?

Je n’avais absolument aucune notion ! Tout en travaillant toujours à la Bourse de Milan, j’ai suivi une formation sur le tard, puis j’ai passé l’examen d’agriculteur. Nous étions entourés d’experts mais ce n’était pas facile au début d’affirmer mes projets : j’étais une femme, jeune, et en plus étrangère !

Aujourd’hui, nous avons 2.600 oliviers, près d’un hectare de vigne, des arbres fruitiers, un verger où ne poussent que des fruits antiques,  des agrumes variés, un potager et de nombreuses herbes officinales et fleurs comestibles qui nous aident tant à mettre en place les principes de la permaculture qu’à diversifier notre activité. Comme nous n’avions pas d’expérience agricole, nous avions envie de tester des variétés autochtones, certaines oubliées même, comme l’olivier Maurino. Cela nous a aidé à comprendre notre terrain, mais aussi à nous différencier pour pouvoir vendre.

Au fur et à mesure, je n’avais plus envie de travailler dans la finance à 100%. J’ai alors quitté la Bourse, pour exercer en tant que consultante à mi-temps, toujours dans la finance. L’entreprise agricole commençait à grossir, cela me permettait ainsi de m’y consacrer davantage, en continuant à vivre entre la Toscane et Milan, où mes enfants sont scolarisés.

 

Et comment s’est passée la transition de la Finance à l’agriculture ?

J’ai appris beaucoup de choses de mon premier métier, de la rigueur bien sûr mais aussi une grande éthique du travail. Sauf qu’il y a un abysse entre la Finance et l’agriculture. On ne peut pas faire de prévision avec la nature. En 2018 par exemple, 800 arbres ont gelé. On peut ainsi passer de la production de 200 litres à 5.000 litres d’huile d’olive. On vend quoiqu’il en soit partout dans le monde, principalement en Europe. Mais avec l’incertitude de la production, il est difficile d’aller faire du marketing dans de nouveaux pays pour se développer.

Ce n’est qu’en 2019 que j’ai complètement démissionné de la finance, après plusieurs semi burn-out comme on en a toutes à un moment parce que l’on essaye de trop faire !
Ma carrière n’était pas une finalité. Ma vie était plus importante, mais surtout j’avais besoin de faire quelque chose qui ait plus d’impact sur l’environnement.  J’avais cela par la ferme, une société agricole biologique, mais l’impact était limité à mes 15 hectares.

 

Parce que vous avez noté un réel impact de votre terrain sur l’environnement ?

Oui, c’est incroyable de voir comme l’écosystème a changé au fil des années avec la transition biologique. Le patrimoine biologique est énorme à cet endroit, il était de notre devoir de préserver tout l’écosystème qu’il y a autour. Nous avons obtenu la certification biologique en 2012, et aujourd’hui, en moins de dix ans donc, cet écosystème revit, se rééquilibre, de nombreuses variétés rares reviennent, principalement des invertébrés, dont une grande collection de papillons que viennent observer les experts naturalistes. Nous allons d’ailleurs recevoir cette année nos premières ruches car une sorte de havre pour les insectes pollinisateurs s’est constitué avec nos fleurs comestibles comme la bourrache, la camomille ou le souci.

 

C’est donc en voulant voir plus grand que vous avez visé les forêts ?

Je cherchais le bon levier. Et en effectuant quelques recherches, je suis tombé sur la société belge Sylva Nova, fondée par Pierre Hermans, un consultant forestier expert en son domaine depuis 1994. Il collabore notamment avec la société française Reforest’Action qui mène des projets de Forestation et Reforestation dans les pays en voie de développement et en Europe.
En discutant avec lui, je me suis rendue compte qu’autour de moi, beaucoup de personnes que je connaissais avaient besoin de développer des projets environnementaux dans leur société agricole, sans avoir les financements suffisants. Car une société agricole ne fait pas d’argent, il y a toujours un imprévu, un coût supplémentaire. Les propriétaires terriens se retrouvent souvent confrontés à un problème de manutention dont le coût peut facilement s’élever à 200.000 euros sur 25 hectares.

 

Or cela correspond à la tendance actuelle, où les entreprises sont de plus en plus impliquées envers la responsabilité sociale et le développement durable…

Avec l’aide de Sylva Nova, j’ai en effet cherché des sociétés cotées en bourse qui doivent faire leur bilan de développement durable, afin de dénicher des mécènes. Pour eux, l’action est philanthropique, ils ont uniquement un retour sur image car pour avoir des crédits de carbone il faudrait créer une nouvelle forêt là où il n’y en a jamais eu.

En moins d’un an, nous avons déjà réalisé de beaux projets de préservation de l’environnement. L’un par exemple, concerne les pinèdes du Parco regionale della Maremma. Elles ont été plantées à deux moments historiques de bonifica, c’est-à-dire la bonification des marais, voulue par le dernier Granduca di Toscana au XIXèeme siècle et par Mussolini dans les années 1920. Or ces pinèdes ont souffert de nombreux incendies récemment et d’insectes antagonistes qui empêchent les pins de produire des pignons.
S’agissant d’une réserve naturelle, il existe un grand devoir de manutention, pour autant, les propriétaires n’ont plus les revenus nécessaires. C’est ainsi qu’une grosse banque active en Italie,  finance une partie de la pinède, située derrière Marina di Grosseto. Il s’agit d’un important travail de restauration impliquant un débroussaillage sélectif pour conserver une biodiversité sous les pins, à la main, avant de replanter des arbres où il en manque.
Un autre projet sera réalisé dans le parc naturel pour sauver une oasis dans la région. Ici, il s’agit d’extirper chaque arbre mort (environ un sur cinq) sans nuire à ceux situés autour et tout en laissant les arbres morts nécessaires pour les oiseaux migrateurs qui y font leur nid et certains arbres à terre pour les tanières des petits mammifères. Cette démarche nécessite des machines de précision, très coûteuses.

 

Il s’agit déjà de deux projets de restauration de forêts de grande ampleur. Qu’envisagez-vous pour le futur proche ?

Mon but est de développer ces actions en Europe, notamment en France, en Allemagne, en Autriche, et continuer en Italie. Ma cible est la restauration des forêts existantes car il ne faut pas abandonner ce que l’on a déjà afin que cela passe aux générations suivantes. Il est nécessaire de les restaurer au stade auquel nos grands-parents les ont connus petits, avant la révolution industrielle. C’est notre responsabilité de rétablir cette biodiversité et cet écosystème vertueux. Et c’est urgent, nous n’avons plus de temps à perdre !

 

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions