Alors que la Fashion week milanaise commence aujourd’hui, Audrey Prioux, spécialiste du secteur de la mode en Italie, nous plonge dans son univers et nous explique les principales différences entre la France et l’Italie.
Cela fait près de 20 ans que vous vivez en Italie. Quel est votre parcours dans ce pays ?
Audrey Prioux : J’ai presque tout de suite travaillé dans la mode. D’abord à Rome, chez Fendi, où je suis restée 11 ans en passant de la boutique à la formation produit, puis à la collection femme.
Ensuite, après une expérience chez Valentino à Milan, cela fait plus de 3 ans que je suis responsable merchandising dans une maison internationale de mode, un poste central qui assure la coordination, le développement des collections et fait l’intermédiaire entre les stylistes et les commerciaux.
Quel est votre quotidien pendant la Fashion week ?
Le gros délire commence au moins 10 jours avant ! Les journées s’allongent, on ne finit pas avant 22h. C’est en effet 10 jours avant qu’on reçoit les collections, on découvre donc le vrai produit pour la première fois, celui à présenter en showroom pour la vente. S’il y a un problème, il faut le renvoyer et le refaire en urgence.
On commence aussi aussitôt les shootings pour finir les catalogues de vente, les fiches des produits, les documents de présentations de collection. On finit également de travailler sur les prix. Cette partie est très longue. Et puis on fait aussi de l’editing (annulation de produits), des ouvertures en catalogue (on propose à la vente éventuellement d’autres couleurs, versions) et aussi ce qu’on appelle du finetuning physiologique pour maximiser les performances de la collection.
On monte également le showroom, on présente la collection et on forme l’équipe de de vente qui doit transmettre aux buyers, son histoire, sa technique, les groupes qui constitue l’offre…
Et on ne s’ennuie jamais car c’est toujours différent d’une collection à l’autre !
On expose la France et l’Italie comme rivales dans la mode. Quelles sont les principales caractéristiques qui différencient la mode française de celle italienne ?
Il s’agit en fait de deux modes différentes, marquées par des différences culturelles.
La France a développé un héritage de Haute-couture. Les Italiens nous envient d’ailleurs beaucoup notre capacité à vendre notre héritage. La mode mais aussi notre patrimoine architectural et gastronomique d’ailleurs !
L’Italie quant à elle est reine du prêt-à-porter de très haut de gamme, mais aussi de luxe avec de sublimes collections chez Valentino, Prada, Dolce Gabbana ou Versace. C’est une mode plus sophistiquée, extravertie. Les italiens sont aussi très connus pour leur savoir-faire, notamment sur le travail du cuir et de la maroquinerie. Une grande partie des productions de souliers, par ailleurs, même de maisons françaises sont Made in Italy ! Aussi parce que l’Italie possède un réseau de fournisseurs exceptionnels répartis sur toute la péninsule.
Reste qu’aujourd’hui tout cela s’est un peu polissé. D’ailleurs, beaucoup d’italiens, créateurs et managers, travaillent dans des maisons françaises (chez Dior, la Directrice de la Création est italienne par exemple) et inversement.
Il y a une différence quand on travaille dans la mode en France ou en Italie ?
Oui beaucoup, car la gestion du business est différente. A Paris, on a affaire à un système très managérial : les maisons font parties d’un grand groupe. En Italie, comme très souvent dans le pays, on trouve principalement des maisons « familiales » comme Armani, Versace, Missoni. Aussi, tout est conduit selon la vision du propriétaire.
Résultat, les italiens sont très pragmatiques, rapides moins politiques et plus informels. Ils trouvent une solution à tout. Les Français quant à eux sont très structurés, plus formels. C’est positif bien-sûr, mais parfois « la politique » et « gestion interne » peut être au dépit d’une opportunité et d’une solution à prendre rapidement.
Qu’est-ce qui vous agace le plus de l’Italie ?
L’approximation, la difficulté à avoir des informations claires, structurées avec un fil logique et ce dans tous les domaines. Que ce soit pour un contrant d’électricité ou autre, on nous donne toujours un bout d’explication, mais pas tout. Il faut passer deux heures à comprendre un problème. Enfin cet aspect s’est sensiblement atténué en quittant Rome pour Milan !
Qu’est- ce qui vous réjouit le plus ?
La légèreté, le côté « bon enfant » de la vie quotidienne, la capacité à se réjouir et profiter des choses simples et importantes de la vie : une pizza en famille, le café au bar du coin le matin, une balade... Sans oublier l’amour pour la culture et la cuisine italiennes !