Le parquet de Milan a placé Uber Italie sous administration spéciale, après avoir ouvert un dossier sur l’exploitation présumée de milliers de livreurs.
Depuis quelques jours, dans toute la péninsule, les carabiniers arrêtent les livreurs en deux roues dans les rues. Mais ce n’est pas pour imposer des sanctions, ni même faire des contrôles de routine. En réalité, les forces de l’ordre recueillent les témoignages de ces travailleurs précaires sur leurs conditions de travail, le fonctionnement du service fourni, et également les garanties sanitaires et de sécurité dont ils bénéficient (ou pas).
Concrètement, c’est dans la gestion des plateformes que des géants comme Uber Eats sont inquiétés. Dans le cas de l’entreprise américaine, des dénonciations anonymes ont fait valoir que la plateforme aurait payé deux sociétés intermédiaires pour qu’elles embauchent et gèrent des migrants, selon l’agence Reuters. Plus de 1.000 livreurs se sont retrouvés payés 3 euros de l’heure pour leurs livraisons. La Repubblica révèle que l’urgence du Covid19 aurait même multiplié cette exploitation, du fait de l’intensification des livraisons pendant le confinement.
De son côté Uber Italie nie les faits, affirmant avoir condamné toute forme d’intermédiation abusive illégale. Dans un communiqué, l’entreprise précise de surcroît participer au débat sur la réglementation pour donner une « sécurité juridique nécessaire » aux livreurs, et obtenir plus de stabilité en Italie. Si les faits se voient avérés, le groupe risquerait des condamnations pour ce qui équivaut en France au recours abusif du travail temporaire et à l’abus de faiblesse.
Le phénomène répandu du caporalato
C’est en fait un phénomène plus général qui est visé : le caporalato. Très répandu en Italie, il consiste pour de grands groupes, comme pour de petits employeurs, à embaucher des individus dans une situation de besoin tellement forte que ces derniers sont contraints à accepter le travail proposé. Bien souvent, le salaire est extrêmement bas, et il n’y a aucune reconnaissance formelle de l’emploi. C’est pour cette raison que les entreprises se tournent majoritairement vers les migrants et réfugiés politiques, regroupés dans les centres d’accueil italiens. En attente de permis de séjour, donc dans une situation irrégulière, ces personnes ne peuvent rien faire.
Notons que le décret Relance, édicté pour réagir à la crise sanitaire en Italie, devrait reconnaître des droits et régulariser la situation de sans-papiers impactés par le caporalato dans le secteur agricole et l’aide à domicile