La conférence épiscopale qui s’ouvre ce 23 mai s’annonce historique : les évêques italiens y aborderont la question épineuse des violences sexuelles et de la pédocriminalité au sein de l’institution.
Ces dernières années, les dénonciations d’abus sexuels perpétrés par des membres du clergé se sont multipliées dans les sociétés occidentales. Tandis que les pays concernés ont ouvert, les uns après les autres, des enquêtes indépendantes pour mesurer l’ampleur du problème, l’Italie est restée immobile. Dans la Péninsule, l’Église catholique a en effet préféré la discrétion des procédures internes à l’inévitable scandale des investigations de fond, quitte à ce que les accusations s’amplifient. Face à la parution imminente d’un livre qui compte justement lancer un pavé dans la mare, la conférence épiscopale (du lundi 23 au vendredi 27 mai à Rome) devrait se prononcer cette semaine sur les violences sexuelles commises par des membres de l’Église italienne. La question des abus sexuels dans l’Église figure en tous les cas à l’ordre du jour de l’Assemblée plénière des évêques italiens, alors que les victimes et les associations appellent à la constitution d’une commission indépendante.
Un livre pour mettre l’institution catholique face à une dure réalité
Intitulé Agnus Dei. Gli abusi sessuali del clero in Italia (Agneau de Dieu. Les abus sexuels dans le clergé en Italie), l’ouvrage de Lucetta Scaraffia, Anna Foa et Franca Giansoldati sortira ce jeudi 26 mai. Les auteures assurent ne pas l’avoir écrit contre l’Église italienne mais pour contraindre celle-ci à se soumettre à une enquête et ainsi se montrer digne de la confiance de ses fidèles. Cherchant à interroger la particularité du cas italien, le livre est fondé sur les témoignages recensés par la Rete dell’Abuso (« le Réseau de l’Abus »), association de victimes des abus sexuels du clergé et unique archive qu’il existe en la matière. Les informations mises à disposition par cette dernière ont permis d’identifier des profils similaires, notamment chez les mineurs : issus de familles très pauvres, ils dépendent pour beaucoup de la solidarité de la paroisse et retirent leur plainte en échange d’une dizaine de milliers d’euros. Les agresseurs qui échappent à la justice sont alors remis à une branche de l’Église qui s’occupe des religieux en difficulté, laissant croire à des actes isolés.
Sur le chemin de la reconnaissance des obstacles demeurent
Il est vrai que la dynamique de sécularisation de la société italienne n’a jamais été aussi rapide et que, face à des accusations toujours plus dures à dissimuler, le soutien aveugle voué à l’institution devient minoritaire. Cependant, l’Église catholique conserve une assise telle dans la Péninsule qu’il est encore difficile de s’y attaquer. En tant qu’instance de régulation sociale, notamment dans les villages, elle décourage les initiatives individuelles à s’y heurter. Une tendance à l’inaction qui se retrouve même dans les sphères de pouvoir : « En cinq ans, un seul parlementaire a posé des questions », rappelle Franca Giansoldati. D’un point de vue judiciaire, peu de chance de voir les procédures s’accélérer tant que le concordat permet aux membres du clergé de garder le silence. Les rédactions italiennes, qui comptent autant de fervents catholiques que les autres corps de métier, rechignent elles aussi à contrarier l’Église. De fait, les rares affaires d’abus sexuels dans l’Église qui aient débouché, ces dernières années, à des procès, ont davantage intéressé la presse étrangère que les médias nationaux.
Luz Escoubes