Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

COVID-19 et baux commerciaux : où en sont les locataires ?

bail commercial coronavirusbail commercial coronavirus
Écrit par Pirola Pennuto Zei & Associati
Publié le 9 novembre 2020, mis à jour le 7 décembre 2020

Alors que le gouvernement italien a permis des crédits d’impôts aux preneurs de baux commerciaux durant les fermetures administratives, les juges italiens se prononcent sur des demandes de suspension ou de réduction de loyers fondées sur la crise sanitaire.

Au cœur de la première vague de la crise sanitaire, nous avions analysé les impacts juridiques de la fermeture administrative des locaux commerciaux et les options offertes aux preneurs par le droit italien pour suspendre le paiement du loyer. Après 6 mois, les juges ont eu l’occasion de se prononcer sur la question et de nouvelles mesures fiscales ont été adoptées par le gouvernement italien. Faisons le point sur le sujet.

 

Le crédit d’impôt : une bouffée d’oxygène pour les preneurs

Le gouvernement italien est intervenu en faveur des preneurs une première fois, en mars 2020 avec le Décret « Cura Italia » (Décret-Loi n. 18/2020) qui a introduit pour les locataires un crédit d’impôt de 60% du loyer versé pour le mois de mars mais exclusivement pour les commerces de détail faisant l’objet de fermeture administrative à cause des mesures « anti-COVID ».
Le Décret « Rilancio » (Décret-Loi n. 34/2020), intervenu en mai, a quant à lui étendu le bénéfice du crédit d’impôt aux loyers des mois de mars à juin 2020 (ou d’avril à juillet 2020 pour les hébergements touristiques ayant une activité saisonnière uniquement) à tous les baux commerciaux et professionnels et les crédits-bails immobiliers, en le maintenant à 60% du loyer payé sur ces périodes. Le décret avait également introduit un crédit d’impôts de 30% pour les contrats de location-gérance et contrats de services incluant la mise à disposition d’un bien immobilier (ex. business center).

A noter que pour pouvoir bénéficier de ce crédit d’impôt, à l’exception des entreprises ayant commencé leur activités au 1er janvier 2019, les conditions suivantes doivent être remplies : (i) le chiffre d’affaires 2019 ne doit pas avoir dépassé 5 millions d’Euros (condition non applicable aux opérateurs du tourisme) et (ii) les entreprises doivent avoir subi une diminution du chiffre d’affaires d’au moins 50% par rapport aux mois correspondants de 2019.

Les commerces de détail dont le chiffre d’affaires 2019 dépasse le seuil de 5 millions d’euros peuvent malgré tout bénéficier de ce crédit d’impôt, mais seulement à hauteur de 20% pour les baux commerciaux et de 10% pour les contrats de location-gérance.

Deuxième vague et extension du crédit d’impôt

Face à la deuxième vague de la crise sanitaire, de nouvelles mesures de restrictions au commerce ayant été adoptées, par Décret-Loi n. 137 du 28 octobre 2020 (Décret « Ristori »), le crédit d’impôt du Décret Rilancio a été étendu aux mois d’octobre, novembre et décembre 2020 pour les entreprises concernées par les nouvelles mesures restrictives (telles que visées par le décret parmi lesquelles restaurants et hôtels). Enfin, le Décret « Ristori-bis » (en cours de publication) va étendre cette dernière mesure à tous les locataires commerçants opérant dans les régions qualifiées comme « rouges » (haut risque) et dont l’activité a été suspendue.
Ces crédits d’impôt peuvent être utilisés par compensation avec des dettes fiscales et ne rentrent pas dans l’assiette du calcul des revenus imposables.

 

Les juges italiens au secours des preneurs

Les juges italiens ont eu de leur côté l’occasion de se prononcer sur des demandes de suspension ou de réduction de loyers fondées sur la crise sanitaire liée au COVID-19 et ses conséquences sur l’exécution du bail.
Ainsi, le Tribunal de Rome, par décision du 27 août 2020, concernant un bail commercial de restaurant, a considéré que la diffusion du Covid-19 représentait un évènement exceptionnel, autorisant le preneur à obtenir la renégociation du contrat en application du principe de bonne foi afin de ramener le contrat à l’équité ; le juge a ainsi ordonné la réduction du loyer de 40% pour les mois d’avril et mai 2020 et de 20% pour la période allant de juin 2020 jusqu’à mars 2021.
Le même tribunal avait dès le 29 mai 2020 considéré l’existence d’un manquement du bailleur à son obligation de garantie de la jouissance du fonds de commerce, comportant pour le preneur une exploitation limitée des locaux par rapport à l’objet du contrat, en déduisant un droit pour celui-ci à une réduction des loyers pour la période de fermeture (estimée en l’espèce à 70%).

Egalement favorable au preneur d’un bail commercial le Tribunal de Bari, qui, par décision du 9 juin 2020, au vu du caractère exceptionnel de la période en question, a accordé une réduction du loyer de 60% pour les mois de mars et avril 2020 et de 50% pour les mois de mai à juillet 2020.

Enfin, la Cour de Cassation – dans le cadre d’un rapport du 8 juillet 2020 sur les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur le droit des contrats italien – a exprimé sa position. Après avoir indiqué, en matière de baux précisément, que la fermeture administrative des locaux ne saurait constituer un manquement du bailleur à ses obligations contractuelles justifiant la suspension du paiement du loyer par le bailleur, elle a retenu, d’une manière plus générale, pour tous les contrats,  que l’exécution et l’interprétation d’un contrat doivent être conformes au principe de bonne foi, dont l’application impose une véritable obligation à la charge des parties de renégocier le contrat pour le reporter à l’équité, en cas de changement des circonstances de fait et de droit existantes lors de la conclusion du contrat, et ce indépendamment des dispositions contractuelles.

Une interprétation de la part de la Cour Suprême intéressante et très inspirante qui peut aider les preneurs dans la négociation d’une réduction du loyer prévu au bail au vu, notamment, de la forte baisse de chiffre d’affaires enregistrée pendant le confinement mais aussi pour la période après la réouverture des commerces où la demande des consommateurs n’était pas au rendez-vous.

 

baux commerciaux italie

En collaboration avec Nicola Lattanzi Avocat au Barreau de Milan – Pirola Pennuto Zei & Associati

 

Sujets du moment

Flash infos