Pour présenter son dernier livre, Histoires de l'alimentation, Jacques Attali nous fait un diaporama culinaire des différentes périodes de l'Histoire et constate les apports et les dérives des grandes civilisations à travers les époques.
« Notre présent n'est qu'un instant fugitif », c'est ainsi qu'a débuté la conférence de Jacques Attali, au Cordon Bleu, célèbre institution des arts culinaires et du management hôtelier à Paris. Il y a présenté son nouveau livre : Histoires de l'alimentation dans lequel il met en lumière les grands moments de bascule qui ont façonné l'Homme et sa façon de manger.
Du silex au pyrex
D'abord, il y a l'apparition du feu, qui a dû se faire plus tôt que ce que l'on croit. Le feu a structuré le cerveau et la nourriture et a fait de nous Sapiens sapiens. Il y avait la nécessité de se sédentariser, en raison de la croissance démographique, il fallait nourrir le groupe et pour cela l'Homme a eu recours à l'élevage et à la domestication de l'eau.
Cette organisation sociale a donné naissance aux empires. On peut en citer trois majeurs, 10.000 ans avant notre ère : l'Égypte, la Mésopotamie et la Chine. Les empires sont apparus pour structurer les populations, mettre de l'ordre et répartir les tâches. Le repas prend alors une teneur politique. On peut d'ailleurs distinguer trivialement : le repas des riches et le repas des pauvres. En réalité, dans ce genre de réunions, la nourriture est secondaire. Le repas devient alors le lieu privilégié de l'échange. A Athènes par exemple, les citoyens déjeunaient ensemble tous les jours pour discuter et régler les problèmes de la cité.
Repas de destruction massive
A partir du 19e siècle, l'Amérique est probablement l'endroit où on mange le mieux sur Terre. Beaucoup de produits issus du nouveau monde vont révolutionner la cuisine, on peut citer les poivrons, la tomate et la pomme de terre. Le protestantisme puritain s'y développe très bien et va de paire avec le capitalisme au sens économique du terme. De là, apparaît une toute autre perception du repas. Il devient dangereux puisque pendant ce temps on ne travaille pas, on ne consomme pas et pire que tout : on converse ! Les corn-flakes deviennent l'aliment essentiel des petits-déjeuners. Les consommateurs ne savent pourtant pas qu'elles sont faites pour détruire le plaisir sexuel. On entre dans le simulacre de nourriture et le simulacre de plaisir. On mange vite, le repas est nomadisé à travers la multiplication des fast-foods, toujours dans la logique de détruire le repas. Détruire le repas pour consommer le plus possible. Manger vite et seul puis compenser le sentiment de solitude par la consommation. La durée des repas s'amenuise. La nourriture industrielle se généralise.
Les limites du modèle de consommation occidental
La généralisation du modèle de consommation occidental a pour conséquence la standardisation des envies et des modes de consommation. Les pays d'Afrique et d'Asie qui aspirent au même modèle de développement, ne comprennent pas que les Occidentaux les en empêchent, après avoir eux-mêmes profité grassement du système. Les ressources de la Terre ne permettent pas que tous les peuples poursuivent un même modèle économique mortifère.
Des moyens alternatifs de consommation existent , on peut observer une augmentation de la consommation d'insectes par exemple, même si leur usage est encore assimilé à un mode de vie modeste, et que leur consommation excessive nuirait également à l'écosystème. Quel que soit le modèle de consommation choisi, il paraît évident que nous nous dirigeons vers une consommation de viande de plus en plus rare. En 2050, nous serons 11 milliards sur Terre. Nous nous trouverons face à de gros enjeux alimentaires, notamment en Afrique, où la nourriture locale est détruite et remplacée par les déchets alimentaires des Occidentaux.
Quel modèle pour l'avenir ?
Afin de faire face au mieux à ces enjeux, des réformes politiques sont à envisager. Parmi les domaines identifiés dans son ouvrage, Histoires de l'alimentation, figurent : la maîtrise des océans, la maîtrise des sols, la maîtrise des engrais et pesticides, contraindre l'industrie de l'agro-alimentaire à respecter le rythme de la nature et l'intégrité sanitaire de l'Homme et enfin lutter contre la consommation de sucres transformés.
Cela dit, Jacques Attali reste optimiste et évoque des îlots de résistance. Selon lui, l'Humanité a cumulé assez de sagesse pour être bien et en bonne santé. Manger peu et lentement, jeûner de temps en temps et arrêter de manger du sucre sont déjà un bon début !